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poetes d'aujourd'hui

Ce jour

19 Juin 2018, 01:02am

Publié par vertuchou

Aujourd'hui pourrait être le jour.
Je pourrais lâcher les amarres et dériver
jusqu'au bout de la jetée
délover dans l'eau les cordages
vaisseau de lumière clairière de lune
voguer sur les courants jusqu'au coucher du soleil
et quand je ne serai plus là
une autre inconnue te trouvera
lovée dans le sable chaud
trésor échoué et t'aimera
pour ces histoires différentes
que tes mers racontent
et les fleurs à-demi écloses
que ma saison a fait naître
continueront à exhaler leur parfum
dans un bourdonnement réconfortant.


Mais ce jour
n'est pas encore le jour.
Ce jour.

Audre Lorde

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Dans l’interminable ennui de la plaine

17 Juin 2018, 02:22am

Publié par vertuchou

Dans l’interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable.

Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.

Comme les nuées
Flottent gris les chênes
Des forêts prochaines
Parmi les buées.

Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la Lune.

Corneille poussive
Et vous, les loups maigres,
Par ces bises aigres
Quoi donc vous arrive ?

Dans l’interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable

Paul Verlaine

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Le point

15 Juin 2018, 02:21am

Publié par vertuchou

Soupeser.

Sentir.

Se sentir.

Alors la fatigue.
Celle de se sentir. De nouveau.
Choisir d’écrire. Pour se situer.
Sur le point de mire.
Se concentrer. Sur le point.
Dire le point. Point.
L’écrire. Écrire l’écrire.
Écrire je mens.
Impossible d’écrire le point. La
La fatigue.
Dire la fatigue.

Cesser d’écrire.

Chantal Maillard

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Abysse

11 Juin 2018, 02:05am

Publié par vertuchou

Chaque jour
à heure fixe
la mer remonte des abysses
pour donner à la terre
des raisons d'espérer
avant les mortes eaux

 

José Le Moigne

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Amants perdus

7 Juin 2018, 02:16am

Publié par vertuchou

Ils vont
marchant contre leur cœur
cherchant l’épaule
qui reprendra leur main

Ils veulent
serrer contre leur corps
la paume d’une étoile
le rouge de la nuit

Mais il faut
écraser nos regards
sous l’ongle de la lune
sous l’ombre de leur lit

Marcel Olscamp

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L’air du poème

3 Juin 2018, 02:15am

Publié par vertuchou

la voix prise dans le feu
me voici sans mot

me voici trace
là - où ne demeure que la foudre -
de toi séparée avant le commencement
avons-nous partagé la lumière
quelle éclaircie tourmente nos braises ?
sommes-nous gouttes d'eau échappées de l'orage
ou poussières dans la tornade du temps ?
sur le linteau de la nuit
nous sommes cueillis d'ivresse
au bas de nos pensées
se saisissent les rêves
le soudain accompli du nuage
où se revêtent les choses sans nom
affranchies de l'enfance
seuls nous sommes seuls
et mêmes et étrangers
et tes mots sur mes lèvres
s'écorchent jusqu'au livide
le soleil s'invite à la fenêtre des nuages
et le ciel
et la berge
et la marche
et le seuil du chemin
ressemblent aux mots des poèmes

il y a les mots
les ombres des mots
les lumières
les lueurs des mots
les cris
les chuchotements
les mots tendrement ouverts
les mots envolés des lèvres
comme des ailes pliées
comme des fenêtres ouvertes
comme des rivières où naissent les âmes
les mots tombent comme des fruits mûrs
comme des feuilles
comme l'herbe rouge et bleue
plus tard
quand les feuilles noircissent
la peau des rêves
le soir descend des étoiles
une autre langue parle
les mots du chemin et de la forêt
dans toutes les langues
marchent sur l'invisible
c'est ta main dans la mienne pleine de paroles
de terres nouvelles d'eaux souterraines
et la terre te fait signe depuis la lune
fragment de ciel
et d'invisible
le poème absolu
s'ouvre du désir premier des lèvres
trouée de rêve où seules chantent les mains.

Nicole Barrière

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on ne fait qu’écrire

30 Mai 2018, 02:12am

Publié par vertuchou

on ne fait qu’écrire
fendre le blanc


se saisir de la boue


prendre le tison d’une langue
retournée à profondeur de lame


le rouge au commencement


le mot est couché entre les morts
et les silences tombés fous


peut-être, le commencement
d’une peau morte au coin de l’ongle


Erwann Rougé

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L'oiseau du tour du monde

26 Mai 2018, 02:56am

Publié par vertuchou

Un bœuf gris de la Chine
Couché dans son étable
Allonge son échine
Et dans le même instant
Un bœuf de l'Uruguay
Se retourne pour voir
Si quelqu'un a bougé.

Vole sur l'un et l'autre
A travers jour et nuit
L'oiseau qui fait sans bruit
Le tour de la planète
Et jamais ne la touche
Et jamais ne s'arrête.

Jules supervielle

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Tombe amoureux de mon côté obscur

22 Mai 2018, 01:57am

Publié par vertuchou

Tombe amoureux de mon côté obscur,
De mon côté maléfique,
Du côté que personne n'aime,
Parce que de l'autre côté
N'importe qui tombe amoureux.
Tombe amoureux de mes mauvais moments,
De mes insécurités et mes défauts,
De mes caprices et de mes bêtises,
Parce que de mon côté brillant et séduisant
N'importe qui tombe amoureux.
Tombe amoureux de mon immaturité,
De mon entêtement et de mon impatience,
De ma part sauvage et imprévisible,
Parce que de mon côté passionné et irrésistible,
N'importe qui tombe amoureux.
Tombe amoureux de ma folie,
Parce que de mon côté serein,
Tu es déjà amoureux.


Alejandra Pizarnik

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Un jour qu'il faisait nuit

18 Mai 2018, 02:50am

Publié par vertuchou

Un jour qu'il faisait nuit

Il s'envola au fond de la rivière.
Les pierres en bois d'ébène les fils de fer en or et la croix sans branche.
Tout rien.
Je la hais d'amour comme tout chacun.
Le mort respirait des grandes bouffées de vide.
Le compas traçait des carrés et des triangles à cinq côtés.
Après cela il descendit au grenier.
Les étoiles de midi resplendissaient.
Le chasseur revenait carnassière pleine de poissons sur la rive au milieu de la Seine.
Un ver de terre marque le centre du cercle sur la circonférence.
En silence mes yeux prononcèrent un bruyant discours.
Alors nous avancions dans une allée déserte où se pressait la foule.
Quand la marche nous eut bien reposé nous eûmes le courage de nous asseoir puis au réveil nos yeux se fermèrent et l'aube versa sur nous les réservoirs de la nuit.

La pluie nous sécha.

Robert Desnos

 

 

 

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