/https%3A%2F%2Fassets.over-blog.com%2Ft%2Fdelicate%2Fimages%2Fheader%2Fheader.jpg)
Coups de cœur
Un ami dort
Tes mains jonchant les draps étaient mes feuilles mortes. Jean Cocteau |
Si la société évacue la poésie
Si la société évacue la poésie comme mode d’expression non productif, c’est peut-être que la poésie est un foyer de contestation, un acte de résistance, une incompatibilité fondamentale avec le système dominant.
Jean Rouaud
A la musique
Place de la Gare, à Charleville.
Sur la place taillée en mesquines pelouses,
Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu’étranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.
– L’orchestre militaire, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la Valse des fifres :
Autour, aux premiers rangs, parade le gandin ;
Le notaire pend à ses breloques à chiffres.
Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs :
Les gros bureaux bouffis traînant leurs grosses dames
Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de réclames ;
Sur les bancs verts, des clubs d’épiciers retraités
Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,
Fort sérieusement discutent les traités,
Puis prisent en argent, et reprennent : » En somme !… »
Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande,
Savoure son onnaing d’où le tabac par brins
Déborde – vous savez, c’est de la contrebande ; –
Le long des gazons verts ricanent les voyous ;
Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious
Caressent les bébés pour enjôler les bonnes…
– Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
Sous les marronniers verts les alertes fillettes :
Elles le savent bien ; et tournent en riant,
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.
Je ne dis pas un mot : je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles :
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules.
J’ai bientôt déniché la bottine, le bas…
– Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas…
– Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres…
Arthur Rimbaud
Colonel
Te vêtir
Te vêtir… Ô le paradoxe
Quand au contraire je ne veux
Pour l’amour et sa tendre boxe
Que ta parure de cheveux
C’est en vain que tu dérobes
Sous tous les plis que tu voudras
A la plus belle de tes robes
J’aime mieux le pli de tes draps.
Ôte-moi donc vite la gêne
De la souple et nerveuse gaine.
Paul Valéry
Elle avait fait surgir
Elle avait fait surgir du plus profond de moi des mondes inexplorés, où tout demeurait à inventer. Ses propres dérives lui avaient donné un regard indulgent sur mes nuits blanches et mes appétits désordonnés. Parfois, son regard laissait affleurer l’empreinte des vies antérieures incandescentes et dangereuses, que je m’efforçais d’apaiser. Elle m’avait apprivoisé sans rien exiger, décuplant sans le savoir un insatiable désir d’elle.
Gaëlle Josse, Nos vies désaccordées.
Confession
Je t’aime comme on aime vivre,
À mon insu, et cependant
Avec ce sens craintif, prudent,
Qu’ont surtout les cœurs les plus ivres !
J’ai douté de toi, mon amour.
Quelle que soit ta frénésie.
Puisqu’il faut qu’il existe un jour
Au loin, où, ni la poésie,
Ni les larmes, ni la fureur,
Ni cette vaillance guerrière
Qui criait au Destin : « Arrière ! »
N’agiront contre ce qui meurt.
Jamais je ne fus vraiment sûre
De te voir, quand je te voyais :
Ce grand doute sur ce qui est
C’est la plus fervente blessure !
Tu sais, on ne peut exprimer
Ces instinctives épouvantes :
J’ai peur de n’être pas vivante
Dès que tu cesses de m’aimer !
Anna de Noailles
Ouverture
La chair de ma couleur
La chair de ma couleur
prend visage car le
visage a sa langue
partout où la matière
étale grandes ouvertes
ses jambes
Fabio Scotto