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poetes d'aujourd'hui

Je viens te porter un poème de Neruda

13 Février 2025, 00:38am

Publié par vertuchou

J’ai un galop dans le cœur
et la marée tenue en laisse
Je pétrirai vent et sable
de cette mer sans sépulture
pour sculpter tes pieds sonores
et les entendre danser dans mes yeux
Pour te rejoindre je grimpe
de la mer à la colline
Ma tête se redessine étoile
pour rappeler tes voix
Mes lèvres lasses se tendent
en sourires distraits et automnaux
Et je suis là,
dans cet autobus qui secoue mon corps
comme un dé
comme un tapis
en se traînant sur des routes poussiéreuses
rendues muettes par la pluie inattendue
Les papillons applaudissent à mon passage
battant des ailes
au-dessus des flaques de boue qui engloutirent Narcisse
J’ai un galop de marée
dans mon cœur tenu en laisse.
Emmène-moi où l’on puisse oublier
ce siècle qui nous voit exilés,
ces orages
qui ne portent aucune fraîcheur,
ces célébrations et ces embrassades
qui ne sont que d’inutiles couronnes de fleurs.
La mer est là-bas
lointaine comme un projet abandonné
les roues lancent des pierres et des souvenirs
sur la pente que ta maison déroule devant moi
Je suis le sculpteur de feuilles d’artichaut
et je t’offre des silhouettes de nuages
A toi,
verre ébréché
que je ne peux embrasser sans me blesser,
A toi,
oreille coupée et jetée sur un pré
pour écouter les secrets des fourmis
A toi,
j’offre ma veste usée,
ma résistance
et ce poème perdu de Pablo Neruda.

Claudio Pozzani

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Poème à crier dans les ruines

9 Février 2025, 00:23am

Publié par vertuchou

Tous deux crachons tous deux
Sur ce que nous avons aimé
Sur ce que nous avons aimé tous deux
Si tu veux car ceci tous deux
Est bien un air de valse et j’imagine
Ce qui passe entre nous de sombre et d’inégalable
Comme un dialogue de miroirs abandonnés
A la consigne quelque part Foligno peut-être
Ou l’Auvergne la Bourboule
Certains noms sont chargés d’un tonnerre lointain
Veux-tu crachons tous deux sur ces pays immenses
Où se promènent de petites automobiles de louage
Veux-tu car il faut que quelque chose encore
Quelque chose
Nous réunisse veux-tu crachons
Tous deux c’est une valse
Une espèce de sanglot commode
Crachons crachons de petites automobiles
Crachons c’est la consigne
Une valse de miroirs
Un dialogue nulle part
Écoute ces pays immenses où le vent
Pleure sur ce que nous avons aimé
L’un d’eux est un cheval qui s’accoude à la terre
L’autre un mort agitant un linge l’autre
La trace de tes pas Je me souviens d’un village désert
A l’épaule d’une montagne brûlée
Je me souviens de ton épaule
Je me souviens de ton coude
Je me souviens de ton linge
Je me souviens de tes pas
Je me souviens d’une ville où il n’y a pas de cheval
Je me souviens de ton regard qui a brûlé
Mon cœur désert un mort Mazeppa qu’un cheval
Emporte devant moi comme ce jour dans la montagne
L’ivresse précipitait ma course à travers les chênes martyrs
Qui saignaient prophétiquement tandis
Que le jour faiblissait sur des camions bleus
Je me souviens de tant de choses
De tant de soirs
De tant de chambres
De tant de marches
De tant de colères
De tant de haltes dans des lieux nuls
Où s’éveillait pourtant l’esprit du mystère pareil
Au cri d’un enfant aveugle dans une gare-frontière
Je me souviens

Je parle donc au passé Que l’on rie
Si le cœur vous en dit du son de mes paroles
Aima Fut Vint Caressa
Attendit Épia les escaliers qui craquèrent
0 violences violences je suis un homme hanté
Attendit attendit puits profonds
J’ai cru mourir d’attendre
Le silence taillait des crayons dans la rue
Ce taxi qui toussait s’en va crever ailleurs
Attendit attendit les voix étouffées
Devant la porte le langage des portes
Hoquet des maisons attendit
Les objets familiers prenaient à tour de rôle
Attendit l’aspect fantomatique Attendit
Des forçats évadés Attendit
Attendit Nom de Dieu
D’un bagne de lueurs et soudain
Non Stupide Non
Idiot
La chaussure a foulé la laine du tapis
Je rentre à peine
Aima aima aima mais tu ne peux pas savoir combien
Aima c’est au passé
Aima aima aima aima aima
0 violences

