Sortes de guérisseurs
Sortes de guérisseurs à leur façon, les poètes voient en la nature
le remède ultime aux cœurs brisés et aux poumons meurtris.
Herman Melville
Coups de cœur
Sortes de guérisseurs à leur façon, les poètes voient en la nature
le remède ultime aux cœurs brisés et aux poumons meurtris.
Herman Melville
Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Quand j’ai envie de rire
Oui je ris aux éclats
J’aime celui qui m’aime
Est-ce ma faute à moi
Si ce n’est pas le même
Que j’aime chaque fois
Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Que voulez-vous de plus
Que voulez-vous de moi
Je suis faite pour plaire
Et n’y puis rien changer
Mes talons sont trop hauts
Ma taille trop cambrée
Mes seins beaucoup trop durs
Et mes yeux trop cernés
Et puis après
Qu’est-ce que ça peut vous faire
Je suis comme je suis
Je plais à qui je plais
Qu’est-ce que ça peut vous faire
Ce qui m’est arrivé
Oui j’ai aimé quelqu’un
Oui quelqu’un m’a aimée
Comme les enfants qui s’aiment
Simplement savent aimer
Aimer aimer…
Pourquoi me questionner
Je suis là pour vous plaire
Et n’y puis rien changer.
Jacques Prévert
Je ne sais rien de gai comme un enterrement !
Le fossoyeur qui chante et sa pioche qui brille,
La cloche, au loin, dans l'air, lançant son svelte trille,
Le prêtre, en blanc surplis, qui prie allégrement,
L'enfant de chœur avec sa voix fraîche de fille,
Et quand, au fond du trou, bien chaud, douillettement,
S'installe le cercueil, le mol éboulement,
De la terre, édredon du défunt, heureux drille.
Tout cela me paraît charmant, en vérité !
Et puis, tout rondelets sous leur frac écourté,
Les croque-morts au nez rougi par les pourboires,
Et puis les beaux discours concis, mais pleins de sens,
Et puis, cœurs élargis, fronts où flotte une gloire,
Les héritiers resplendissants !
Paul Verlaine
C'est pas ma vie qui compte pour moi, c'est toi dans ma vie.
Tu le sais. Sans toi, je me fous de ce qui peut arriver.
Benoîte Groult, Les vaisseaux du coeur.
Alors que je sortais un soir,
En descendant Bristol Street,
Les foules sur le trottoir
Étaient des champs de blé moissonné.
Et au bord de la rivière débordante,
j'ai entendu un amant chanter
Sous une arche du chemin de fer :
« L'amour n'a pas de fin.
Je t'aimerai, chérie, je t'aimerai
Jusqu'à ce que la Chine et l'Afrique se rencontrent,
Et la rivière saute par-dessus la montagne
Et le saumon chante dans la rue.
Je t'aimerai jusqu'à ce que l'océan
soit plié et suspendu pour sécher,
Et les sept étoiles crient
Comme des oies dans le ciel.
Les années s'écouleront comme des lapins,
Car dans mes bras je tiens
La Fleur des âges,
Et le premier amour du monde.'
Mais toutes les horloges de la ville se
mirent à ronronner et à sonner :
« O ne laissez pas le temps vous tromper,
vous ne pouvez pas conquérir le temps.
'Dans les terriers du Cauchemar
Où la Justice est nue, Le
Temps regarde de l'ombre
Et tousse quand tu voudrais embrasser.
« Dans les maux de tête et dans l'inquiétude, la
vie s'écoule vaguement,
Et le Temps aura sa fantaisie
Demain ou aujourd'hui.
'Dans de nombreuses vallées verdoyantes
dérive la neige épouvantable;
Le temps brise les danses enfilées
Et l'arc brillant du plongeur.
« O plonge tes mains dans l'eau, plonge-
les jusqu'au poignet ;
Regarde, regarde le bassin
Et demande-toi ce que tu as raté.
'Le glacier frappe dans le placard,
Le désert soupire dans le lit,
Et la fissure dans la tasse à thé ouvre
Un chemin vers le pays des morts.
'Où les mendiants tirent au sort les billets de banque
Et le Géant en enchantant Jack,
Et le Lily-White Boy est un Roarer,
Et Jill descend sur son dos.
« O regarde, regarde dans le miroir,
O regarde dans ta détresse ;
La vie reste une bénédiction
Bien que vous ne puissiez pas bénir.
« O tenez-vous debout, tenez-vous à la fenêtre pendant
que les larmes brûlent et commencent ;
Tu aimeras ton voisin
tordu De ton cœur tordu.'
Il était tard, tard dans la soirée.
Les amants étaient partis ;
Les horloges avaient cessé de sonner,
Et la rivière profonde coulait.
W.H. Auden
Ouvre sur moi tes yeux si tristes et si tendres,
Miroirs de mon étoile, asiles éclairés,
Tes yeux plus solennels de se voir adorés,
Temples où le silence est le secret d'entendre.
Quelle île nous conçut des strophes de la mer ?
Onde où l'onde s'enroule à la houle d'une onde,
Les vagues de nos soirs expirent sur le monde
Et regonflent en nous leurs eaux couleur de chair.
