Coups de cœur
A une robe rose
Que tu me plais dans cette robe
Qui te déshabille si bien,
Faisant jaillir ta gorge en globe,
Montrant tout nu ton bras païen !
Frêle comme une aile d'abeille,
Frais comme un coeur de rose-thé,
Son tissu, caresse vermeille,
Voltige autour de ta beauté.
De l'épiderme sur la soie
Glissent des frissons argentés,
Et l'étoffe à la chair renvoie
Ses éclairs roses reflétés.
D'où te vient cette robe étrange
Qui semble faite de ta chair,
Trame vivante qui mélange
Avec ta peau son rose clair ?
Est-ce à la rougeur de l'aurore,
A la coquille de Vénus,
Au bouton de sein près d'éclore,
Que sont pris ces tons inconnus ?
Ou bien l'étoffe est-elle teinte
Dans les roses de ta pudeur ?
Non ; vingt fois modelée et peinte,
Ta forme connaît sa splendeur.
Jetant le voile qui te pèse,
Réalité que l'art rêva,
Comme la princesse Borghèse
Tu poserais pour Canova.
Et ces plis roses sont les lèvres
De mes désirs inapaisés,
Mettant au corps dont tu les sèvres
Une tunique de baisers.
Théophile Gautier
La poésie parle
La poésie parle toutes les langues, celui qui vit en poète cherche la langue.
Eric Poindron
Chacun contient en lui
Chacun contient en lui des galaxies de rêves et de fantasmes, des élans inassouvis de désirs et d’amours,
... des immensités d’indifférence glacée, des embrasements d’astre en feu, des déferlements de haine,
..., des éclairs de lucidité, des orages déments.
Edgar Morin
Je sais
Je sais
Le cœur qui bat trop fort
et le plaisir des dieux
à embrasser les corps
des diables amoureux
L’irrésistible attrait
du désir interdit
et les peaux affolées
dans les replis du lit
La sauvage emmêlée
les appétits de fauve
l’appel et le rejet
les secrets de l’alcôve
Les amants séparés
par la distance et par les heures
les secondes d’éternité
crispées sur la douleur
Les impatiences extrêmes
les rendez-vous manqués
les taxis qui se traînent
quand le corps est pressé
Je sais le feu aux joues
les yeux de braise, les faims de loup
les baisers dans le cou
le vent qui rend les amants fous
Je sais
Les aveux suspendus
à la bouche cousue
l’incendie des nuits blanches
la retenue qui flanche
La rivière des souhaits
sous le pont des soupirs
et le poids d’un sourire
sur l’arche des regrets
Je sais
Je sais le peu de gratitude
le poison de l’ennui
le désert de la solitude
et le froid qui détruit
La passion dans l’impasse
le mot blessant qui chasse
le mot doux qui retient
le regard qui s’éteint
Les “je t’aime”, “je te hais”
le mal, le bien que l’on s’est faits
sans même l’avoir jamais cherché
je sais l’aube désabusée
Je sais les mots de braise
aux lèvres qui se taisent
et la peur qui nous hante
et mes larmes brûlantes
Les appels au secours
les signaux de détresse
désespérant d’amour
et le vide qui oppresse
Je sais
le geste déplacé
tous les actes manqués
les mots qui dépassent la pensée
et les regards estomaqués
L’innocence des beaux jours
les promesses oubliées
les serments pour toujours
perdus à tout jamais
Je sais le feu qui passe
et le spleen qui revient
le bras qui nous enlace
et l’angoisse qui étreint
Mais je sais
Je sais les chagrins qui s’envolent
au retour du printemps
et les humeurs frivoles
sous le souffle du vent
Les frissons du désir
et le temps qui s’étire
comme un chat langoureux
comme un homme amoureux.
Jacques Higelin
Qu'est-ce que nous recherchons
Qu'est-ce que nous recherchons donc dans l'amour,
pour que ça nous fasse si mal quand nous ne l'avons pas ?
Diane Meur, Les villes de la plaine
Ne la cueille pas
Ne la cueille pas
Laisse-la dans le champ
La fleur-fille
Hyôsuy
Femme assise dos à une fenêtre ouverte
Demain
Âgé de cent mille ans, j'aurais encor la force
De t'attendre, ô demain pressenti par l'espoir.
Le temps, vieillard souffrant de multiples entorses,
Peut gémir: Le matin est neuf, neuf est le soir.
Mais depuis trop de mois nous vivons à la veille,
Nous veillons, nous gardons la lumière et le feu,
Nous parlons à voix basse et nous tendons l'oreille
A maint bruit vite éteint et perdu comme au jeu.
Or, du fond de la nuit, nous témoignons encore
De la splendeur du jour et de tous ses présents.
Si nous ne dormons pas c'est pour guetter l'aurore
Qui prouvera qu'enfin nous vivons au présent.
Robert Desnos
La poésie n’est pas un lieu
La poésie n’est pas un lieu de réponses et de solutions faciles. C'est un endroit où nous pouvons admettre notre ignorance, assumer notre désespoir privé et encore, parfois, pratiquer la beauté. '
Ada Limón