Le poète pressent
Le poète pressent que l’homme naît avec l’Univers entier en lui
et qu’il subsiste en contemplant l’existant pour s’y reconnaître.
Cristiana Eso
Coups de cœur
Le poète pressent que l’homme naît avec l’Univers entier en lui
et qu’il subsiste en contemplant l’existant pour s’y reconnaître.
Cristiana Eso
On ne peut revenir sur l’insulte, alors qu’on peut revenir de sa gentillesse,
et il vaut mieux abuser de celle-ci que d’user une seule fois de l’autre.
Bernard-Marie Koltes, Dans La solitude des champs de coton
Celui qui meurt se transforme immédiatement en passé. Peu importe combien il était important, combien il était bon, combien sa volonté de vivre était forte et combien l'existence était impensable sans lui : touché ! dit la mort, alors, la vie s'évanouit en une fraction de seconde et la personne se transforme en passé. Tout ce qui lui était attaché devient un souvenir que vous luttez pour conserver et c'est une trahison que d'oublier. Oublier la manière dont elle buvait son café. La manière dont elle riait. Cette façon qu'elle avait de lever les yeux. Et pourtant, pourtant, vous oubliez. C'est la vie qui l'exige. Vous oubliez lentement, mais sûrement, et la douleur peut être telle qu'elle vous transperce le cœur.
Kalman Stefansson, Entre Ciel et Terre
L’Océan sonore
Palpite sous l’œil
De la lune en deuil
Et palpite encore,
Tandis qu’un éclair
Brutal et sinistre
Fend le ciel de bistre
D’un long zigzag clair,
Et que chaque lame
En bonds convulsifs
Le long des récifs
Va, vient, luit et clame,
Et qu’au firmament,
Où l’ouragan erre,
Rugit le tonnerre
Formidablement.
Paul Verlaine
Son silence est le mien. Ses yeux, les miens.
C’est comme si elle me connaissait depuis longtemps, comme si elle savait tout de mon enfance, me devinant du plus près bien que je la voie pour la première fois. Je sentis que c’était elle, ma femme...
Marc Chagall, Ma vie
à Jean Joubert
Je ne sais rien
sur la mer
mais le ciel scintille
lorsque j'ouvre la porte du soleil.
Un arbre écrit son nom
sur le sable,
comme tu écris ta vie
sur la vitre de l'été.
Il faut penser au vent
qui se faufile entre les plumes
de la mouette, cette lumière
faite de branches et
de feuilles de poussière.
Soudain, je pense à un olivier
et l'horizon efface
la lumière de la mer,
tel un barbelé d’épines
que j'imagine
comme un mur
où des enfants jouent
à dessiner une maison de pluie.
Je sais bien que le papillon
est un arbre invisible.
Ses branches sont ton regard
et la terre entière ta blessure.
Patricio Sanchez-Rojas
Voici venu le froid radieux de septembre :
Le vent voudrait entrer et jouer dans les chambres ;
Mais la maison a l’air sévère, ce matin,
Et le laisse dehors qui sanglote au jardin.
Comme toutes les voix de l’été se sont tues !
Pourquoi ne met-on pas de mantes aux statues ?
Tout est transi, tout tremble et tout a peur ; je crois
Que la bise grelotte et que l’eau même a froid.
Les feuilles dans le vent courent comme des folles ;
Elles voudraient aller où les oiseaux s’envolent,
Mais le vent les reprend et barre leur chemin
Elles iront mourir sur les étangs demain.
Le silence est léger et calme ; par minute
Le vent passe au travers comme un joueur de flûte,
Et puis tout redevient encor silencieux,
Et l’Amour qui jouait sous la bonté des cieux
S’en revient pour chauffer devant le feu qui flambe
Ses mains pleines de froid et ses frileuses jambes,
Et la vieille maison qu’il va transfigurer
Tressaille et s’attendrit de le sentir entrer
Anna de Noailles
Le poème exige l’abolition du poète qui l’a écrit et la naissance du poète qui le lit.
Octavio Paz
Si je pouvais croquer la terre entière
Et lui trouver du goût,
Et si la terre était une chose à croquer,
J’en serais plus heureux pour un moment…
Mais moi ce n’est pas toujours que je veux être heureux
Il faut bien être de temps en temps malheureux
Afin de pouvoir être naturel…
Ce n’est pas tous les jours qu’il fait soleil
Et la pluie, quand elle manque terriblement, on la demande,
C’est pourquoi je prends le malheur avec le bonheur
Naturellement, comme qui ne s’étonne point
Qu’il y ait des montagnes et plaines
Ainsi qu’herbes et rochers…
Fernando Pessoa