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poetes d'hier

Confession

4 Mai 2025, 00:26am

Publié par vertuchou

Je t’aime comme on aime vivre,
À mon insu, et cependant
Avec ce sens craintif, prudent,
Qu’ont surtout les cœurs les plus ivres !

J’ai douté de toi, mon amour.
Quelle que soit ta frénésie.
Puisqu’il faut qu’il existe un jour
Au loin, où, ni la poésie,

Ni les larmes, ni la fureur,
Ni cette vaillance guerrière
Qui criait au Destin : « Arrière ! »
N’agiront contre ce qui meurt.


Jamais je ne fus vraiment sûre
De te voir, quand je te voyais :
Ce grand doute sur ce qui est
C’est la plus fervente blessure !

Tu sais, on ne peut exprimer
Ces instinctives épouvantes :
J’ai peur de n’être pas vivante
Dès que tu cesses de m’aimer !

Anna de Noailles

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Chanson à dormir

30 Avril 2025, 00:29am

Publié par vertuchou

Si je te perds un jour,
pourras-tu dormir alors
sans que tel le feuillage d'un tilleul
je bruisse à peine, penché sur toi?

Sans que je veille et dépose
des mots, des paupières presque,
sur tes seins, sur tes membres,
et sur ta bouche.

Sans que je te close
et te laisse seule avec ce qui t'appartient,
comme un jardin où poussent à foison
la mélisse et l'anis étoilé.

Rainer Maria Rilke

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Devant le ciel de ma vie

24 Avril 2025, 01:32am

Publié par vertuchou

Devant le ciel de ma vie je me tiens
ignorant, m’étonnant. La grandeur des étoiles.
Ce qui monte, descend. Dans quel silence.
Suis-je vraiment ? Ai-je une part ? Ou échappé-je
au pur influx ? Les marées dans mon sang
suivent-elles cet ordre ? Oh, j’ai désir
de rejeter tous les désirs, et toute attache,
d’habituer mon cœur au plus lointain. Mieux vaut
pour lui vivre en l’effroi de ses étoiles
que sous un faux abri, et par le proche rassuré.

Rainer Maria Rilke

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Compagne savoureuse et bonne

20 Avril 2025, 01:54am

Publié par vertuchou

Compagne savoureuse et bonne
À qui j'ai confié le soin
Définitif de ma personne,
Toi mon dernier, mon seul témoin,
Viens çà, chère, que je te baise,
Que je t'embrasse long et fort,
Mon cœur près de ton cœur bat d'aise
Et d'amour pour jusqu'à la mort :
Aime-moi,
Car, sans toi,
Rien ne puis,
Rien ne suis.

Je vais gueux comme un rat d'église
Et toi tu n'as que tes dix doigts ;
La table n'est pas souvent mise
Dans nos sous-sols et sous nos toits ;
Mais jamais notre lit ne chôme,
Toujours joyeux, toujours fêté
Et j'y suis le roi du royaume
De ta gaîté, de ta santé !
Aime-moi,
Car, sans toi,
Rien ne puis,
Rien ne suis.

Après nos nuits d'amour robuste
Je sors de tes bras mieux trempé,
Ta riche caresse est la juste,
Sans rien de ma chair de trompé,
Ton amour répand la vaillance
Dans tout mon être, comme un vin,
Et, seule, tu sais la science
De me gonfler un cœur divin.
Aime-moi,
Car, sans toi,
Rien ne puis,
Rien ne suis.

Qu'importe ton passé, ma belle,
Et qu'importe, parbleu ! le mien :
Je t'aime d'un amour fidèle
Et tu ne m'as fait que du bien.
Unissons dans nos deux misères
Le pardon qu'on nous refusait
Et je t'étreins et tu me serres
Et zut au monde qui jasait !
Aime-moi,
Car, sans toi,
Rien ne puis,
Rien ne suis.

Paul Verlaine.

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Un soir que je regardais le ciel

16 Avril 2025, 01:59am

Publié par vertuchou

Elle me dit, un soir, en souriant :
- Ami, pourquoi contemplez-vous sans cesse
Le jour qui fuit, ou l'ombre qui s'abaisse,
Ou l'astre d'or qui monte à l'orient ?
Que font vos yeux là-haut ? je les réclame.
Quittez le ciel; regardez dans mon âme !

Dans ce ciel vaste, ombre où vous vous plaisez,
Où vos regards démesurés vont lire,
Qu'apprendrez-vous qui vaille mon sourire ?
Qu'apprendras-tu qui vaille nos baisers ?
Oh! de mon coeur lève les chastes voiles.
Si tu savais comme il est plein d'étoiles !

Que de soleils ! vois-tu, quand nous aimons,
Tout est en nous un radieux spectacle.
Le dévouement, rayonnant sur l'obstacle,
Vaut bien Vénus qui brille sur les monts.
Le vaste azur n'est rien, je te l'atteste ;
Le ciel que j'ai dans l'âme est plus céleste !

C'est beau de voir un astre s'allumer.
Le monde est plein de merveilleuses choses.
Douce est l'aurore et douces sont les roses.
Rien n'est si doux que le charme d'aimer !
La clarté vraie et la meilleure flamme,
C'est le rayon qui va de l'âme à l'âme !

