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poetes d'aujourd'hui

Fin de journée

12 Avril 2018, 02:34am

Publié par vertuchou

Je tire mes rideaux
sur la pierre précieuse
que fut cette journée
bruissante
de braises perdues
d’éclaircies
de rires d’enfants

Je laisse venir
l’apaisement
du silence
le sourire
qu’avec délicatesse
me restituent
mes anges gardiens

Anne-Lise Blanchard,

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Nous inscrivons notre nom

8 Avril 2018, 02:26am

Publié par vertuchou

Nous inscrivons notre nom
dans tout ce qui passe
bribe
parcelle
miracle
rompu
recréé
à chaque lettre

Nous inscrivons notre nom dans les poitrines
au creux des souffles
que nous ne connaîtrons jamais

Jeanne Benameur

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Et je l’ai rêvé

4 Avril 2018, 02:13am

Publié par vertuchou

Et je l’ai rêvé et le rêve,
Un jour le rêverai encore,
Tout se répétera, tout se réalisera,
Vous rêverez tout ce que j’ai vu en rêve.

Là-bas, de notre côté, du côté du monde
La vague poursuit la vague et bat le rivage,
Et sur la vague l’étoile, l’homme et l’oiseau,
Et le rêve, le réel et la mort – vague après vague.

Pas besoin de date : j’étais et je serai,
La vie est le miracle des miracles, et sur mes genoux
Comme un orphelin j’assois ce miracle,

Seul au milieu des miroirs – dans le cercle des reflets
Des mers et des villes qui rayonnent en miracle.
Et la mère garde son enfant sur les genoux. En larmes.

Arseni Aleksandrovitch Tarkovski.

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Lorsque tu baiseras le sel de mes paupières

31 Mars 2018, 02:25am

Publié par vertuchou

Je vais mourir ce soir
Dans mon lit, dans le noir,
Les yeux fermés, le coeur brûlant et plein de fièvre.
J'aurai le souffle court et des frémissements,
Des plaintes étouffées et des gémissements
Quand, pour ne pas crier, je me mordrai les lèvres.
La sueur coulera le long de mes cheveux
Et, dans l'épuisement des ultimes minutes,
A l'heure de l'envol, à l'instant de ma chute,
Je te murmurerai mon tout dernier aveu :
En cet instant suprême,
Je te dirai: "je t'aime!"

Je veux mourir ce soir
Dans tes bras, dans le noir,
Pour mieux renaître à la lumière
Lorsque tu baiseras le sel de mes paupières.

Michèle Lavalette

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Quand je plonge mes yeux dans les tiens

27 Mars 2018, 02:16am

Publié par vertuchou

Quand je plonge mes yeux dans les tiens
je vois l'aube profonde
je vois l'hier ancien
Je vois ce que j'ignore
et je sens que passe l'univers
entre tes yeux et moi

Adonis

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L’enfant abattu par des soldats à Nyanga

23 Mars 2018, 02:49am

Publié par vertuchou

 
L’enfant n’est pas mort  
l’enfant lève les poings contre sa mère  
qui crie Afrika ! crie l’odeur  
de la liberté et du veld  
dans les ghettos du cœur cerné  
 
L’enfant lève les poings contre son père  
dans la marche des générations  
qui crie Afrika ! crie l’odeur  
de la justice et du sang  
dans les rues de sa fierté armée  
 
L’enfant n’est pas mort ni à Langa ni à Nyanga  
ni à Orlando ni à Sharpeville  
ni au commissariat de Philippi  
où il gît une balle dans la tête
 
L’enfant est l’ombre noire des soldats
en faction avec fusils blindés et matraques  
l’enfant est de toutes les assemblées de toutes les lois  
l’enfant regarde par les fenêtres des maisons et dans le cœur des mères  
l’enfant qui voulait simplement jouer au soleil à Nyanga est partout  
l’enfant devenu homme arpente toute l’Afrique  
l’enfant devenu géant voyage dans le monde entier  
 
