Coups de cœur
Haiku
Azalées fleuries
La pierre que j’ai mise là
Quel bonheur
Yosa Buson
La poésie chante quand la prose parle
La poésie chante quand la prose parle, sans doute. Elle se parcourt à l’infini dans tous les sens comme le champ que traverse le mince sentier de la prose, dont le propos est d’aller d’un point à un autre. Mais surtout, elle ne se définit que par l’impossibilité de préférer une définition à une autre.
Jean-Claude Bologne
Crépuscule
Doucement meurt
le jour d’hiver,
la lune migre
sur la Parma vers les collines qui noircissent.
À cette heure, quand elle passait
sur Antognano, on allumait la lanterne.
Aujourd’hui, certains visages qui s’éclairaient
à cette flamme soudaine sont dans le noir à jamais.
Le crépuscule tarde, mais comment,
cruel ou charitable ?
Non, c’est janvier sur son déclin
Et le jour s’allonge.
Attilio Bertolucci
It Ain't Necessarily So
Trubert, fabliau du XIIIe siècle (extrait)
– Cette chèvre est-elle à vendre, l’ami ?
– En effet, monseigneur. Vous la voulez ?
– À combien, mon frère, vous l’estimez ?
Dites-moi son prix et je vous l’achète.
– Volontiers. La chose n’est pas secrète.
Elle vaut quatre poils de votre cul
Et cinq sous tout rond. J’ai fait le calcul
Douin de Lavesne
Quand elle ouvrait les lèvres
Quand elle ouvrait les lèvres, avec un bref claquement de la langue qui lui rappelait celui des pages d'un livre exposées au grand vent, mon cœur se lubrifiait tellement qu'il devenait un organe incapable de se contrôler. Chaque battement, chaque fouettée de vie intentionnelle était prise à son piège. Et pas seulement le tronc, je m'enflammais toute entière sous l'effet de ses mots.
Eva Baltasar, Permafrost
Déshabillez-moi
Déshabillez-moi
Déshabillez-moi
Oui, mais pas tout de suite
Pas trop vite
Sachez me convoiter
Me désirer
Me captiver
Déshabillez-moi
Déshabillez-moi
Mais ne soyez pas comme
Tous les hommes
Trop pressés.
Et d'abord, le regard
Tout le temps du prélude
Ne doit pas être rude, ni hagard
Dévorez-moi des yeux
Mais avec retenue
Pour que je m'habitue, peu à peu…
Déshabillez-moi
Déshabillez-moi
Oui, mais pas tout de suite
Pas trop vite
Sachez m'hypnotiser
M'envelopper
Me capturer
Déshabillez-moi
Déshabillez-moi
Avec délicatesse
En souplesse
Et doigté
Choisissez bien les mots
Dirigez bien vos gestes
Ni trop lents, ni trop lestes
Sur ma peau
Voilà, ça y est, je suis
Frémissante et offerte
De votre main experte, allez-y…
Déshabillez-moi
Déshabillez-moi
Maintenant tout de suite,
Allez vite
Sachez me posséder
Me consommer
Me consumer
Déshabillez-moi, déshabillez-moi
Conduisez-vous en homme
Soyez l'homme…
Agissez !
Déshabillez-moi
Déshabillez-moi
Et vous…
Déshabillez-vous !
paroles de Robert Nyel et musique de Gaby Verlor,
interprétée par Juliette Gréco en 1967
Autumn Leaves
Quand on est sans pain
Quand on est sans pain
Les aubes sont noires
De tous les espoirs
Qu’on exhale en vain
Loin des paradis, hélas illusoires
Les aubes sont noires
Quand on est sans pain
Quand on est sans feu
Les aubes sont mornes
De tous les regards
Qu’on jette au ciel bleu
Dans l’accablement
Des hivers sans bornes
Les aubes sont mornes
Quand on est sans feu
Quand on est sans toit
Les aubes sont tristes
De tous les malheurs
Qu’on traîne avec soi
Devant l’âpreté des cœurs égoïstes
Les aubes sont tristes
Quand on est sans toit
Quand on est vaincu
Les aubes sont mortes
De tous les espoirs
Dont on a vécu
Et l’on sort du monde
En claquant les portes
Les aubes sont mortes
Quand on est vaincu
Eugène Bizeau