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Tu ressens un dégoût

22 Juillet 2023, 01:33am

Publié par vertuchou

Tu ressens un dégoût pour cette bouche obscène mais aussi une attirance, alors tu t'inclines et plonges, tu poses tes lèvres sur la vulve qui s'élargit et t'accueille et tu sens une vague de myrrhe, d'oubli, d'ambre et de henné. Une liqueur s'épanche que tu devines pouvoir boire comme le vin, alors tu lapes, et ta langue insiste avec intelligence, investit la blessure, tu as le désir fou de cautériser cette plaie de ta salive, de la nettoyer tout entière, et ce faisant la blessure s'ouvre davantage et Shamat soupire, t'encourage, de ses reins plus fort appuie contre toi et tu la saisis au creux des mains, ses fesses soulevées par la force, tu la portes comme la coupe à tes lèvres, ta langue s'insinue, fouille, explore, suce, ta langue qui sait dire les mots fait surgir des délires, la courtisane parle, halète et rugit, elle t'empoigne aux cheveux et t'oblige. Ton visage enfle entre ses cuisses, elle se dilate jusqu'au démembrement, t'enfonce en elle et tu t'abîmes dans des chairs mouillées, sanguines, souples et grisantes. Elle échappe un râle, puis un autre, essaye de te repousser pour mieux t'attirer encore et te fondre en elle. Puis elle recommence. Tu la bois, tu la dévores, elle dit non et oui, arrête et encore, mais tu ne sais rien de tels mots et tu t'abîmes toujours dans le festin de ses replis. Enfin, elle défaille, tu sens entre tes mains son corps tressaillir, puis fondre et peser. Tu la reposes.

Christian Chavassieux, La Joyeuse.

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Reviens souvent et prends-moi

21 Juillet 2023, 01:26am

Publié par vertuchou

Reviens souvent et prends-moi,
sensation bien-aimée,
reviens et prends-moi
quand la mémoire du corps se réveille,
quand un ancien désir passe à travers le sang,
quand les lèvres et la peau se souviennent,
et que les mains croient toucher de nouveau…

Reviens souvent et prends-moi la nuit,
à l’heure où les lèvres et la peau se souviennent.

Constantin Cavafy

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Arbres et village

20 Juillet 2023, 01:57am

Publié par vertuchou

André Derain, Arbres et village, 1932.

André Derain, Arbres et village, 1932.

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À une heure du matin

19 Juillet 2023, 01:08am

Publié par vertuchou

Enfin ! seul ! On n'entend plus que le roulement de quelques fiacres attardés et éreintés. Pendant quelques heures, nous posséderons le silence, sinon le repos. Enfin ! la tyrannie de la face humaine a disparu, et je ne souffrirai plus que par moi-même.

Enfin ! il m'est donc permis de me délasser dans un bain de ténèbres ! D'abord, un double tour à la serrure. Il me semble que ce tour de clef augmentera ma solitude et fortifiera les barricades qui me séparent actuellement du monde.

Horrible vie ! Horrible ville ! Récapitulons la journée : avoir vu plusieurs hommes de lettres, dont l'un m'a demandé si l'on pouvait aller en Russie par voie de terre (il prenait sans doute la Russie pour une île) ; avoir disputé généreusement contre le directeur d'une *****, qui à chaque objection répondait : « - C'est ici le parti des honnêtes gens, » ce qui implique que tous les autres journaux sont rédigés par des coquins ; avoir salué une vingtaine de personnes, dont quinze me sont inconnues ; avoir distribué des poignées de main dans la même proportion, et cela sans avoir pris la précaution d'acheter des gants ; être monté pour tuer le temps, pendant une averse, chez une sauteuse qui m'a prié de lui dessiner un costume de Vénustre ; avoir fait ma cour à un directeur de théâtre, qui m'a dit en me congédiant : « - Vous feriez peut-être bien de vous adresser à Z... ; c'est le plus lourd, le plus sot et le plus célèbre de tous mes auteurs, avec lui vous pourriez peut-être aboutir à quelque chose. Voyez-le, et puis nous verrons ; » m'être vanté (pourquoi ?) de plusieurs vilaines actions que je n'ai jamais commises, et avoir lâchement nié quelques autres méfaits que j'ai accomplis avec joie, délit de fanfaronnade, crime de respect humain ; avoir refusé à un ami un service facile, et donné une recommandation écrite à un parfait drôle ; ouf ! est-ce bien fini ?

Mécontent de tous et mécontent de moi, je voudrais bien me racheter et m'enorgueillir un peu dans le silence et la solitude de la nuit. Âmes de ceux que j'ai aimés, âmes de ceux que j'ai chantés, fortifiez-moi, soutenez-moi, éloignez de moi le mensonge et les vapeurs corruptrices du monde, et vous, Seigneur mon Dieu ! accordez-moi la grâce de produire quelques beaux vers qui me prouvent à moi-même que je ne suis pas le dernier des hommes, que je ne suis pas inférieur à ceux que je méprise !

