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Les enfants

31 Mars 2021, 01:54am

Publié par vertuchou

Les enfants ne font jamais exprès d’être poète
Les poètes souvent cherchent à imiter les enfants.
Il n’y a rien à imiter.
Dans un écrin d’or et d’encens,
naissant les mots inclinés,
La naissance des moires de l’oubli.
Une petite fille joue à la corde
avec ses rêves.  
Chaque nuit elle escalade le visage du vent
Elle cultive des pensées  
pour les papillons.  
Immobile, elle danse dans le jardin
quand elle dort
Elle garde toujours un œil ouvert
Qui l’empêche de vieillir.  


--------- Dominique Cagnard

 

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Sound of your voice 1 & 2

30 Mars 2021, 01:43am

Publié par vertuchou

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Première soirée

29 Mars 2021, 01:32am

Publié par vertuchou

Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.

Assise sur ma grande chaise,
Mi-nue, elle joignait les mains.
Sur le plancher frissonnaient d’aise
Ses petits pieds si fins, si fins.

– Je regardai, couleur de cire
Un petit rayon buissonnier
Papillonner dans son sourire
Et sur son sein, – mouche ou rosier.

– Je baisai ses fines chevilles.
Elle eut un doux rire brutal
Qui s’égrenait en claires trilles,
Un joli rire de cristal.

Les petits pieds sous la chemise
Se sauvèrent : « Veux-tu en finir ! »
– La première audace permise,
Le rire feignait de punir !

– Pauvrets palpitants sous ma lèvre,
Je baisai doucement ses yeux :
– Elle jeta sa tête mièvre
En arrière : « Oh ! c’est encor mieux !

Monsieur, j’ai deux mots à te dire… »
– Je lui jetai le reste au sein
Dans un baiser, qui la fit rire
D’un bon rire qui voulait bien…

– Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
 

               Arthur Rimbaud
              

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Aucun poème

28 Mars 2021, 00:33am

Publié par vertuchou

Aucun poème ne sera si grand, si noble, si véritablement digne du nom de poème, que celui qui aura été écrit uniquement pour le plaisir d’écrire un poème.

Charles Baudelaire

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Le scarabée est un insecte

27 Mars 2021, 01:41am

Publié par vertuchou

Le scarabée est un insecte qui se nourrit des excréments d’animaux autrement plus gros que lui. Les intestins de ces animaux ont cru tirer tout ce qu’il y avait à tirer de la nourriture ingurgitée par l’animal. Pourtant, le scarabée trouve, à l’intérieur de ce qui a été rejeté, la nourriture nécessaire à sa survie grâce à un système intestinal dont la précision, la finesse et une incroyable sensibilité surpassent celles de n’importe quel mammifère. De ces excréments dont il se nourrit, le scarabée tire la substance appropriée à la production de cette carapace si magnifique qu’on lui connaît et qui émeut notre regard : le vert jade du scarabée de Chine, le rouge pourpre du scarabée d’Afrique, le noir de jais du scarabée d’Europe et le trésor du scarabée d’or, mythique entre tous, introuvable, mystère des mystères.
Un artiste est un scarabée qui trouve, dans les excréments mêmes de la société, les aliments nécessaires pour produire les œuvres qui fascinent et bouleversent ses semblables. L’artiste, tel un scarabée, se nourrit de la merde du monde pour lequel il œuvre, et de cette nourriture abjecte il parvient, parfois, à faire jaillir la beauté.

Wadji Mouawad

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Complainte amoureuse

26 Mars 2021, 01:25am

Publié par vertuchou

Oui, dès l’instant que je vous vis,
Beauté féroce, vous me plûtes ;
De l’amour qu’en vos yeux je pris,
Sur-le-champ vous vous aperçûtes ;
Mais de quel air froid vous reçûtes
Tous les soins que pour vous je pris !
En vain je priai, je gémis :
Dans votre dureté vous sûtes
Mépriser tout ce que je fis.
Même un jour je vous écrivis
Un billet tendre que vous lûtes,
Et je ne sais comment vous pûtes
De sang-froid voir ce que j’y mis.
Ah! fallait-il que je vous visse,
Fallait-il que vous me plussiez,
Qu’ingénument je vous le disse,
Qu’avec orgueil vous vous tussiez !
Fallait-il que je vous aimasse,
Que vous me désespérassiez,
Et qu’en vain je m’opiniâtrasse,
Et que je vous idolâtrasse
Pour que vous m’assassinassiez !

Alphonse Allais
 

 

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Ma chérie

25 Mars 2021, 01:37am

Publié par vertuchou

Ma chérie, tu es à la fois la femme dont je baise la bouche,

la reine dont j’adore les pieds, l’ange dont je contemple les ailes !

Ma bien-aimée, ma bien-aimée, ton beau sourire n’est pour les autres

hommes qu’un sourire, pour moi c’est un éblouissement : je t’aime.