Ils en ont de bonnes ceux
Qui parlent de l’amour comme d’une histoire de cousine
Ah merde pour tout ce faux-semblant
Sais-tu quand cela devient vraiment une histoire
L’amour
Sais-tu
Quand toute respiration tourne à la tragédie
Quand les couleurs du jour sont ce que les fait un rire
Un air une ombre d’ombre un nom jeté
Que tout brûle et qu’on sait au fond
Que tout brûle
Et qu’on dit Que tout brûle
Et le ciel a le goût du sable dispersé
L’amour salauds l’amour pour vous
C’est d’arriver à coucher ensemble
D’arriver
Et après Ha ha tout l’amour est dans ce
Et après
Nous arrivons à parler de ce que c’est que de
Coucher ensemble pendant des années
Entendez-vous
Pendant des années
Pareilles à des voiles marines qui tombent
Sur le pont d’un navire chargé de pestiférés
Dans un film que j’ai vu récemment
Une à une
La rose blanche meurt comme la rose rouge
Qu’est-ce donc qui m’émeut à un pareil point
Dans ces derniers mots
Le mot dernier peut-être mot en qui
Tout est atroce atrocement irréparable
Et déchirant Mot panthère Mot électrique
Chaise
Le dernier mot d’amour imaginez-vous ça
Et le dernier baiser et la dernière
Nonchalance
Et le dernier sommeil Tiens c’est drôle
Je pensais simplement à la dernière nuit
Ah tout prend ce sens abominable
Je voulais dire les derniers instants
Les derniers adieux le dernier soupir
Le dernier regard
L’horreur l’horreur l’horreur
Pendant des années l’horreur
Crachons veux-tu bien
Sur ce que nous avons aimé ensemble
Crachons sur l’amour
Sur nos lits défaits
Sur notre silence et sur les mots balbutiés
Sur les étoiles fussent-elles
Tes yeux
Sur le soleil fût-il
Tes dents
Sur l’éternité fût-elle
Ta bouche
Et sur notre amour
Fût-il
Ton amour
Crachons veux-tu bien

Louis Aragon

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Fracture

5 Février 2025, 00:59am

Publié par vertuchou

fracture nom féminin

luxation subluxation
fissure
déchirure
rupture

entorse à la règle

le bruit de la fracture est
peut-être
le premier son du poème

Sara Balbi Di Bernardo

 

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Les gens s’en vont

1 Février 2025, 01:46am

Publié par vertuchou

Les gens s’en vont
Mais la façon
Dont ils sont partis
Reste

Rupi Kaur

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La liberté

28 Janvier 2025, 01:44am

Publié par vertuchou

La liberté c’est ce cours d’eau
Qui vient passer sur ta maison.
Tous les gens de la rue y puisent à pleins seaux
Les filles fatiguées y viennent se baigner
Le soir, quand la sirène ouvre les ateliers.
Et l’on y lave, aussi, les vestes de travail.

Je te regarde face à face
Et je vois l’eau du fleuve
Aux hublots de tes yeux.

Tu t’en vas sur le fleuve,
Avec le fleuve, vers la mer.
Je viens, nous venons tous, nous nageons près de toi,
Écume du sillage ou feuilles emportées,
Frôlés de poissons d’or, survolés d’éperviers.

C’est un fleuve sans rive et notre foule s’y perdra,
Se fondra, fraternelle, à celle de partout.

Demain, ceux qui vivront trouveront naturel
D’être au large, au soleil, sur la mer Liberté.

