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Vertuchou.over-blog.com

Je ne vis que ses yeux

11 Mai 2017, 03:32am

Publié par vertuchou

..  Je ne vis que ses yeux. Ils prirent possession de moi avec tant d’ironie qu’à peine je pus balbutier des politesses, m’incliner, sourire. Ces yeux vous regardaient, à quoi je n’étais guère habitué, par dédain sans doute, d’accorder à quelqu’un d’autre ce pouvoir. Je n’eus pas le temps de reconnaître la couleur de ce regard, ni le visage dont il émanait.

Elle était vêtue de noir, obscure vraiment, comme une prêtresse ou ce qu’on voudra de sévère et d’imposant. Encore aujourd’hui je ne peux voir une femme en deuil sans la revoir, elle, brune et sombre, avec dans les yeux tout l’éclat de l’insolence et de la gaieté.

Au dîner, j’observai Concha ouvertement, et elle soutint mon regard. Elle ne refusait ni n’engageait le combat, et ses yeux se posaient sur les miens, curieux et froids, sans que je puisse décider s’ils étaient pour ou contre mon désir. Comme tous les yeux admirables, je m’apercevais qu’ils avaient une couleur difficile à identifier ni marron, ni verts, avec une tache pourpre dont on aurait dit qu’elle savait user.

Philippe Sollers, Une curieuse solitude

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Elle est celle qui attend

10 Mai 2017, 03:19am

Publié par vertuchou

Elle est celle qui attend.

Égrainer les heures de ses jours et de ses nuits, comme une grenade

ou un épi de maïs, en retirer les mensonges et les duperies,

faire passer les grains de raisin un à un, entre ses doigts, comme des mots

d’insomnie et de chagrin, dessiner un arbre dont aucune feuille ne connaîtrait l’été,

parce qu’elle est celle qui attend.

Elle évoque le poète de son pays lointain :
"Écoutez-moi, vous autres qui traversez le seul, l’infini désert,
Vous, déjà ombres ! qui grincez telles les serrures moisies de la solitude,
Ah ! Vous autres, dans l’urne du silence comme ces poussières, ces grimoires et les années !"

Elle désire le silence, loin du désert des villes abreuvées de foules anonymes

et des regards impavides, le silence où naissent les aubes,

avant qu’elles n’apaisent la peur, le silence d’entre nuit et jour,

celui qui vous prend par la main et vous mène sur les chemins

où l’on éprouvera son souffle, à la rencontre fortuite d’un oiseau sur une branche.

Dans ce frémissement d’ailes et de vent, qui, de la branche et de l’oiseau, est la branche ?

...

Remy Durand

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Street Photography

9 Mai 2017, 02:51am

Publié par vertuchou

Alex Coghe, Street Photography 6

Alex Coghe, Street Photography 6

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Chanson

8 Mai 2017, 03:11am

Publié par vertuchou

Vu que tu es plus blanche que le lis,
Qui t’a rougi ta lèvre vermeillette
D’un si beau teint ? Qui est-ce qui t’a mis
Sur ton beau sein cette couleur rougette ?

Qui t’a noirci les arcs de tes sourcils ?
Qui t’a bruni tes beaux yeux, ma maîtresse ?
Ô grand beauté remplie de soucis,
Ô grand beauté pleine de grand liesse !

Ô douce, belle, honnête cruauté,
Qui doucement me contraint de te suivre,
Ô fière, ingrate, et fâcheuse beauté,
Avecque toi je veux mourir et vivre.

Pierre de Ronsard

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Dans toute poésie

7 Mai 2017, 02:51am

Publié par vertuchou

Dans toute poésie, quelle qu'en soit la forme ou l'étendue,
il y a une lutte secrète entre l'infini du sentiment et le fini de la langue
dans lequel cet infini se renferme sans se limiter.
 