Sans laissez-passer
 
Ingrid Jonker

Traduction de Philippe Safavi

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Ouverture

19 Mars 2018, 02:14am

Publié par vertuchou

Je te touche et je vois ton corps et tu respires
Ce ne sont plus les jours du vivre séparés
C'est toi tu vas tu viens et je suis ton empire
Pour le meilleur et pour le pire
Et jamais tu ne fus aussi lointaine à mon gré

Ensemble nous trouvons au pays des merveilles
Le plaisir sérieux couleur de l'absolu
Mais lorsque je reviens à nous que je m'éveille
Si je soupire à ton oreille
Comme des mots d'adieu tu ne les entends plus.

Elle dort Longuement je l'écoute se taire
C'est elle dans mes bras présente et cependant
Plus absente d'y être et moi plus solitaire
D'être plus près de son mystère
Comme un joueur qui lit aux dés le point perdant.

Le jour qui semblera l'arracher à l'absence
Me la rend plus touchante et plus belle que lui
De l'ombre elle a gardé les parfums et l'essence
Elle est comme un songe des sens
Le jour qui la ramène est encore une nuit

Buissons quotidiens à quoi nous nous griffâmes
La vie aura passé comme un air entêtant
Jamais rassasié de ces yeux qui m'affament
Mon ciel mon désespoir ma femme
Treize ans j'aurais guetté ton silence chantant

Comme le coquillage enregistre la mer
Grisant mon coeur treize ans treize hivers treize étés
J'aurais tremblé treize ans sur le seuil des chimères
Treize ans d'une peur douce-amère
Et treize ans conjuré des périls inventés

O mon enfant le temps n'est pas à notre taille
Que sont mille et une nuit pour des amants
Treize ans c'est comme un jour et c'est un feu de paille
Qui brûle à nos pieds maille à maille
Le magique tapis de notre isolement

Louis Aragon

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Vivre

15 Mars 2018, 02:07am

Publié par vertuchou

Autrefois quand l'automne
était sève pesante et comme un corps coupé
dont le sang lentement partait par les sous-bois,
quand les corbeaux criaient sur les terres labourées,

Pressentant une fête étrange à l'horizon,
Oh, je t'ai appelée, suscitée dans les airs.

Et la fête est venue
plus tard et de très loin
avec ton corps.

Eugène Guillevic

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Cette nuit sans doute

11 Mars 2018, 02:15am

Publié par vertuchou

Sans cesse cette nuit
Je prendrai un poème dans les mains
le dessinerai sur ton corps femme
et y grefferai un baiser éternel

Sans ennui cette nuit peut-être
je dévoilerai ton visage à la lueur de la lune
et te scanderai quand tout s'en va et me quitte
Je me restituerai au rythme de mon coeur
pour que cessent les cris fauves
et disparaissent les ombres et meurent

Sans façon cette nuit sans doute
grandira mon poème sur tes paumes
et trembleront nos corps au milieu de la mer
quand tout le monde saura que cette nuit encore
je te voudrai ainsi et toujours

Sur ton corps cette nuit d'ailleurs
où le soir n'est que pour passer
je voguerai en douceur
je plongerai au plus profond de tes yeux
pour en faire ma demeure de tous les jours

Rachid Dziri

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Onze heures en Mars

3 Mars 2018, 02:42am

Publié par vertuchou

Rien encore, rien, sinon le forsythia pour tenir
le jour en flamme au beau milieu de la cour
cuvant les pluies et les ombres de mars
comme un ivrogne
entre les quatre murs de sa détresse, rien d’autre,
contre la grisaille et le froid, que l’exaltation
de l’amour au bord du gouffre : ce bouquet
d’abeilles en fleurs
dans le vent, rien de plus chaud entre les tempes
pour défroisser dans mes doigts engourdis
la lettre obscure du silence, y déposer
le pollen des mots
réchappés du vieil hiver et de la boue des songes.

Guy Goffette

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