Charles Baudelaire

 

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La poésie s’accompagne toujours de plaisir

18 Juillet 2023, 01:04am

Publié par vertuchou

La poésie s’accompagne toujours de plaisir : tous les esprits sur lesquels elle descend s’ouvrent pour recevoir la sagesse qui est mêlée au ravissement qu’elle procure. Dans l’enfance du monde, ni les poètes eux-mêmes ni leur auditoire n’avaient pleinement conscience de l’excellence de la poésie : car elle agit d’une façon divine et que l’on ne perçoit pas au-delà et au-dessus de la conscience ; et c’est aux générations à venir qu’il revient de contempler et de mesurer la puissance de la cause et de l’effet et toute la
force et toute la splendeur de leur union.

Percy Bysshe Shelley,

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La Centaine d'Amour - 65

17 Juillet 2023, 01:22am

Publié par vertuchou

Mathilde, où donc es-tu ? N’ai-je pas remar­qué
entre cra­vate et cœur en bas, et vers le haut,
une vague mélan­co­lie inter­cos­tale :
c’est que j’avais com­pris tout à coup ton absence.
La lumière de ton éner­gie m’a man­qué
j’ai regardé tout en dévo­rant l’espé­rance,
regardé la mai­son et son vide sans toi,
il ne reste plus que des fenê­tres tra­gi­ques.
Taci­turne est le toit, tel­le­ment qu’il écoute
d’ancien­nes pluies pleu­voir, comme tom­bent les feuilles,
les ­plu­mes, et ce que la nuit garde cap­tif :
et ainsi je t’attends comme une mai­son seule
et tu dois reve­nir me voir et m’habi­ter.
Si tu ne fais pas, j’ai mal à mes fenê­tres.

Pablo Neruda

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Aria

16 Juillet 2023, 01:25am

Publié par vertuchou

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À la marquise de B. A. T

15 Juillet 2023, 01:06am

Publié par vertuchou

(Sur le départ de Madame la marquise.)

Allez, belle marquise, allez en d'autres lieux
Semer les doux périls qui naissent de vos yeux.
Vous trouverez partout les âmes toutes prêtes
A recevoir vos lois et grossir vos conquêtes,
Et les cœurs à l'envi se jetant dans vos fers
Ne feront point de vœux qui ne vous soient offerts ;
Mais ne pensez pas tant aux glorieuses peines
De ces nouveaux captifs qui vont prendre vos chaînes,
Que vous teniez vos soins tout-à-fait dispensés
De faire un peu de grâce à ceux que vous laissez.
Apprenez à leur noble et chère servitude
L'art de vivre sans vous et sans inquiétude ;
Et, si sans faire un crime on peut vous en prier,
Marquise, apprenez-moi l'art de vous oublier.

En vain de tout mon cœur la triste prévoyance
A voulu faire essai des maux de votre absence ;
Quand j'ai cru le soustraire à des yeux si charmants,
Je l'ai livré moi-même à de nouveaux tourments :
Il a fait quelques jours le mutin et le brave,
Mais il revient à vous, et revient plus esclave,
Et reporte à vos pieds le tyrannique effet
De ce tourment nouveau que lui-même il s'est fait.

Vengez-vous du rebelle, et faites-vous justice ;
Vous devez un mépris du moins à son caprice ;
Avoir un si long temps des sentiments si vains,
C'est assez mériter l'honneur de vos dédains.
Quelle bonté superbe, ou quelle indifférence
A sa rébellion ôte le nom d'offense ?

Quoi ! vous me revoyez sans vous plaindre de rien ?
Je trouve même accueil avec même entretien ?
Hélas ! et j'espérais que votre humeur altière
M'ouvrirait les chemins à la révolte entière ;
Ce cœur, que la raison ne peut plus secourir,
Cherchait dans votre orgueil une aide à se guérir :
Mais vous lui refusez un moment de colère ;
Vous m'enviez le bien d'avoir pu vous déplaire ;
Vous dédaignez de voir quels sont mes attentats,
Et m'en punissez mieux ne m'en punissant pas.

Une heure de grimace ou froide ou sérieuse,
Un ton de voix trop rude ou trop impérieuse,
Un sourcil trop sévère, une ombre de fierté,
M'eût peut-être à vos yeux rendu la liberté.

