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poetes d'hier

L'espérance

22 Janvier 2025, 01:18am

Publié par vertuchou

Je n'ai plus ni bonheur ni liberté,
Une seule espérance m'est restée :
Revenir un jour dans ma belle Ukraine,
Revoir une fois ma terre lointaine,
Contempler encore le Dniepr si bleu
- Y vivre ou mourir importe bien peu -,
Revoir une fois les tertres, les plaines,
Et brûler au feu des pensées anciennes...
Je n'ai plus ni bonheur ni liberté,
Une seule espérance m'est restée.

Loutsk 1880
Lessia Oukraïnka

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Résurrection

18 Janvier 2025, 01:22am

Publié par vertuchou

Et la Mort est entrée. Elle a dit : « C’est assez !
Je le veux à mon tour. Toi, viens, et toi, demeure ! » —
Puis sur le corps raidi, sur les membres glacés,
Elle a parachevé son œuvre, heure par heure.

Avec méthode, elle a d’abord terni les yeux ;
Elle a scellé la bouche, effacé le sourire.
Aux cheveux elle a pris leurs beaux reflets soyeux ;
Elle a changé la face en un masque de cire.

Rongeant sans cesse, enfin, elle a détruit la chair,
Évidé la poitrine et dénudé les hanches…
Ne laissant subsister de ce qui me fut cher
Qu’un squelette qui rit de toutes ses dents blanches…

Elle m’a dit alors : « Regarde ton amant.
À le voir sans dégoût oserais-tu prétendre ?
Il est semblable à moi sous ce déguisement,
Et, tel que le voilà, voudrais-tu le reprendre ?… »

Comme le peintre fixe avec de la couleur
Sur la toile un visage où l’âme se rallume,
Avec mon cœur ardent et ma sainte douleur
– Mais sans art – je l’ai fait revivre sous ma plume.

Entre les plus doux mots j’ai fait encore un choix
Pour recomposer mieux la radieuse image :
Ils ont brillé, ses yeux, elle a sonné, sa voix…
Et, tout entier, il a surgi de chaque page.

Et j’ai dit à la Mort : « Il est ressuscité !
Aussi beau qu’autrefois il renaît de sa cendre.
Il vit par mon amour et par ma volonté
Et, tel que le voilà, tu ne peux plus le prendre ! »

 Marie Nizet

 

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Vous pensiez que j'étais de ce genre

14 Janvier 2025, 01:17am

Publié par vertuchou

Vous pensiez que j'étais de ce genre :
Que vous pouviez m'oublier,
Et que je supplierai et pleurerai
Et que je me jetterai sous les sabots d'une jument baie,
Ou que je demanderais aux sorciers
Une potion magique à base de racines et vous enverrai un terrible cadeau :
Mon précieux mouchoir parfumé.
Maudit soit-vous ! Je ne donnerai pas à votre âme maudite
Des larmes par procuration ni un seul regard.
Et je vous le jure par le jardin des anges,
Je le jure par l'icône miraculeuse,
Et par le feu et la fumée de nos nuits :
Je ne reviendrai jamais vers vous.

Anna Akhmatova

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Paroles dans l'ombre

10 Janvier 2025, 01:13am

Publié par vertuchou

Elle disait : C’est vrai, j’ai tort de vouloir mieux ;
Les heures sont ainsi très doucement passées ;
Vous êtes là ; mes yeux ne quittent pas vos yeux,
Où je regarde aller et venir vos pensées.
Vous voir est un bonheur ; je ne l’ai pas complet.
Sans doute, c’est encor bien charmant de la sorte !
Je veille, car je sais tout ce qui vous déplaît,
À ce que nul fâcheux ne vienne ouvrir la porte ;
Je me fais bien petite, en mon coin, près de vous ;
Vous êtes mon lion, je suis votre colombe ;
J’entends de vos papiers le bruit paisible et doux ;
Je ramasse parfois votre plume qui tombe ;
Sans doute, je vous ai ; sans doute, je vous voi.
La pensée est un vin dont les rêveurs sont ivres,
Je le sais ; mais, pourtant, je veux qu’on songe à moi.
Quand vous êtes ainsi tout un soir dans vos livres,
Sans relever la tête et sans me dire un mot,
Une ombre reste au fond de mon cœur qui vous aime ;
Et, pour que je vous voie entièrement, il faut
Me regarder un peu, de temps en temps, vous-même.