Jules Barbey d'Aurevilly

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Egyptologie

6 Mai 2017, 02:32am

Publié par vertuchou

Je suis le Sphinx.
Je suis la femme enterrée dans les sables jusqu’au menton
J’attends l’archéologue qui m’arrachera à cette tombe
Mettant à nu mon cou, mes seins aigus, mes doigts griffus
Sans oublier la clé de mon énigme.
Car jamais on ne l’a plus résolue depuis Œdipe.
Je regarde les pyramides pareilles à des seins anguleux et durs
Debout sur le corps tari de l’Egypte.
Mes eaux fertiles coulent dans les profondeurs adorables enfers.
Toute femme devrait posséder un delta de ce riche limon
Du même brun mordoré que les fesses des reines de Nubie
O mon amie, qu’es-tu venue faire en Egypte ?
Entre Aton et Yahvé la vieille haine n’est pas morte
Moïse marche en tête de son peuple et parle de remords
La voix qui jaillit du volcan refuse de se taire
Religion de la mort
Et femme enterrée vive
Durant des millénaires
Des océans de sable ont passé sur ma tête
Mon sexe n’est qu’un désert
Mes cheveux étaient plus poreux que la ponce
Et nul ne me tétait les lèvres
Pour en tirer le lait de la parole
Ces seins pyramidaux, malgré leur démesure
Ne connaîtront jamais la flétrissure
Au cœur de chacun d’eux gît un monarque mort
Au cœur de chacun d’eux
Dort une chambre noire …
Tunnel, ossements d’homme
Or maléfique


Erica Jong

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Causou

5 Mai 2017, 03:28am

Publié par vertuchou

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A la femme aimée

4 Mai 2017, 02:11am

Publié par vertuchou


Lorsque tu vins, à pas réfléchis, dans la brume,
Le ciel mêlait aux ors le cristal et l’airain.
Ton corps se devinait, ondoiement incertain,
Plus souple que la vague et plus frais que l’écume.
Le soir d’été semblait un rêve oriental
De rose et de santal.

Je tremblais. De longs lys religieux et blêmes
Se mouraient dans tes mains, comme des cierges froids.
Leurs parfums expirants s’échappaient de tes doigts
En le souffle pâmé des angoisses suprêmes.
De tes clairs vêtements s’exhalaient tour à tour
L’agonie et l’amour.

Je sentis frissonner sur mes lèvres muettes
La douceur et l’effroi de ton premier baiser.
Sous tes pas, j’entendis les lyres se briser
En criant vers le ciel l’ennui fier des poètes
Parmi des flots de sons languissamment décrus,
Blonde, tu m’apparus.

Et l’esprit assoiffé d’éternel, d’impossible,
D’infini, je voulus moduler largement
Un hymne de magie et d’émerveillement.
Mais la strophe monta bégayante et pénible,
Reflet naïf, écho puéril, vol heurté,
Vers ta Divinité.

Renée Vivien

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J'ai besoin de te voir

3 Mai 2017, 02:26am

Publié par vertuchou

J'ai besoin de te voir, de te presser sur mon coeur, de mourir sur tes lèvres.
Ange à moi, ange adoré, j'ai besoin de verser mon âme dans la tienne,
et de retrouver ces sensations qui sont devenues ma vie.
Cette vie est en tes mains.
Mon sang bout, tous mes sens sont dans une agitation
que ton regard et tes baisers seuls calment.
Je t'aime avec fureur, soyons toujours unis, donne-moi de longues heures.


Lettre de Benjamin Constant  à Anna Lindsay, le 22 décembre 1800.

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J’ai aimé

2 Mai 2017, 03:12am

Publié par vertuchou

J’ai aimé des endroits
où secrètement
le soleil se laissait caresser.

Où étaient passées des lèvres,
où les mains avaient couru innocentes,
le soleil brûle.

J’ai aimé comme on brise la pierre,
comme on se perd
dans l’insensible floraison de l’air.

--- Eugénio de Andrade

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