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poetes d'hier

Poème de l'amour XXVII

10 Février 2024, 01:01am

Publié par vertuchou

Je possédais tout, mais je t’aime ;
Mon être est par moi déserté ;
Je vis distante de moi-même,
Implorant ce que j’ai été :

Songe à cette mendicité!

Est-ce ta voix ou ton silence,
Ou bien ces indulgents débats
Où, répétant ce que tu penses,
Je t’induis en tes préférences
Afin de suivre tous tes pas,
Qui me font, avec confiance,
Affirmer notre ressemblance,

O toi que je ne connais pas ?…


Anna de Noailles

 

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Parfois

6 Février 2024, 01:03am

Publié par vertuchou

Parfois les nuages
Viennent reposer les gens
D’admirer la lune

Bashô

 

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Furieusement

2 Février 2024, 01:01am

Publié par vertuchou

Je veux te prendre, toi que je tiens haletante
Contre mes seins, les yeux noirs de consentement ;
Je veux te posséder [toute] comme un amant,
Je veux te prendre jusqu’au cœur !... Je veux te prendre !...
 
Ah ! rouler ma nudité sur ta nudité,
Te fixer, te dévorer les yeux jusqu’à l’âme,
Te vouloir, te vouloir !... Et n’être qu’une femme
Sur le bord défendu de la félicité !...
 
Et m’assouvir d’une possession ingrate
Qui voudrait te combler, t’atteindre, t’éventrer,
Et qui n’est rien qu’un geste vain d’ongle fardé
Fouillant de loin ta chair profonde et délicate !.

Lucie Delarue-Mardrus

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A M. V. H.

29 Janvier 2024, 01:17am

Publié par vertuchou

Il faut, dans ce bas monde, aimer beaucoup de choses,
Pour savoir, après tout, ce qu’on aime le mieux,
Les bonbons, l’Océan, le jeu, l’azur des cieux,
Les femmes, les chevaux, les lauriers et les roses.

Il faut fouler aux pieds des fleurs à peine écloses ;
Il faut beaucoup pleurer, dire beaucoup d’adieux.
Puis le cœur s’aperçoit qu’il est devenu vieux,
Et l’effet qui s’en va nous découvre les causes.

De ces biens passagers que l’on goûte à demi,
Le meilleur qui nous reste est un ancien ami.
On se brouille, on se fuit. Qu’un hasard nous rassemble,

On s’approche, on sourit, la main touche la main,
Et nous nous souvenons que nous marchions ensemble,
Que l’âme est immortelle, et qu’hier c’est demain.

Alfred de Musset

 

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Le Soleil Levant

25 Janvier 2024, 01:14am

Publié par vertuchou

Jeune déesse au teint vermeil,
Que l’Orient révère,
Aurore, fille du Soleil,
Qui nais devant ton père,
Viens soudain me rendre le jour,
Pour voir l’objet de mon amour.

Certes, la nuit a trop duré ;
Déjà les coqs t’appellent :
Remonte sur ton char doré,
Que les Heures attellent,
Et viens montrer à tous les yeux
De quel émail tu peins les cieux.

Mouille promptement les guérets
D’une fraîche rosée,
Afin que la soif de Cérès
En puisse être apaisée,
Et fais qu’on voie en cent façons
Pendre tes perles aux buissons.

Ha ! je te vois, douce clarté,
Tu sois la bien venue :
Je te vois, céleste beauté,
Paraître sur la nue,
Et ton étoile en arrivant
Blanchit les coteaux du levant.

Le silence et le morne roi
Des visions funèbres
Prennent la fuite devant toi
Avec les ténèbres,
Et les hiboux qu’on oit gémir
S’en vont chercher place à dormir.

Mais, au contraire, les oiseaux
Qui charment les oreilles
Accordent au doux bruit des eaux
Leurs gorges non pareilles
Célébrant les divins appas
Du grand astre qui suit tes pas.

La Lune, qui le voit venir,
En est toute confuse ;
Sa lueur, prête à se ternir,
A nos yeux se refuse,
Et son visage, à cet abord,
Sent comme une espèce de mort.

Le chevreuil solitaire et doux,
Voyant sa clarté pure
Briller sur les feuilles des houx
Et dorer leur verdure,
Sans nulle crainte de veneur,
Tâche à lui faire quelque honneur

Le cygne, joyeux de revoir
Sa renaissante flamme,
De qui tout semble recevoir
Chaque jour nouvelle âme,
Voudrait, pour chanter ce plaisir,
Que la Parque le vînt saisir….

L’abeille, pour boire des pleurs,
Sort de sa ruche aimée,
Et va sucer l’âme des fleurs
Dont la plaine est semée ;
Puis de cet aliment du ciel
Elle fait la cire et le miel.