                                                                Paris, octobre 18.

Victor Hugo
 

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L’espoir est la créature avec des ailes…

6 Janvier 2025, 01:59am

Publié par vertuchou

L’espoir est la créature avec des ailes
Qui se perche dans l’âme
Et chante l’air sans les paroles
Et ne s’arrête jamais.

C’est la voix la plus douce dans la rafale ;
Affreux doit être l’orage
Qui pourrait déconcerter l’oiseau
Qui réchauffait tant de monde.

Je l’ai entendu au pays le plus froid
Et sur la mer la plus étrange ;
Pourtant jamais dans la détresse
Il ne m’a demandé une miette.

Emily Dickinson

 

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Semper eadem

2 Janvier 2025, 01:18am

Publié par vertuchou

« D'où vous vient, disiez-vous, cette tristesse étrange,
Montant comme la mer sur le roc noir et nu ? »
— Quand notre cœur a fait une fois sa vendange,
Vivre est un mal. C'est un secret de tous connu,

Une douleur très simple et non mystérieuse,
Et, comme votre joie, éclatante pour tous.
Cessez donc de chercher, ô belle curieuse !
Et, bien que votre voix soit douce, taisez-vous !

Taisez-vous, ignorante ! âme toujours ravie !
Bouche au rire enfantin ! Plus encor que la Vie,
La Mort nous tient souvent par des liens subtils.

Laissez, laissez mon cœur s'enivrer d'un mensonge,
Plonger dans vos beaux yeux comme dans un beau songe,
Et sommeiller longtemps à l'ombre de vos cils !

Charles Baudelaire

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Complainte des complaintes

29 Décembre 2024, 01:58am

Publié par vertuchou

Maintenant, pourquoi ces complaintes ?
Gerbes d’ailleurs d’un défunt Moi
Où l’ivraie art mange la foi ?
Sot tabernacle où je m’éreinte
À cultiver des roses peintes ?
Pourtant ménage et sainte-table !
Ah ! ces complaintes incurables,
Pourquoi ? pourquoi ?

Puis, Gens à qui les fugues vraies
Que crie, au fond, ma riche voix
— N’est-ce pas, qu’on les sent parfois ? —
Attoucheraient sous leurs ivraies
Les violettes d’une Foi,
Vous passerez, imperméables
À mes complaintes incurables ?
Pourquoi ? pourquoi ?


Chut ! tout est bien, rien ne s’étonne.
Fleuris, ô Terre d’occasion,
Vers les mirages des Sions !
Et nous, sous l’Art qui nous bâtonne,
Sisyphes par persuasion,
Flûtant des christs les vaines fables,
Au cabestan de l’incurable
Pourquoi ! — Pourquoi ?

Jules Laforgue

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A la Femme aimée

25 Décembre 2024, 01:57am

Publié par vertuchou

Lorsque tu vins, à pas réfléchis, dans la brume,
Le ciel mêlait aux ors le cristal et l’airain.
Ton corps se devinait, ondoiement incertain,
Plus souple que la vague et plus frais que l’écume.
Le soir d’été semblait un rêve oriental
De rose et de santal.

Je tremblais. De longs lys religieux et blêmes
Se mouraient dans tes mains, comme des cierges froids.
Leurs parfums expirants s’échappaient de tes doigts
En le souffle pâmé des angoisses suprêmes.
De tes clairs vêtements s’exhalaient tour à tour
L’agonie et l’amour.

