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emois

Je le sais

19 Août 2023, 08:50am

Publié par vertuchou

 Je le sais quand Vittorio est entré en moi à tout jamais, quand la première fois il m’a embrassée j’ai senti mon corps m’abandonner et se retirer au profit d’un nouveau corps, le sien dans le mien. Cet homme est devenu mon sang.

Hélène Grémillon, La garçonnière.

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Loin de Füsun

11 Août 2023, 01:48am

Publié par vertuchou

Loin de Füsun, je perdais toute sérénité, le monde se transformait à mes yeux en une énigmatique charade. En voyant Füsun, j'avais l'impression que toutes les pièces du puzzle se remettaient instantanément en place et, me souvenant combien le monde était un endroit plein de sens et de beauté, je soufflais à nouveau

Orhan Pamuk, Le musée de l'innocence.

 

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Vous vous souvenez

3 Août 2023, 01:34am

Publié par vertuchou

Vous vous souvenez, monsieur Cendrars, du début de Sapho d’Alphonse Daudet, quand l’étudiant gravit quatre à quatre les six étages de son meublé une femme dans les bras et dépose son lourd fardeau, la femme masquée enlevée au bal de l’Opéra, dans son lit et s’abat sur elle haletant, à bout de souffle, le cœur battant douloureusement, à se rompre, prêt à éclater d’émotion, de hâte, d’impatience, de triomphe juvénile mais aussi d’épuisement et de fatigue physique vu l’effort fourni pour arriver au haut de ces escaliers sans fléchir, sans lâcher l’inconnue qui à chaque étage se faisait plus lourde, sans la laisser choir au dernier palier. C’est dans le même état d’agitation et de trouble, d’angoisse nerveuse, en sueur, le souffle coupé, le cœur me battant dans la gorge, que je me trouvais quand je déposai Sarah Bernhardt dans sa chambre, sauf que je la déposai debout au milieu de la pièce avec mille précautions tant la divine me paraissait fragile et qu’au lieu de me laisser tomber sur la femme célèbre, comme l’autre sur son inconnue, je n’en revenais pas de mon audace de m’être emparé de l’illustre tragédienne et que je me laissai tomber à genoux, rampant à ses pieds pour baiser avec dévotion l’ourlet de sa robe, cependant qu’un glaçon s’insinuait en moi et me perçait le cœur...

Blaise Cendrars, Le lotissement du ciel.

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Elle était presque arrivée

30 Juillet 2023, 01:35am

Publié par vertuchou

Elle était presque arrivée quand les nuages s’épaissirent jusqu’à former une dalle sombre. Elle se mit à courir. Puis s’arrêta. Ses chaussures. Elle ne pouvait pas se permettre de les abîmer. Elle les retira, les glissa sous son manteau et continua à marcher sous la pluie, prenant l’embranchement qui coupait à travers bois. Aller pieds nus ne la gênait pas : elle avait fait ça toute sa vie, ses pieds étaient endurcis. Froids et presque engourdis à présent, mais endurcis. Elle avait les cheveux, les épaules et le dos de plus en plus trempés, mais marcher la réchauffait. Elle ralentit et traversa précautionneusement les tapis d’herbes gorgés d’eau. On n’entendait que le tambourin de la pluie sur les feuilles luisantes. Elle s’immobilisa. Il y avait là comme une présence, avec elle, autour d’elle, tourbillonnante et bouillonnante d’énergie. Les arbres étreignaient la terre avec tant d’intimité. Quel délice d’en faire ainsi partie intégrante. Elle ferma les yeux et se sentit appelée. Son esprit se déversa dans l’air comme un chant. Attends ! Elle ouvrit les yeux et ramena son poids dans ses pieds froids. C’était sans doute ce que vivait Gerald quand il survolait la terre. Parfois elle se faisait peur.

Louise Erdrich, Celui qui veille.

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Tu ressens un dégoût

22 Juillet 2023, 01:33am

Publié par vertuchou

Tu ressens un dégoût pour cette bouche obscène mais aussi une attirance, alors tu t'inclines et plonges, tu poses tes lèvres sur la vulve qui s'élargit et t'accueille et tu sens une vague de myrrhe, d'oubli, d'ambre et de henné. Une liqueur s'épanche que tu devines pouvoir boire comme le vin, alors tu lapes, et ta langue insiste avec intelligence, investit la blessure, tu as le désir fou de cautériser cette plaie de ta salive, de la nettoyer tout entière, et ce faisant la blessure s'ouvre davantage et Shamat soupire, t'encourage, de ses reins plus fort appuie contre toi et tu la saisis au creux des mains, ses fesses soulevées par la force, tu la portes comme la coupe à tes lèvres, ta langue s'insinue, fouille, explore, suce, ta langue qui sait dire les mots fait surgir des délires, la courtisane parle, halète et rugit, elle t'empoigne aux cheveux et t'oblige. Ton visage enfle entre ses cuisses, elle se dilate jusqu'au démembrement, t'enfonce en elle et tu t'abîmes dans des chairs mouillées, sanguines, souples et grisantes. Elle échappe un râle, puis un autre, essaye de te repousser pour mieux t'attirer encore et te fondre en elle. Puis elle recommence. Tu la bois, tu la dévores, elle dit non et oui, arrête et encore, mais tu ne sais rien de tels mots et tu t'abîmes toujours dans le festin de ses replis. Enfin, elle défaille, tu sens entre tes mains son corps tressaillir, puis fondre et peser. Tu la reposes.

