C’est elle, la poésie
C’est elle, la poésie, qui écarte les rideaux, à la fin de la nuit,
qui rend la lumière à notre vie.
Philippe Jaccottet
Coups de cœur
C’est elle, la poésie, qui écarte les rideaux, à la fin de la nuit,
qui rend la lumière à notre vie.
Philippe Jaccottet
Un enfant vient au monde tout crotté de sang et d'excréments, et cependant je ne connais pas de toute la vie de moments plus beaux, plus bouleversants, qu'une naissance. Ne t'en fais pas mon petit, mon trésor précipitons nous aussitôt, le visage baigné de larmes, on va te nettoyer de tout ça et tu vas grandir dans la lumière. Par la suite, inlassablement, me dis-je, nous nettoyons l'enfant de toute la merde qu'il produit, les couches-culottes, les crottes de nez, les oreilles, les yeux, les ongles...Inlassablement nous le nettoyons pour l'élever, le hisser toujours plus haut qu'il ne l'est en réalité, qu'il grandisse dans la beauté, dans une belle image de soi, et que plus jamais la merde qui nous est inhérente ne puisse le recouvrir. Élever un enfant, me dis-je, c'est lui apprendre à porter avec légèreté, avec élégance, cette part d'ombre et nauséeuse que chaque être contient et avec laquelle il lui faut cheminer et composer toute sa vie. Ce que nous appelons par un raccourci "notre propre merde", n'est ce pas, chacun y range ce dont il ne lui viendrait pas à l'esprit de se vanter, mais qui parfois le rattrape, le jetant dans un profond désespoir...
Lionel Duroy, Colères
C'est une âme charmante. DIDEROT.
Enfant! si j'étais roi, je donnerais l'empire,
Et mon char, et mon sceptre, et mon peuple à genoux,
Et ma couronne d'or, et mes bains de porphyre,
Et mes flottes, à qui la mer ne peut suffire,
Pour un regard de vous!
Si j'étais Dieu, la terre et l'air avec les ondes,
Les anges, les démons courbés devant ma loi,
Et le profond chaos aux entrailles fécondes,
L'éternité, l'espace, et les cieux, et les mondes,
Pour un baiser de toi!
Victor Hugo
Il m'importe toi. Toi sur mon fil, sur mon rire. Toi sur mes rives. Rien de plus que délices, de sauges, verveines, jasmins ou fleurs d'orangers. Ces odeurs de maquis où les benjoins font les jardins contraires. La double lune de tes bras m'écarlate. Il m'importe toi, Au plissé des yeux, Là où gagnent les rides de mémoire.
Ile Eniger, Du feu dans les herbes.
Tu te souviens des noms ; tu entends
Le tien. Quelqu’un doit se souvenir
De tout. D’outre-ciel une voix pérenne
Tisse la toile à n’en plus finir.
François Cheng
Un Baudet, chargé de Reliques,
S'imagina qu'on l'adorait.
Dans ce penser il se carrait,
Recevant comme siens l'Encens et les Cantiques.
Quelqu'un vit l'erreur, et lui dit :
Maître Baudet, ôtez-vous de l'esprit
Une vanité si folle.
Ce n'est pas vous, c'est l'Idole
A qui cet honneur se rend,
Et que la gloire en est due.
D'un Magistrat ignorant
C'est la Robe qu'on salue.
Jean de la Fontaine
Dans la poésie les mots se nourrissent de quelque chose que les autres genres ignorent : la charge de silence de chacun, une musique intérieure, son pouvoir de suggestion et une gamme inclassable de possibilités insoupçonnées. La question alors se pose de la profonde division entre l'usage mortifère conventionnel des mots et leur emploi comme élément de création et d'invention, c'est-à-dire : lorsqu'il retrouve sa valeur primitive, l'enrichit, et se fait véhicule d'une renaissance permanente.
Roberto Juarroz
Regarde-moi
Je suis légère à nouveau
Vois l'océan, la lumière,
Combien ce paysage est beau
Combien le Ciel et la Terre,
Est immense
Et que la vie en nous, fleurit, et recommence.
Nos ombres
Ont respiré ensemble
Et dans ton âme je suis sans mesure
Tu es, quand ta présence redevient l'océan
Et que je soumets tes blessures
J'aimerais t'entendre
Me parler
Du souffle de la vie
( Ce que j'ai d'immortel, ce que j'ai d'infini)
Et réapprendre
A tes côtés
La partition du vent.
( Mais je me brûle en te nommant).
Emmanuelle Soni-Dessaigne