Victor Hugo   

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Neige

24 Mars 2021, 01:08am

Publié par vertuchou

La neige a recouvert la terre
pendant que tu dormais. Il fait jour.
Quelques étoiles semblent tomber encore
lentes et pâles sans bruit
à travers les nuages.

Ce n'est pas la page blanche, non
L'abondance des signes
contradictoires, illisibles,
laisse place à l'épure :
l'idéogramme du mot arbre
et celui d'un oiseau
se détachent,
les maisons soufflent
leur haleine silencieuse.

Comprends-tu mieux
à-présent
ce que veut dire écrire ?

Paul Guillon

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Casque d'or

23 Mars 2021, 01:06am

Publié par vertuchou

Jacques Donnay, Casque d'or, 59 x 68 cm – huile sur toile.

Jacques Donnay, Casque d'or, 59 x 68 cm – huile sur toile.

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Amoureuse du Diable

22 Mars 2021, 01:21am

Publié par vertuchou

À Stéphane Mallarmé.

Il parle italien avec un accent russe.
Il dit : « Chère, il serait précieux que je fusse
Riche, et seul, tout demain et tout après-demain.
Mais riche à paver d’or monnayé le chemin
De l’Enfer, et si seul qu’il vous va falloir prendre
Sur vous de m’oublier jusqu’à ne plus entendre
Parler de moi sans vous dire de bonne foi :
Qu’est-ce que ce monsieur Félice ? Il vend de quoi ? »

Cela s’adresse à la plus blanche des comtesses.

Hélas ! toute grandeur, toutes délicatesses,
Cœur d’or, comme l’on dit, âme de diamant,
Riche, belle, un mari magnifique et charmant
Qui lui réalisait toute chose rêvée,
Adorée, adorable, une Heureuse, la Fée,
La Reine, aussi la Sainte, elle était tout cela,
Elle avait tout cela.
Cet homme vint, vola
Son cœur, son âme, en fit sa maîtresse et sa chose
Et ce que la voilà dans ce doux peignoir rose
Avec ses cheveux d’or épars comme du feu,
Assise, et ses grands yeux d’azur tristes un peu.

Ce fut une banale et terrible aventure
Elle quitta de nuit l’hôtel. Une voiture
Attendait. Lui dedans. Ils restèrent six mois
Sans que personne sût où ni comment. Parfois
On les disait partis à toujours. Le scandale
Fut affreux. Cette allure était par trop brutale
Aussi pour que le monde ainsi mis au défi
N’eût pas frémi d’une ire énorme et poursuivi
De ses langues les plus agiles l’insensée.
Elle, que lui faisait ? Toute à cette pensée,
Lui, rien que lui, longtemps avant qu’elle s’enfuît,
Ayant réalisé son avoir (sept ou huit
Millions en billets de mille qu’on liasse
Ne pèsent pas beaucoup et tiennent peu de place),
Elle avait tassé tout dans un coffret mignon
Et le jour du départ, lorsque son compagnon
Dont du rhum bu de trop rendait la voix plus tendre
L’interrogea sur ce colis qu’il voyait pendre
À son bras qui se lasse, elle répondit : « Ça,
C’est notre bourse. »
Ô tout ce qui se dépensa !
Il n’avait rien que sa beauté problématique
(D’autant pire) et que cet esprit dont il se pique
Et dont nous parlerons, comme de sa beauté,
Quand il faudra ... Mais quel bourreau d’argent ! Prêté,
Gagné, volé ! Car il volait à sa manière,
Excessive, partant respectable en dernière
Analyse, et d’ailleurs respectée, et c’était
Prodigieux la vie énorme qu’il menait
Quand au bout de six mois ils revinrent.
Le coffre
Aux millions (dont plus que quatre) est là qui s’offre
À sa main. Et pourtant cette fois - une fois
N’est pas coutume - il a gargarisé sa voix
Et remplacé son geste ordinaire de prendre
Sans demander, par ce que nous venons d’entendre.
Elle s’étonne avec douceur et dit : « Prends tout
Si tu veux. »
Il prend tout et sort.

Un mauvais goût
Qui n’avait de pareil que sa désinvolture
Semblait pétrir le fond même de sa nature,
Et dans ses moindres mots, dans ses moindres clins d’yeux,
Faisait luire et vibrer comme un charme odieux.
Ses cheveux noirs étaient trop bouclés pour un homme
Ses yeux très grands, très verts, luisaient comme à Sodome.
Dans sa voix claire et lente, un serpent s’avançait,
Et sa tenue était de celles que l’on sait :
Du vernis, du velours, trop de linge, et des bagues.
D’antécédents, il en avait de vraiment vagues
Ou, pour mieux dire, pas. Il parut un beau soir,
L’autre hiver, à Paris, sans qu’aucun pût savoir
D’où venait ce petit monsieur, fort bien du reste
Dans son genre et dans son outrecuidance leste.
Il fit rage, eut des duels célèbres et causa
Des morts de femmes par amour dont on causa.
Comment il vint à bout de la chère comtesse,
Par quel philtre ce gnome insuffisant qui laisse
Une odeur de cheval et de femme après lui
A-t-il fait d’elle cette fille d’aujourd’hui ?
Ah ! ça, c’est le secret perpétuel que berce
Le sang des dames dans son plus joli commerce,
À moins que ce ne soit celui du Diable aussi.
Toujours est-il que quand le tour eut réussi
Ce fut du propre !
Absent souvent trois jours sur quatre,
Il rentrait ivre, assez lâche et vil pour la battre,
Et quand il voulait bien rester près d’elle un peu,
Il la martyrisait, en matière de jeu,
Par étalage de doctrines impossibles.