Un souffle d'île heureuse et de santal soulève
Tes cheveux, innombrables ailes, et nous fuit
De la nuit à la rose, arôme, dans la nuit,
Par delà ton sein double et pur, Delphes du rêve.
Parle. Ta voix s'incline avec ta bouche. Un dieu
Lui murmure les mots de la mélancolie
Hâtive d'être aimée autant qu'elle est jolie
Et qui dans les ferveurs sent frémir les adieux.
Ta voix, c'est le soupir d'une enfance perdue.
C'est ta fragilité qui vibre de mourir.
C'est ta chair qui, toujours plus fière de fleurir,
Toujours se croit dans l'ombre à demi descendue.
Enlaçons-nous. Le vent vertigineux des jours
Arrache la corolle avant la feuille morte.
Le vent qui tourne autour de la vie et l'emporte
Sans vaincre nos désirs peut rompre nos amours.
Et s'il veut nous ravir à la vertu d'éclore,
Que nous restera-t-il de ce jour surhumain ?
La fièvre du front lourd, trop lourd pour une main,
Et le songe, qui meurt brusquement à l'aurore.
II
- Nous mourrons lentement. Je meurs dès aujourd'hui.
Mon regard éperdu va perdre sa lumière,
Ma voix d'enfant, ma voix pâlira la première,
Mon rire, mon sourire et l'amour avec lui.
Dis ! quel amour futur, simple frère du nôtre,
Goûtera la fraîcheur de tout ce qui nous plut ?
Qui sentira brûlants, quand nous ne serons plus,
Les vers qu'entre nos bras nous fîmes l'un pour l'autre ?
Périr ! Et le savoir ! N'attendre que l'effroi !
Regarde s'étoiler mes jeunes doigts funèbres.
Je touche en me haussant les ailes des ténèbres.
par quel matin d'hiver crierai-je que j'ai froid ?
Aurore qui grandit, crépuscule qui tombe,
Sur mon être au linceul, déjà presque enterré,
Les orgues rugiront du ciel : Dies Irae !
Et les fleurs de mon lit me suivront sur la tombe.
Non ! Pas encor ! Ce soir nous exalte en sursaut !
Ferme sur toute moi, sur moi, ton bras qui tremble !
Nos deux corps, nos deux cœurs, nos deux bouches ensemble !
Ah ! je vis !... Tout est chaud ! Tout est chaud ! Tout est chaud !
III
- Nul ne peut abolir que par un jour d'automne,
Moi qui t'étreins ici, je ne t'aie emporté
L'encens, la myrrhe et l'or de ta divinité,
Le beau sang d'Aphrodite et le sang de Latone.
Nul ne peut, lorsqu'Amour se fit chair, menacer
Ni verbe ni mutisme oublieux ou vivace.
Le rhythme de deux cœurs frappe et marque la trace
De deux pas, sur le sol, sur le roc, du passé.
Que la mort, désormais, de ses mains maternelles,
T'épargne les douleurs de tes lointains hivers :
Le Temps même ne peut faire mourir un vers
Au chérissant esprit que penchent tes prunelles.
Comme au jour d'alliance où tu vins et pleuras
Sur nos destins épars, sur notre vie en cendres,
Ouvre sur moi tes yeux si tristes et si tendres :
J'enferme le bonheur tout entier dans mes bras. "
IV
Psyché, ma sœur, écoute immobile, et frissonne...
Le bonheur vient, nous touche et nous parle à genoux.
Pressons nos mains. Sois grave. Écoute encor... Personne
N'est plus heureux, ce soir, n'est plus divin que nous.
Une immense tendresse attire à travers l'ombre
Nos yeux presque fermés. Que reste-t-il encor
Du baiser qui s'apaise et du soupir qui sombre ?
La vie a retourné notre sablier d'or.
C'est notre heure éternelle, éternellement grande,
L'heure qui va survivre à l'éphémère amour,
Comme un voile embaumé de rose et de lavande
Conserve après cent ans la jeunesse d'un jour.
Plus tard, ô ma beauté, quand des nuits étrangères
Auront passé sur vous qui ne m'attendrez plus,
Quand d'autres, s'il se peut, amie aux mains légères,
Jaloux de mon prénom, toucheront vos pieds nus,
Rappelez-vous qu'un soir nous vécûmes ensemble
L'heure unique où les dieux accordent, un instant,
À la tête qui penche, à l'épaule qui tremble,
L'esprit pur de la vie en fuite avec le temps.
Rappelez-vous qu'un soir, couchés sur notre couche
En caressant nos doigts frémissants de s'unir,
Nous avons échangé de la bouche à la bouche
La perle impérissable où dort le Souvenir.
Pierre Louÿs
Le poème peut être une bouteille à la mer,
abandonnée à l’espoir, certes souvent fragile,
qu’elle pourra un jour, quelque part, être recueillie
sur une plage, sur la plage du cœur peut-être.
Paul Celan
Brûlante du désir
De graver sur ton mur blanc
Une poésie
Akiko Yosano