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poetes d'aujourd'hui

Je te cherche sur des cartes

17 Juin 2024, 01:46am

Publié par vertuchou

Je te cherche sur des cartes,
franchissant lentement les frontières,
au hasard des saisons et des montagnes,
déchiffrant le bleu de la mer et des rivières,
poursuivant lentement
un nom qui te parle et me nourrit,
un reste de lumière transformé en mots,
ville, village, accident, peut-être terre.
Renverser la géographie,
Je te cherche, parmi les dessins
et des signes peints, lentement,
sans trêve, ni remède,
lentement dans les atlas,
sans foi, ni espoir.

Josefa Parra

 

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Je t'aimerai sans toi

13 Juin 2024, 00:01am

Publié par vertuchou

Je t'aimerai sans toi. Ne me fais jamais signe.

Un ajonc peut flamber sur la lande, à midi,

solitaire en son mal et seulement nourri

d'argile avaricieuse au bout de sa racine.

 

Enterre au fond de toi mon nom ensommeillé.

Reste plus ténébreux qu'un buis de cimetière.

Je t'ai volé jadis les neiges de janvier

et j'ai coupé sur toi mes plus hautes javelles.

 

Va, ressemble à un mort. Debout dans mon désert

je sens bouger en moi des foisons de semences.

L'amour qui te cherchait dans sa famine immense

t'a dépassé enfin et brûle l'univers.

 Anne-Marie Kegels.

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Le Rouge et le Noir

9 Juin 2024, 00:43am

Publié par vertuchou

On s’embrasse sur la bouche et sur les lèvres,
on s’enlace dans la nuit et sous les toits,
tétins couleur de vieux soleil,
toison couleur de jeune soir,
voguez ensemble jusqu’au matin
le rouge avec le noir

 Cécile Coulon

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Le noyé

5 Juin 2024, 01:42am

Publié par vertuchou

Le noyé qui gît là dans l’herbe de la berge,
n’ayant plus rien d’humain qu’une main non rongée
où luit un anneau d’or,
poussé du pied par vous avec haine et dégoût
ainsi que la charogne d’une bête mauvaise,
parce qu’il est vêtu d’un dolman ennemi
était pourtant un homme – un homme – un tout jeune homme
nourri d’air, de soleil, d’amour, tout comme vous.
Peut-être que chez lui vivait sa douce mère,
sûrement son épouse, peut-être des enfants !

Songez, quelle agonie angoissée loin des siens
il dut avoir, blessé, dans l’ombre de la nuit
et l’eau froide et profonde.

Qu’une pensée humaine au moins soit son linceul.

Lucien Jacques

 

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Vole vole vole

1 Juin 2024, 01:39am

Publié par vertuchou

Quand je serai un oiseau

je n’aurai plus jamais le vertige,

plus jamais la voix enrouée,

et je sifflerai dans le ciel

pour faire avancer le soleil.

 François David

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Dans Paris

28 Mai 2024, 01:26am

Publié par vertuchou

Dans Paris il y a une rue ;
Dans cette rue il y a une maison ;
Dans cette maison il y a un escalier ;
Dans cet escalier il y a une chambre ;
Dans cette chambre il y a une table ;
Sur cette table il y a un tapis ;
Sur ce tapis il y a une cage ;
Dans cette cage il y a un nid ;
Dans ce nid il y a un œuf,
Dans cet œuf il y a un oiseau.
L'oiseau renversa l'œuf ;
L'œuf renversa le nid ;
Le nid renversa la cage ;
La cage renversa le tapis ;
Le tapis renversa la table ;
La table renversa la chambre ;
La chambre renversa l'escalier ;
L'escalier renversa la maison ;
La maison renversa la rue ;
La rue renversa la ville de Paris.

Paul Éluard

 

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Révélations

24 Mai 2024, 01:24am

Publié par vertuchou

La nuit à tes côtés
les mots sont des clés – sont des clés.
Le désir de mourir est roi.

Que ton corps soit toujours
l’espace aimé des révélations.

