Coups de cœur
Absence
Ils sont tristes, tristes et lourds,
Les après-midis des Dimanches,
Aux auréoles toutes blanches,
Mais sans parfums et sans musique,
Puisque, de ta voix harmonique,
Je n'entends plus les chants d'amour.
Et ternes, ils sont, et moroses,
Sans clair soleil et sans beauté,
Depuis que l'exquise clarté
De tes yeux s'est évanouie
Et qu'en le jardin de ma vie,
L'absence a fait pleurer les roses.
Maria Biermé
Je raccrochai, me tournai vers Laura
Je raccrochai, me tournai vers Laura et tous ces mots qui ne savent pas parler devaient se presser dans mon regard. Il y avait longtemps que je n’avais été plus heureux qu’en ce silence. Lorsque j’allai m’agenouiller auprès de toi et que tu as appuyé ton front contre mon épaule, lorsque je sentis tes bras autour de mon cou, les mots d’amour que je murmurais retrouvaient leur enfance, comme s’ils venaient de naître et que rien encore ne leur était arrivé. Il y avait dans la chambre assez d’obscurité pour qu’il n’y eût plus que le goût de tes lèvres. Lorsque tu bouges un peu et que ta tête vient se poser sur mon épaule à la place du violon, chaque mouvement de ton corps creuse mes paumes de vide et plus mes mains te tiennent et plus elles te cherchent.
Romain Gary, Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable
Valse jaune
Il y a du soleil dans la rue
Moi j'aime le soleil mais j'ai peur des gens
Et je reste caché tout le temps
A l'abri des volets d'acier noir
Il y a du soleil dans la rue
Moi j'aime bien la rue mais quand elle s'endort
Et j'attends que le jour soit mort
Et je vais rêver sur les trottoirs
Et le soleil
De l'autre côté du monde
Danse une valse blonde
Avec la terre ronde, ronde, ronde, ronde
Le soleil
Rayonnant comme un faune
Danse une valse jaune
Pour ceux de l'autre ciel
Mais moi j'ai la nuit dans ma poche
Et la lune qui accroche
De l'ombre au coin des toits
Je vois tous les songes qui volent
En lentes banderoles
Et se perdent là-bas
Et le soleil
Fait le tour de la terre
Et revient sans s'en faire
Et la rue se remplit de travail et de bruit
Alors
C'est là que je me méfie...
Car il y a du travail dans la vie
Moi j'aime pas le travail mais j'aime bien la vie
Et je vais voir de quoi elle a l'air
En faisant gaffe de pas trop en faire
Y en a qui comprennent pas la vie
Six heures du matin, ils sont déjà levés
Ça fait vraiment un drôle d'effet
Ça dégoûte presque autant que la pluie
Et le soleil
De l'autre côté du monde
Danse une valse blonde
Avec la terre ronde, ronde, ronde, ronde
Le soleil
Rayonnant comme un faune
Danse une valse jaune
Pour ceux de l'autre ciel
Mais moi j'ai la nuit dans ma poche
Et la lune qui accroche
De l'ombre au coin des toits
Je vois tous les songes qui volent
En lentes banderoles
Et se perdent là-bas
Et le soleil
Fait le tour de la terre
Et revient sans s'en faire
Et la rue se remplit de travail et de bruit
Alors
Moi je me mets au lit...
Boris Vian
Addio, mio caro bene
L'extase d'un baiser
Au point que j'expirais, tu m'as rendu le jour
Baiser, dont jusqu'au coeur le sentiment me touche,
Enfant délicieux de la plus belle bouche
Qui jamais prononça les Oracles d'Amour.
Mais tout mon sang s'altère, une brûlante fièvre
Me ravit la couleur et m'ôte la raison ;
Cieux ! j'ai pris à la fois sur cette belle lèvre
D'un céleste Nectar et d'un mortel poison.
Ah ! mon Ame s'envole en ce transport de joie !
Ce gage de salut, dans la tombe m'envoie ;
C'est fait ! je n'en puis plus, Élise je me meurs.
Ce baiser est un sceau par qui ma vie est close :
Et comme on peut trouver un serpent sous des fleurs,
J'ai rencontré ma mort sur un bouton de rose.
François Tristan L'Hermite
Sais-tu si nous sommes encore loin de la mer ?
L’enfant buissonnier charmeur de sauterelles
couché à la perpendiculaire de la canicule blanc-bleu
l’ébouriffé à plat vendre sur l’été-feu du causse
colle l’oreille à la tête étouffée d’août
au-dessus de la dalle quaternaire sous les couches du temps
L’enfant curieux écoute aux portes de la terre…
L’enfant dort La sauterelle saute
L’eau chuchote très loin
Sais-tu si nous sommes encore loin de la mer ?
Claude Roy
Sonate en ut majeur, Kk. 132
Ô toi qui vas à Gao
Ô toi qui vas à Gao,
fais un détour vers Tombouctou :
murmure mon nom à tes amis,
et porte le salut parfumé de l'exilé
qui soupire après le sol,
où résident ses amis, sa faille, ses voisins.
Ahmad Baba
Mes paumes se posent sur son cou
Mes paumes se posent sur son cou, nos visages se rapprochent, nos lèvres se joignent. En une seconde, j'apprends ce que c'est l'éternité. Il me semble que plus rien n'est en mesure de ne résister.
Didier Daeninckx, Galadio.