J'aime, mais en aimant je n'ai point la bassesse
D'aimer jusqu'au mépris de l'objet qui me blesse ;
Ma flamme se dissipe à la moindre rigueur.
Non qu'enfin mon amour prétende cœur pour cœur :
Je vois mes cheveux gris : je sais que les années
Laissent peu de mérite aux âmes les mieux nées ;
Que les plus beaux talents des plus rares esprits,
Quand les corps sont usés, perdent bien de leur prix ;
Que, si dans mes beaux jours je parus supportable,
J'ai trop longtemps aimé pour être encore aimable,
Et que d'un front ridé les replis jaunissants
Mêlent un triste charme au prix de mon encens.
Je connais mes défauts ; mais après tout, je pense
Être pour vous encore un captif d'importance :

Car vous aimez la gloire, et vous savez qu'un roi
Ne vous en peut jamais assurer tant que moi.
Il est plus en ma main qu'en celle d'un monarque
De vous faire égaler l'amante de Pétrarque,
Et mieux que tous les rois je puis faire douter
De sa Laure ou de vous qui le doit emporter.

Aussi, je le vois trop, vous aimez à me plaire,
Vous vous rendez pour moi facile à satisfaire ;
Votre âme de mes feux tire un plaisir secret,
Et vous me perdriez sans honte avec regret.

Marquise, dites donc ce qu'il faut que je fasse :
Vous rattachez mes fers quand la saison vous chasse ;
Je vous avais quittée, et vous me rappelez
Dans le cruel instant que vous vous en allez.
Rigoureuse faveur, qui force à disparaître
Ce calme étudié que je faisais renaître,
Et qui ne rétablit votre absolu pouvoir
Que pour me condamner à languir sans vous voir !

Payez, payez mes feux d'une plus faible estime,
Traitez-les d'inconstants ; nommez ma fuite un crime ;
Prêtez-moi, par pitié, quelque injuste courroux ;
Renvoyez mes soupirs qui volent après vous ;
Faites-moi présumer qu'il en est quelques autres
A qui jusqu'en ces lieux vous renvoyez des vôtres,
Qu'en faveur d'un rival vous allez me trahir :
J'en ai, vous le savez, que je ne puis haïr ;
Négligez-moi pour eux, mais dites en vous-même :
« Moins il me veut aimer, plus il fait voir qu'il m'aime,
Et m'aime d'autant plus que son cœur enflammé
N'ose même aspirer au bonheur d'être aimé ;
Je fais tous ses plaisirs, j'ai toutes ses pensées,
Sans que le moindre espoir les ait intéressées. »

Puissé-je malgré vous y penser un peu moins,
M'échapper quelques jours vers quelques autres soins,
Trouver quelques plaisirs ailleurs qu'en votre idée,
Et voir toute mon âme un peu moins obsédée ;
Et vous, de qui je n'ose attendre jamais rien,
Ne ressentir jamais un mal pareil au mien !

Ainsi parla Cléandre, et ses maux se passèrent,
Son feu s'évanouit, ses déplaisirs cessèrent :
Il vécut sans la dame, et vécut sans ennui,
Comme la dame ailleurs se divertit sans lui.
Heureux en son amour, si l'ardeur qui l'anime
N'en conçoit les tourments que pour s'en plaindre en rime,
Et si d'un feu si beau la céleste vigueur
Peut enflammer ses vers sans échauffer son cœur !

Pierre Corneille

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Quand elle dormait ainsi

14 Juillet 2023, 01:32am

Publié par vertuchou

Quand elle dormait ainsi, sa tête appuyée contre un de mes bras, je me penchais sur elle pour voir son visage entouré de flammes. C'était jouer avec le feu. Un jour que je m'approchais trop sans pourtant que mon visage touchât le sien, je fus comme l'aiguille qui dépasse d'un millimètre la zone interdite et appartient à l'aimant. Est-ce la faute de l'aimant ou de l'aiguille ? C'est ainsi que je sentis mes lèvres contre les siennes. Elle fermait encore les yeux, mais visiblement comme quelqu'un qui ne dort pas. Je l'embrassai, stupéfait de mon audace, alors qu'en réalité c'était elle qui, lorsque j'approchais de son visage avait attiré ma tête contre sa bouche.

Raymond Radiguet, Le diable au corps.

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Je savais que tu pouvais me faire du mal

13 Juillet 2023, 01:21am

Publié par vertuchou

Je savais que tu pouvais me faire du mal,
Je l'ai su dès le premier jour,
depuis notre premier regard.
Alors j'ai voulu m'enfuir,
verrouiller toutes les portes,
blinder les fenêtres
et créer des distances kilométriques avec mon cœur en mettant l'océan en travers.
J'ai essayé, mais tu étais déjà en moi :
l'océan ne suffisait pas,
tu l'avais déjà traversé en donnant des battements à mon âme,
le cœur s'est rendu et n'a pas pu ni voulu créer la distance nécessaire.
J'ai donc ouvert la porte
et j'ai laissé ta vague m'envahir parce que j'ai compris que tu étais la bonne vague,
le moment parfait qui valait la peine d'être vécu
et que ne pas te vivre aurait été une "douleur".

Silvana Stremiz

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