Ajelandra Pizarnik

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Un poème est une ville

20 Mai 2024, 01:23am

Publié par vertuchou

Un poème est une ville remplie de rues et d’égouts
remplie de saints, de héros, de mendiants, de fous,
remplie de banalité et de bibine,
remplie de pluie et de tonnerre et de périodes de
sécheresse, un poème est une ville en guerre,
un poème est une ville demandant à une horloge pourquoi,
un poème est une ville en feu,
un poème est une ville dans de sales draps
ses boutiques de barbiers remplies d’ivrognes cyniques,
un poème est une ville où Dieu chevauche nu
à travers les rues comme Lady Godiva,
où les chiens aboient la nuit et chassent
le drapeau : un poème est une ville de poètes,
la plupart d’entre eux interchangeables,
envieux et amers…
un poème est cette ville maintenant,
à 80 kilomètres de nulle part,
à 9 h 09 du matin,
le goût de l’alcool et des cigarettes,
pas de police, pas de maîtresses, marchant dans les rues,
ce poème, cette ville, fermant ses portes,
barricadée, presque vide,
mélancolique sans larmes, vieillissante sans pitié,
les montagnes rocheuses,
l’océan comme une flamme lavande,
une lune dénuée de grandeur,
une petite musique venue de fenêtres brisées…

Un poème est une ville, un poème est une nation,
un poème est le monde…
et maintenant je colle ça sous verre
pour que l’éditeur fou l’examine de près,
et la nuit est ailleurs
et les dames grises indistinctes font la queue,
les chiens suivent les chiens vers l’estuaire,
les trompettes font pousser les gibets
tandis que de petits hommes enragent contre des choses
qu’ils n’arrivent pas à faire.


Charles Bukowski

 

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Élégie pour Martin Luther King

16 Mai 2024, 01:47am

Publié par vertuchou

Les Blancs et les Noirs, tous les fils de la même terre mère.
Et ils chantaient à plusieurs voix, ils chantaient
Hosanna ! Alléluia !
Comme au Royaume d'Enfance autrefois, quand je rêvais.
Or ils chantaient l'innocence du monde, et ils dansaient la floraison
Dansaient les forces que rythmait, qui rythmaient
Force des Forces : la Justice accordée, qui est
Beauté Bonté.
Et leurs battements de pieds syncopés étaient comme
une symphonie en noir et blanc
Qui pressaient les fleurs écrasaient les grappes, pour
les noces des âmes :
Du Fils unique avec les myriades d'étoiles.
Je vis donc – car je vis – George Washington4 et
Phillis Wheatley, bouche de bronze bleue qui
annonça la liberté – son chant l'a consumée
Et Benjamin Franklin, et le marquis de La Fayette
sous son panache de cristal
Abraham Lincoln qui donna son sang, ainsi qu'une
boisson de vie à l'Amérique
Je vis Booker T. Washington le Patient, et William E.B.
Dubois l'Indomptable qui s'en alla planter sa tombe en Nigritie5
J'entendis la voix blues de Langston Hughes, jeune
comme la trompette d'Armstrong. Me retournant je vis
Près de moi John F. Kennedy, plus beau que le rêve
d'un peuple, et son frère Robert, une armure fine d'acier.
Et je vis – que je chante ! – tous les Justes les Bons,
que le Destin dans son cyclone avait couchés
Et ils furent debout par la voix du poète, tels de
grands arbres élancés
Qui jalonnent la voie, et au milieu d'eux Martin Luther King.
Je chante Malcom X, l'ange rouge de notre nuit
Par les yeux d'Angela chante George Jackson,
fulgurant comme l'Amour sans ailes ni flèches
Non sans tourment. Je chante avec mon frère
La Négritude debout, une main blanche dans sa main
vivante
Je chante l'Amérique transparente, où la lumière est
polyphonie de couleurs
Je chante un paradis de paix.
 
Léopold Sédar Senghor
 

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Tes pieds je les touche dans l’ombre

14 Mai 2024, 01:02am

Publié par vertuchou

Jamais seul, avec toi
sur la terre,
à traverser le feu.
Jamais seul.
Avec toi avec les forêts
à recueillir
la flèche
tuméfiée
de l’aurore,
la tendre mousse
du printemps.
Avec toi dans ma bataille,
non celle que j’ai choisie
mais
la seule.
Avec toi par les rues
et le sable, avec toi
l’amour, la lassitude, le pain, le vin,
la pauvreté et le soleil d’une pièce de monnaie,
les blessures, la peine,
la joie.
Toute la lumière, l’ombre,
les étoiles
tout le blé fauché,
les corolles
du tournesol géant, ployant
sous leur propre richesse, le vol
du cormoran, cloué
au ciel
comme une croix marine,
tout
l’espace, l’automne, les œillets,
jamais seul, avec toi.
Jamais seul, avec toi, terre
Avec toi la mer, la vie,
tout ce que je suis et donne, tout ce que je chante,
cette matière
amour, la terre,
la mer
le pain, la vie.

Pablo Neruda

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