---

« Mia, je ne suis pas d’entre les irascibles,
Je suis le doux par excellence, mais tenez,
Ça m’exaspère, et je le dis à votre nez,
Quand je vous vois l’œil blanc et la lèvre pincée,
Avec je ne sais quoi d’étroit dans la pensée
Parce que je reviens un peu soûl quelquefois.
Vraiment, en seriez-vous à croire que je bois
Pour boire, pour licher, comme vous autres chattes,
Avec vos vins sucrés dans vos verres à pattes
Et que l’Ivrogne est une forme du Gourmand ?
Alors l’instinct qui vous dit ça ment plaisamment
Et d’y prêter l’oreille un instant, quel dommage !
Dites, dans un bon Dieu de bois est-ce l’image
Que vous voyez et vers qui vos vœux vont monter ?
L’Eucharistie est-elle un pain à cacheter
Pur et simple, et l’amant d’une femme, si j’ose
Parler ainsi, consiste-t-il en cette chose
Unique d’un monsieur qui n’est pas son mari
Et se voit de ce chef tout spécial chéri ?
Ah ! si je bois, c’est pour me soûler, non pour boire.
Être soûl, vous ne savez pas quelle victoire
C’est qu’on remporte sur la vie, et quel don c’est !
On oublie, on revoit, on ignore et l’on sait ;
C’est des mystères pleins d’aperçus, c’est du rêve
Qui n’a jamais eu de naissance et ne s’achève
Pas, et ne se meut pas dans l’essence d’ici ;
C’est une espèce d’autre vie en raccourci,
Un espoir actuel, un regret qui « rapplique »,
Que sais-je encore ? Et quant à la rumeur publique.
Au préjugé qui hue un homme dans ce cas,
C’est hideux, parce que bête, et je ne plains pas
Ceux ou celles qu’il bat à travers son extase,
Ô que nenni !

---

Voyons, l’amour, c’est une phrase
Sous un mot, - avouez, un écoute-s’il-pleut,
Un calembour dont un chacun prend ce qu’il veut,
Un peu de plaisir fin, beaucoup de grosse joie
Selon le plus ou moins de moyens qu’il emploie,
Ou, pour mieux dire, au gré de son tempérament,
Mais, entre nous, le temps qu’on y perd ! Et comment !
Vrai, c’est honteux que des personnes sérieuses
Comme nous deux, avec ces vertus précieuses
Que nous avons, du cœur, de l’esprit, - de l’argent,
Dans un siècle que l’on peut dire intelligent
Aillent ! ... »

---

Ainsi de suite, et sa fade ironie
N’épargnait rien de rien dans sa blague infinie.
Elle écoutait le tout avec les yeux baissés
Des cœurs aimants à qui tous torts sont effacés,
Hélas !
L’après-demain et le demain se passent.
Il rentre et dit : « Altro ! que voulez-vous que fassent
Quatre pauvres petits millions contre un sort ?
Ruinés, ruinés, je vous dis ! C’est la mort
Dans l’âme que je vous le dis. »
Elle frissonne
Un peu, mais sait que c’est arrivé.
- « Ça, personne,
Même vous, diletta, ne me croit assez sot
Pour demeurer ici dedans le temps d’un saut
De puce. »
Elle pâlit très fort et frémit presque,
Et dit : « Va, je sais tout. » - « Alors c’est trop grotesque
Et vous jouer là sans atouts avec le feu. »
- « Qui dit non ? » - « Mais je suis spécial à ce jeu. »
- « Mais si je veux, exclame-t-elle, être damnée ? »
- « C’est différent, arrange ainsi ta destinée,
Moi je sors. » - « Avec moi ! » - « Je ne puis aujourd’hui. »
Il a disparu sans autre trace de lui
Qu’une odeur de soufre et qu’un aigre éclat de rire.
Elle tire un petit couteau.
Le temps de luire
Et la lame est entrée à deux lignes du cœur.
Le temps de dire, en renfonçant l’acier vainqueur :
« À toi, je t’aime ! » et la Justice la recense.

Elle ne savait pas que l’Enfer c’est l’absence.
    

Paul Verlaine

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