Christian Chavassieux, La Joyeuse.

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Quand elle dormait ainsi

14 Juillet 2023, 01:32am

Publié par vertuchou

Quand elle dormait ainsi, sa tête appuyée contre un de mes bras, je me penchais sur elle pour voir son visage entouré de flammes. C'était jouer avec le feu. Un jour que je m'approchais trop sans pourtant que mon visage touchât le sien, je fus comme l'aiguille qui dépasse d'un millimètre la zone interdite et appartient à l'aimant. Est-ce la faute de l'aimant ou de l'aiguille ? C'est ainsi que je sentis mes lèvres contre les siennes. Elle fermait encore les yeux, mais visiblement comme quelqu'un qui ne dort pas. Je l'embrassai, stupéfait de mon audace, alors qu'en réalité c'était elle qui, lorsque j'approchais de son visage avait attiré ma tête contre sa bouche.

Raymond Radiguet, Le diable au corps.

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Rien n'a égalé cet instant-là.

6 Juillet 2023, 01:44am

Publié par vertuchou

Rien n'a égalé cet instant-là. Pas même ce que tu as réussi à faire avec moi, le souffle court et tout enfiévrée, après que j'ai répondu à ta question suivante, tes doigts et ta bouche si chauds sur moi que je ne savais plus ce qui était toi et ce qui était moi, ce que je n'avais encore permis à aucun garçon parce qu'aucun n'avait demandé si joyeusement, si délicatement mon aide, pas même cela, notre "tout-sauf", notre "pas-jusqu'au-bout" terrifiant et vertigineux rien n'égalait pour moi cette image de toi te tordant de rire. Je ne te l'ai jamais dit, même après t'avoir répété je t'aime tellement de fois ce jour-là, je ne t'ai jamais dis que le grand éblouissement avait été cet instant-là, avant : nous deux riant comme des baleines, ensemble - ensemble comme tout le monde nous disait de ne pas l'être. Je ne te l'ai jamais dit, c'était trop intense, trop fort. Je le peux seulement maintenant, les yeux brûlants de larmes chez Leopardi avec mon ami retrouvé, et c'est une chose à voir seulement dans la lumière de ce matin où nous échangions le même émerveillement.

Daniel Handler, Inventaire après rupture.

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Rainer

24 Juin 2023, 01:43am

Publié par vertuchou

Rainer, si je veux aller à toi, c'est aussi pour ma nouvelle moi, qui ne saurait naître qu'avec toi, en toi. Et alors,Rainer (Rainer, le leitmotiv de ma lettre), je veux dormir avec toi, m'endormir et dormir avec toi. Cette merveilleuse expression populaire, comme elle est vraie, profonde, sans équivoque, comme elle dit bien ce qu'elle dit. Simplement dormir. Rien de plus. Si pourtant : enfouir ma tête dans ton épaule gauche, passer mon bras sur ton épaule droite - rien de plus. Si pourtant : savoir, jusqu'au plus profond du sommeil, que c'est toi. Et encore : comment ton coeur sonne. Et - baiser ton coeur. […]”

Lettre de Marina Tsvetaïeva à Rainer Maria Rilke - Saint Gilles sur Vie, le 2 août 1926

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Victoire

16 Juin 2023, 01:42am

Publié par vertuchou

Victoire, ton visage est tout près du mien, je sens ton souffle. Il est frais, presque froid. Je ne comprends pas tes mots, mais ils sont doux, tellement. Je plonge dans tes yeux et me noie dans ton regard. Tu m'accueilles, et par ta grâce, le ciel s'ouvre pour nous seules, et nous dansons, dansons, si étroitement enlacées que nos corps ne font qu'un.
Notre peau dans le ciel si clair.
Nos yeux. Je les ferme.
Je suis le ciel.
Je suis toi.


Léonor de Récondo,  Amours

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Poétesse, sens-tu

8 Juin 2023, 01:41am

Publié par vertuchou

Poétesse, sens-tu à quel point tu t’es emparée de moi, toi et ton magnifique compagnon de lecture, voici que j’écris comme toi, comme toi je descends les quelques marches menant de la phrase à l’entresol des parenthèses où les plafonds sont si bas et où ça sent les roses anciennes, qui ne cessent jamais. Marina : comme j’ai habité ta lettre.

Lettre de Rainer Maria Rilke à Marina Tsvétaïeva, 10 mai 1926.

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