Je sentis frissonner sur mes lèvres muettes
La douceur et l’effroi de ton premier baiser.
Sous tes pas, j’entendis les lyres se briser
En criant vers le ciel l’ennui fier des poètes
Parmi des flots de sons languissamment décrus,
Blonde, tu m’apparus.

Et l’esprit assoiffé d’éternel, d’impossible,
D’infini, je voulus moduler largement
Un hymne de magie et d’émerveillement.
Mais la strophe monta bégayante et pénible,
Reflet naïf, écho puéril, vol heurté,
Vers ta Divinité.

Renée Vivien

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Refrains mélancoliques

21 Décembre 2024, 01:50am

Publié par vertuchou

I

O l'ineffable horreur des étés somnolents
Où les lilas au long des jardins s'alanguissent
Et les zéphyrs, soupirs de sistres indolents,
Sur les fleurs de rubis et d'émeraude glissent !

Car les vieilles amours s'éveillent sous les fleurs,
Et les vieux souvenirs, sous le vent qui circule,
Soulèvent leurs soupirs, échos vagues des pleurs
De la mer qui murmure en le lent crépuscule.

II

O l'indicible effroi des somnolents hivers
Où les neiges aux cieux s'en vont comme des rêves
Et les houles roulant dans les brouillards amers
Ululent en mourant, le soir, au long des grèves.

Car les vieilles amours s'engouffrent sous leurs flots
Et les vieux souvenirs râlant sous la rafale
Dans la nuit qui s'emplit de sonores sanglots
Se laissent étrangler par la Mort triomphale.

III

J'ai demandé la mort aux étés somnolents
Où les lilas au long des jardins s'alanguissent
Et les zéphyrs, soupirs de sistres indolents,
Sur les fleurs de rubis et d'émeraude glissent.

Mais oh ! les revoici, les mêmes avenirs !
Les étés ont relui sur la terre ravie,
Et les vieilles amours et les vieux souvenirs
De nouveau, pleins d'horreur, sont venus à la vie.

IV

J'ai demandé la vie aux somnolents hivers
Où les neiges aux cieux s'en vont comme des rêves
Et les houles roulant dans les brouillards amers
Ululent en mourant, le soir, au long des grèves !

Mais j'ai vu revenir les mêmes avenirs.
Les hivers ont neigé sur le sein de la terre,
Et les vieilles amours et les vieux souvenirs
De nouveau, fous d'effroi, sont morts dans le mystère.

V

Toujours vivre et mourir, revivre et remourir.
N'est-il pas de Néant très pur qui nous délivre !
Mourir et vivre, ô Temps, remourir et revivre :
Jusqu'aux soleils éteints nous faudra-t-il souffrir !


Stuart Merrill

 

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Ainsi tu vieilliras

17 Décembre 2024, 01:46am

Publié par vertuchou

Ainsi tu vieilliras loin de moi, et des peines
Que je ne saurai pas te viendront à pas lents,
Je ne scruterai pas les ombres de tes veines,
Je ne compterai pas tes premiers cheveux blancs.

Au foyer inconnu dans un fauteuil antique,
Près d’un jeune miroir tu t’assiéras, songeant,
Et parmi la douceur des ombres domestiques,
Tu seras grave et douce avec des mains d’argent.

Peut-être avec regret en te voyant moins belle,
Te rappelleras-tu ta grâce et ton éclat ?
Pour t’expliquer l’attrait de ta beauté nouvelle
Et pour te consoler je ne serai pas là.

Je ne connaîtrai pas les meubles et les choses,
Quels livres préférés seront alors les tiens.
Tu chanteras des vers, tu toucheras des roses,
Et des vers et des fleurs, moi je ne saurai rien.

Je ne percerai pas le mystère des chambres
Où tu vivras. L’oubli gardera ta maison.
Et quand l’âge à la fin te glacera les membres,
Un autre pour la mort sera ton compagnon…

Maurice Magre

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