Le gentil papillon la suit
D’une aile trémoussante,
Et, voyant le soleil qui luit,
Vole de plante en plante,
Pour les avertir que le jour
En ce climat est de retour.

Là, dans nos jardins embellis
De mainte rare chose,
Il porte de la part du lys
Un baiser à la rose,
Et semble, en messager discret,
Lui dire un amoureux secret.

Au même temps, il semble à voir
Qu’en éveillant ses charmes,
Cette belle lui fait savoir,
Le teint baigné de larmes,
Quel ennui la va consumant
D’être si loin de son amant.

Marc-Antoine Girard de Saint-Amant, 1634

 

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Viens lentement

21 Janvier 2024, 01:13am

Publié par vertuchou

Viens lentement—Éden !
Des lèvres pas habituées à Toi—
Timorées—sirotent tes Jasmins
Comme l’Abeille se pâmant—
Arrivée tardivement à sa fleur,
Bourdonne autour de sa chambre—
Estime ses délices—
Pénètre—et s’abîme dans les Baumes.

Émilie Dickinson

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Allons plus vite

17 Janvier 2024, 01:00am

Publié par vertuchou


Et le soir vient et les lys meurent
Regarde ma douleur beau ciel qui me l’envoies
Une nuit de mélancolie

Enfant souris ô sœur écoute
Pauvres marchez sur la grand-route
Ô menteuse forêt qui surgis à ma voix
Les flammes qui brûlent les âmes

Sur le boulevard de Grenelle
Les ouvriers et les patrons
Arbres de mai cette dentelle
Ne fais donc pas le fanfaron
Allons plus vite nom de Dieu
Allons plus vite

Tous les poteaux télégraphiques
Viennent là-bas le long du quai
Sur son sein notre République
A mis ce bouquet de muguet
Qui poussait dru le long du quai
Allons plus vite nom de Dieu
Allons plus vite

La bouche en cœur Pauline honteuse
Les ouvriers et les patrons
Oui-dà oui-dà belle endormeuse
Ton frère
Allons plus vite nom de Dieu
Allons plus vite

Guillaume Apollinaire

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Appel

13 Janvier 2024, 01:58am

Publié par vertuchou

Je n'ai pu contenter mon âme inassouvie
Avec toute la vie.

Je n'ai pu contenter mon corps inapaisé
Avec tout le baiser.

Le désir éternel qui gémit dans mon être
N'a pas trouvé son maître.

Et rien ne fera taire en mon âme et mon corps
La voix qui crie : Encore!....Encore!...

Lucie Delarue-Mardrus

 

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Oreiller d'herbes

9 Janvier 2024, 01:24am

Publié par vertuchou

En sortant par la porte, j'ai eu de nombreuses pensées.
Le vent du printemps soulève mes vêtements,
Des herbes parfumées poussent sur des traces de roues.
Le chemin abandonné s'enfonce dans le brouillard.
Je m'arrête m'appuyant sur ma canne et regarde à l'entour,
La nature entière brille.
J'entends le doux roucoulement des rossignols
Je vois une pluie de pétales tomber.
Là où s'épuise le chemin, s'étend la plaine.
Je note un poème sur la porte d'un vieux temple.
La solitude s'étend jusqu'à la limite des nuages.
Une oie sauvage traverse le ciel pour retourner au pays.
Que le coeur est profond et serein.
Dans mon extase j'oublie ce qui distingue le bien et le mal.
J'ai dépassé la trentaine et j'entre dans la vieillesse.
Le paysage printanier est toujours tendre.
Je me promène en suivant la mutation de la nature.
Je me trouve imperturbablement face aux fleurs parfumées.

Le chrysanthème à la fenêtre
est sans couleur encore
Mais voici l'aurore

Natsume Sôseki

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La vie profonde

5 Janvier 2024, 01:22am

Publié par vertuchou

Être dans la nature ainsi qu'un arbre humain,
Étendre ses désirs comme un profond feuillage,
Et sentir, par la nuit paisible et par l'orage,
La sève universelle affluer dans ses mains.

Vivre, avoir les rayons du soleil sur la face,
Boire le sel ardent des embruns et des pleurs,
Et goûter chaudement la joie et la douleur
Qui font une buée humaine dans l'espace.

Sentir, dans son cœur vif, l'air, le feu et le sang
Tourbillonner ainsi que le vent sur la terre ;
— S'élever au réel et pencher au mystère,
Être le jour qui monte et l'ombre qui descend.

Comme du pourpre soir aux couleurs de cerise,
Laisser du cœur vermeil couler la flamme et l'eau,
Et comme l'aube claire appuyée au coteau
Avoir l'âme qui rêve, au bord du monde assise...

Anna de Noailles

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