Je suis toute pénétrée de ce bonheur
|
Coups de cœur
|
Je ne puis me taire plus longtemps. Il faut que je vous écrive.
Vous me percez le cœur ! Ne me dites pas qu’il est trop tard !
Que ces précieux sentiments sont perdus pour toujours.
Je m’offre à vous avec un cœur qui vous appartient encore plus
que lorsque vous l’avez brisé il y a huit ans.
Ne dites pas que l’homme oublie plus tôt que la femme,
que son amour meurt plus vite.
Je n’ai jamais aimé que vous. Je puis avoir été injuste,
j’ai été faible et vindicatif,mais jamais inconstant.
C’est pour vous seule que je suis venu à Bath,
c’est à vous seule que je pense ;
ne l’avez-vous pas vu ? N’auriez-vous pas compris mes désirs ?
Je n’aurais pas attendu depuis dix jours, si j’avais connu vos sentiments
comme je crois que vous avez deviné les miens.
Je puis à peine écrire. J’entends des mots qui m’accablent.
Vous baissez la voix, mais j’entends les sons de cette voix
qui sont perdus pour les autres.
Trop bonne et trop parfaite créature ! Vous nous rendez justice, en vérité,
en croyant les hommes capables de constance.
Jane Austen, Persuasion, 1817
Laisse-moi t'aimer.
J'aime le goût de ton sang épais.
Je le garde longtemps dans ma bouche sans dents.
Son ardeur me brûle la gorge.
J'aime ta sueur.
J'aime caresser tes aisselles
Ruisselantes de joie.
Laisse-moi t'aimer
Laisse-moi lécher tes yeux fermés
Laisse-moi les percer avec ma langue pointue
Et remplir leur creux de ma salive triomphante.
Laisse-moi t'aveugler.
Tu veux mon ventre pour te nourrir
Tu veux mes cheveux pour te rassasier
Tu veux mes reins mes seins ma tête rasée
Tu veux que je meure lentement lentement.
Je frémis sous tes mains joyeuses.
Je bois le sang qui tombe de ta bouche en fente.
Le drap noir rampe sous nos jambes unies
Et tandis que tu mâches mon oreille détachée
Je chante ton nom et mes rêves écartés.
J'ai ouvert ta tête
Pour lire tes pensées.
J'ai croqué tes yeux
Pour goûter ta vue.
J'ai bu ton sang
Pour connaître ton désir
Et de ton corps frissonnant
J'ai fait mon aliment.
Joyce Mansour
Projetez vos envies, elles glissent entre mes doigts, murmurez-les, mes lèvres s'entr'ouvrent,
aspirer votre air, goûter votre langue, vous embrasser goulûment, et déjà nos hanches,
et votre désir sous la toile, et mes cuisses autour de votre taille, et vos mains
sur mes fesses, et puis l'instant fragile, votre sexe dans le mien.
Mais nous resterons loin, et quand nous nous croiserons, à l'occasion,
si je garde les yeux baissés, n'allez point croire que je vous méprise.
C'est de l'impudeur de mon regard dont je me protège, de cette impatience
à vous toucher, de cette urgence de baiser qui embrase chaque instant partagé.
Mais regardez mes lèvres. Regardez mes doigts. Ils dessinent sur ma bouche
le tracé de votre langue, ma main qui serre mon bras ou enlace mon cou,
comme si c'était vous. Quand je serai seule, peut-être mes doigts mimeront
vos gestes, illusoire apaisement.
Après toutes les impudeurs, malgré tous les mots,
les soupirs et l'émoi, je reste cette femme qui rougit.
Nora Gaspard
Lorsqu'elle trousse ma chemise et met la main entre mes cuisses,
nous nous taisons l'une et l'autre. Lorsque ses doigts se remettent à bouger,
ce n'est plus qu'un simple frôlement : ils sont mouillés à présent,
ils glissent et, en glissant, comme ses lèvres qui se frottent aux miennes,
semblent se doter de vie et m'aspirer, hors des ténèbres et de ma forme naturelle.
Je croyais la désirer avant, mais le désir que je ressens maintenant est tellement grand,
tellement âpre que je crains qu'il ne reste à jamais inassouvi.
Il me semble qu'il ira toujours grossissant, de plus en plus effréné, à me rendre folle, à me tuer.