Madeleine Riffaud
Poème écrit en 1946, dédié à Paul Eluard

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Comment sont les autres

24 Janvier 2025, 01:41am

Publié par vertuchou

Comment sont les autres
Font les autres
Vivent les autres
Si c’est comme moi
Et qu’ils font cette tête souriante quand je les vois
Alors oui nous sommes tous damnés
Car mes jours et mes nuits
Je ne les souhaite à personne
Je ne suis pas malheureux
Restez calmes je vous en prie
Non ce n’est pas cela
Que je veux dire
Mais nous sommes vraiment seuls
À penser certaines choses
Qui nous empêchent
De croire en qui
En quoi que ce soit
Vraiment seuls
À se croire seuls à les penser
C’est que tout le monde les cache
Et comment allez-vous
Cher ami
Beau temps et pluie
C’est la saison
Ce n’est pas mépris
Même l’amour y a sa part
Si l’on n’aimait pas
On ne penserait pas ces choses
Non c’est tout simple
Et positivement horrible
Se suicider
En devient ridicule.

Georges Perros

 

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Le centre blanc

20 Janvier 2025, 01:39am

Publié par vertuchou

Sur le fil de lumière
je suspends la poésie
comme guirlandes

orbite de mes horizons
je gravis ses enceintes
glissant sur l’archipel
de rivières démenties

j’ai la poésie plantée au ventre et au cœur
éboulis qui m’invente des paysages
je m’ouvre comme une huître sous le couteau
de son arc-en-ciel

étang de mes étoiles qui foisonne
le vase de la solitude
bouée de ma réalité
algue de mes abandons

je m’ancre à ton corail

Nicole Brossard

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Azur

16 Janvier 2025, 01:38am

Publié par vertuchou

Azur ! nos bêtes sont bondées d'un cri !
Je m'éveille, songeant au fruit noir de l'Anibe dans sa cupule verruqueuse
et tronquée… Ah bien ! les crabes ont dévoré tout un arbre à fruits mous.
Un autre est plein de cicatrices, ses fleurs poussaient, succulentes, au
tronc. Et un autre, on ne peut le toucher de la main, comme on prend à
témoin, sans qu'il pleure aussitôt de ces mouches, couleurs !… Les
fourmis courent en deux sens. Des femmes rient toutes seules dans les
abutilons , ces fleurs jaunes tachées de noir pourpre à la base que l'on
emploie dans la diarrhée des bêtes à cornes… Et le sexe sent bon. La
sueur s'ouvre un chemin frais. Un homme seul mettrait son nez dans le pli
de son bras. Ces rives gonflent, s'écroulent sous des couches d'insectes
aux noces saugrenues. La rame a bourgeonné dans la main du rameur. Un
chien
vivant au bout d'un croc est le meilleur appât pour le requin…
- Je m'éveille songeant au fruit noir de l' Anibe ; à des fleurs en paquets
sous l'aisselle des feuilles.

Saint-John Perse

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Bonne Justice

12 Janvier 2025, 01:02am

Publié par vertuchou

C’est la chaude loi des hommes
Du raisin ils font du vin
Du charbon ils font du feu
Des baisers ils font des hommes
 
C’est la dure loi des hommes
Se garder intact malgré
Les guerres et la misère
Malgré les dangers de mort
 
C’est la douce loi des hommes
De changer l’eau en lumière
Le rêve en réalité
Et les ennemis en frères
 
Une loi vieille et nouvelle
Qui va se perfectionnant
Du fond du cœur de l’enfant
Jusqu’à la raison suprême.

Paul Éluard

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Art poétique

8 Janvier 2025, 01:52am

Publié par vertuchou

Si je n’écris pas ce matin,
Je n’en saurai pas davantage,

Je ne saurai rien
De ce que je peux être.

J’ai l’habitude
De me considérer

Comme vivant avec les racines,
Principalement celle des chênes.

Comme elles
Je creuse dans le noir

Et j’en ramène de quoi
Offrir du travail

À la lumière.

Qu’est-ce qu’il t’arrive ?

Il t’arrive des mots,
Des lambeaux de phrase.

Laisse-toi causer. Écoute-toi
Et fouille, va plus profond.

Regarde au verso des mots,
Démêle cet écheveau.

Rêve à travers toi,
À travers tes années
Vécues et à vivre.

Comme certaines musiques,
Le poème fait chanter le silence,

Amène jusqu’à toucher
Un autre silence,

Encore plus silence.

Eugène Guillevic

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