Midi en hiver
En ce moment où j'étais déjà heureux
(Que Dieu me pardonne une parole si grande et si terrible)
qui mena presque jusqu'aux larmes ma joie fugace ?
Sans doute direz-vous : «Certaine belle créature qui passait par là
et qui t'a souri ?» En fait, ce n'est qu'un petit ballon,
un petit ballon bleu perdu dans l'azur de l'air,
et le ciel natal resplendissant comme jamais
en ce midi limpide et froid de l'hiver.
Un ciel avec quelques petits nuages blancs,
et les vitres des maisons flamboyant au soleil,
et la fumée légère d'une ou deux cheminées,
et au-dessus de chaque chose, les divines choses,
ce globe échappé de la main imprudente d'un enfant
(bien sûr, son chagrin, son grand chagrin, le faisait pleurer
au milieu de la foule) entre le Palais de la Bourse et le Café
où, assis derrière les vitres, les yeux brillants d'admiration,
je regardais tantôt monter, tantôt descendre son trésor.
Umberto Saba
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