Pourtant le mouvement de sa main est toujours aussi lent. Elle murmure :
- Comme tu es douce ! Comme tu es chaude ! J'ai envie...
Sa main ralentit encore, en appuyant. Mon souffle reste un instant suspendu.
Elle hésite, mais presqu'aussitôt accentue à nouveau la pression de ses doigts.
Sarah Waters
Du bout des doigts / 2002
Mes yeux furent tout à coup frappés par de blanches épaules rebondies
sur lesquelles j'aurais voulu pouvoir me rouler, des épaules légèrement rosées
qui semblaient rougir comme si elles se trouvaient nues
pour la première fois, de pudiques épaules qui avaient une âme,
et dont la peau satinée éclatait à la lumière comme un tissu de soie.
Ces épaules étaient partagées par une raie,
le long de laquelle coula mon regard, plus hardi que ma main.
Honoré de Balzac
Nous éclatons de rire. Nous nous allongeons ensemble et faisons l’amour,
doucement, tendrement, nous nageons en plein amour, et pour la première fois,
l’orgasme m’envahit par surprise, sans que j’y pense, presque paisiblement,
comme une aube qui se lève lentement, un lent épanouissement né de l’abandon,
de la décontraction, né du non-être.
Aucun effort pour l’atteindre. Tombant comme la pluie, noyant l’esprit et le faisant fleurir.
Anaïs Nin
Journal V / 1947-1955
Je ne sais rien de votre peau, de votre odeur.
Laissez-moi vous explorer, vous effeuiller jusqu'à l'insupportable,
jusqu'à ne plus accepter d'être des mots écrits sur des coins de nappes en papier,
des pensées notées sur un carnet.
Vous méritez mieux que cela.
Vous êtes une étoile lointaine, pas trop j'espère, et je ne suis qu'un amant de papier.
Ne me brûlez pas...
Bernard Giraudeau
C'est une décision difficile à prendre, s'il faut commencer une fille par le haut ou par le bas.
Avec Vida, franchement, je ne savais pas par où commencer. C'était vraiment un problème.
Quand elle se souleva un peu et, gauchement, plaça mon visage dans un petit réceptacle
qui était ses mains et qu'elle m'embrassa calmement (encore, et encore)
il fallut bien commencer quelque part.
Pendant tout ce temps, elle me regardait fixement. Ses yeux ne me quittaient pas des yeux,
comme si j'étais un terrain d'atterrissage.
Je changeai de réceptacle et c'est son visage alors qui devint une fleur entre mes mains.
Lentement, pendant que je l'embrassais, j'ai laissé mes mains dériver le long de son visage
puis plus bas encore, jusqu'au cou, jusqu'aux épaules.
Et je voyais l'avenir se chambarder dans sa tête tandis que j'arrivais à la lisière de ses seins.
Si vastes, d'un galbe si parfait sous son pull, que j'avais l'estomac perché
en haut d'un escabeau lorsque je les touchai pour la première fois.
Ses yeux ne me quittaient pas et je voyais dans ses yeux le reflet du geste
par lequel je touchais ses seins.
Ce fut comme un bref éclair bleu.
Richard Brautigan
L'Avortement / 1966
Elle vit sa propre main apparaître au-dessus de la petite colline
que formaient ses fesses qu’elle commença à caresser.
Son autre main glissait entre ses jambes et elle la voyait par-derrière dans le miroir.
De cette main, elle se caressait le sexe d’avant en arrière. Son majeur pénétra en elle
et elle le fit aller et venir. Elle eut soudain envie d’être prise des deux côtés à la fois
et de glisser son autre majeur entre ses fesses. En remuant d’avant en arrière,
elle sentait tour à tour les deux doigts comme cela lui arrivait parfois
lorsque Martinez et un ami la caressaient en même temps.
L’approche de l’orgasme l’excita, elle se mit à faire des gestes convulsifs,
comme pour attraper le dernier fruit d’une branche ;
tirant, tirant sur la branche pour faire éclater le tout en un orgasme sauvage,
qui l’envahit alors qu’elle se regardait dans la glace,
et voyait ses mains actives, et le miel briller, mouillant tout son sexe
et ses fesses, entre les jambes.
Anaïs Nin
Venus Erotica / 1940