Coups de cœur
Soulagement
Quand je n’ai pas le cœur.prêt à faire autre chose,
Je sors et je m’en vais, l’âme triste et morose,
Avec le pas distrait et lent que vous savez,
Le front timidement penché vers les pavés,
Promener ma douleur et mon mal solitaire
Dans un endroit quelconque, au bord d’une rivière,
Où je puisse enfin voir un beau soleil couchant.O les rêves alors que je fais en marchant,
Dans la tranquillité de cette solitude,
Quand le calme revient avec la lassitude !
Je me sens mieux.Je vais où me mène mon cœur.
Et quelquefois aussi, je m’assieds tout rêveur,
Longtemps, sans le savoir, et seul, dans la nuit brune,
Je me surprends parfois à voir monter la lune.Eudore Évanturel
Quand on aime, quand on ressent de l’amour
Quand on aime, quand on ressent de l’amour, que ce soit pour un être humain, un animal, une fleur ou un coucher de soleil, on est porté au-delà de soi. Nos désirs, nos peurs et nos doutes se dissipent. Nos besoins de reconnaissance s’évanouissent. On ne cherche plus à se comparer, à exister plus que les autres. Notre âme s’élève tandis que nous sommes tout entier emplis de ce sentiment, de cet élan du cœur qui s’étend alors naturellement pour embrasser tous les êtres et toutes les choses de la vie.
Laurent Gounelle, Et tu trouveras le trésor qui dort en toi
Elle était venue
Elle était venue sur les marches tièdes
Et s’était assise.Sa tête gentille était inclinée
Un peu de côté ;Ses mains réunies étaient endormies
Au creux de la jupe ;Et elle croisait ses jambes devant elle,
L’un des pieds menus pointant vers le ciel.Il dut le frôler, ce pied, pour passer
Et il dut la voir.Il vit son poignet qui donnait envie
D’être à côté d’elle dans les farandoles
Où l’on est tiré, où il faut qu’on tire
Plus qu’on n’oserait…Et il vit la ligne de son épaule
Qui donnait envie de l’envelopper
Dans un tendre châle.Mais le désir lui vint de regarder sa bouche
Et ce fut le départ de tout.
Mais le besoin lui vint de rencontrer ses yeux
Et ce fut la cause de tout.
Charles Vildrac
Mina Loy
J’emporte comme un fardeau léger…
J’emporte comme un fardeau léger,
Comme une gerbe de fleurs et de feuilles,
Toute l’ombre de ton verger,
Toute la lumière de ton seuil ;
Le poids est si doux qu’il m’enivre
D’un baiser de lys sur la bouche ;
Faut-il donc tout ceci pour, enfin, que tu livres
L’aveu de ton âme farouche?
Il est bon de partir quand on aime,
Il est doux de se quitter ainsi :
Puisqu’on ne le sait qu’à ce prix
Et qu’on se découvre soi-même.
Francis Vielé-Griffin
Comprendre un poème
Comprendre un poème, ce n'est pas être capable d'en parler.
Plus on aime, moins on trouve, le plus souvent, les mots pour le dire.
L'émotion suffit pour savoir qu'on se comprend.
Jean-Pierre Siméon
La mer propulse
Isis : Prologue
La passante
O toi qui t’en allais dans le soir taciturne
O toi qui t’en allais,
O toi qui remuais
De la tristesse en toi comme une eau dans une urne,
O toi dont la tristesse attira ma tristesse,
Nous qui nous en allions
Parmi la rue où le jour baisse,
Évitant de marcher du côté des rayons,
Nous qui nous en allions du côté de la rue
Où l’ombre des maisons est grise,
Toi qui m’est apparue,
O toi qui m’as compris et toi que j’ai comprise,
Car les heureux, d’instinct, ne marchent qu’au soleil
Et les tristes marchent à l’ombre ;
Et de nous en aller du même côté sombre,
Nous nous sommes sentis pareils…
J’ai compris ta détresse et toi mon amertume,
Martyrs d’un idéal trop beau,
O moi qui dans tes yeux regardais des tombeaux,
O toi qui dans les miens regardais de la brume !
Tristesse sans issue et qui était la nôtre :
Moi résigné ;
Toi, trop pâle d’avoir longtemps saigné ;
Oh ! nous qui aurions pu être heureux l’un par l’autre !
J’allais je ne sais où ; tu allais autre part ;
O toi qui t’en allas,
O toi si lasse, ô moi si las
D’un amour impossible et qui viendrait trop tard.
Nous nous sommes quittés comme dans un adieu,
Sans nous être parlé pourtant… ô cette angoisse !
Petite mort… et une cloche de paroisse…
Et nos yeux se sont fait des adieux, jusqu’à Dieu !
Georges Rodenbach