L'amour vaut mieux, au fond des antres frais,
Que ces soleils qu'on ignore et qu'on nomme.
Dieu mit, sachant ce qui convient à l'homme,
Le ciel bien loin et la femme tout près.
Il dit à ceux qui scrutent l'azur sombre :
"Vivez ! aimez ! le reste, c'est mon ombre !"

Aimons ! c'est tout. Et Dieu le veut ainsi.
Laisse ton ciel que de froids rayons dorent !
Tu trouveras, dans deux yeux qui t'adorent,
Plus de beauté, plus de lumière aussi !
Aimer, c'est voir, sentir, rêver, comprendre.
L'esprit plus grand s'ajoute au coeur plus tendre.

Viens, bien-aimé ! n'entends-tu pas toujours
Dans nos transports une harmonie étrange ?
Autour de nous la nature se change
En une lyre et chante nos amours.
Viens ! aimons-nous ! errons sur la pelouse
Ne songe plus au ciel ! j'en suis jalouse ! -

Ma bien-aimée ainsi tout bas parlait,
Avec son front posé sur sa main blanche,
Et l’œil rêveur d'un ange qui se penche,
Et sa voix grave, et cet air qui me plaît ;
Belle et tranquille, et de me voir charmée,
Ainsi tout bas parlait ma bien-aimée.

Nos cœurs battaient ; l'extase m'étouffait ;
Les fleurs du soir entr'ouvraient leurs corolles ...
Qu'avez-vous fait, arbres, de nos paroles ?
De nos soupirs, rochers, qu'avez-vous fait ?
C'est un destin bien triste que le nôtre,
Puisqu'un tel jour s'envole comme un autre !

O souvenirs ! trésor dans l'ombre accru !
Sombre horizon des anciennes pensées !
Chère lueur des choses éclipsées !
Rayonnement du passé disparu !
Comme du seuil et du dehors d'un temple,
L'oeil de l'esprit en rêvant vous contemple !

Quand les beaux jours font place aux jours amers,
De tout bonheur il faut quitter l'idée ;
Quand l'espérance est tout à fait vidée,
Laissons tomber la coupe au fond des mers.
L'oubli ! l'oubli ! c'est l'onde où tout se noie ;
C'est la mer sombre où l'on jette sa joie.

Victor Hugo

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Tous mes pensers parlent d’Amour

12 Avril 2025, 01:19am

Publié par vertuchou

Tous mes pensers parlent d’Amour
De leurs voix discordantes:
En sa puissance l’un m’appelle,
L’autre me dit que sa force est folie ;
L’un de l’espoir m’apporte la douceur,
Souvent l’autre me fait pleurer,
Mais tous, tremblant dedans mon cœur,
Ne s’accordent qu’à crier pitié.
Aussi ne sais-je à quelle source prendre,
Perdu dans l’amoureuse errance
Je voudrais dire et je ne sais que dire.

Dante Alighieri

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Dans vos yeux

8 Avril 2025, 01:56am

Publié par vertuchou

Dans vos yeux
J'ai lu l'aveu de votre âme
En caractères de flamme
Et je m'en suis allé joyeux
Bornant alors mon espace
Au coin d'horizon qui passe
Dans vos yeux.

Dans vos yeux
J'ai vu s'amasser l'ivresse
Et d'une longue caresse
J'ai clos vos grands cils soyeux.
Mais cette ivresse fut brève
Et s'envola comme un rêve
De vos yeux.

Dans vos yeux
Profonds comme des abîmes
J'ai souvent cherché des rimes
Aux lacs bleus et spacieux
Et comme en leurs eaux sereines
J'ai souvent noyé mes peines
Dans vos yeux.

Dans vos yeux
J'ai vu rouler bien des larmes
Qui m'ont mis dans les alarmes
Et m'ont rendu malheureux.
J'ai vu la trace des songes
Et tous vos petits mensonges
Dans vos yeux.

Dans vos yeux
Je ne vois rien à cette heure
Hors que l'Amour est un leurre
Et qu'il n'est plus sous les cieux
D'amante qui soit fidèle
A sa promesse... éternelle
Dans vos yeux.


Gaston Couté

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Adieu!

4 Avril 2025, 01:52am

Publié par vertuchou

" She* bas departed! "
L. Byron


Fragment

Noirs autans. Ah! cessez de souffler la tempête
Et d'enfanter les pleurs! Qu'un ciel limpide et pur
De l'aurore au couchant s'étende sur sa tête
Que l'onde à ses pieds soit d'azur!

En murmurant son nom que la vague se brise!
Et que, resplendissant des derniers feux du jour,
Le flot s'unisse au flot et la brise à la brise
Pour bercer ses rêves d'amour!

Et toi, rapide nef, qui quittes ce rivage
Où la lame écumante au chant de ma douleur
Mêle sa voix plaintive, ô douloureuse image
De l'espoir qu'a vu fuir mon coeur! ...

......................................
Juillet 1858.

* Em. Sul.

Stéphane Mallarmé

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Aux abeilles

31 Mars 2025, 01:28am

Publié par vertuchou

Voici du romarin, des graines de pavots,
Du trèfle, un plant de thym et des fleurs de pêcher
Et quelques raisins secs sur les pampres nouveaux.
Chères abeilles, c'est pour vous. Que vos travaux
Se poursuivent en paix sous un limpide ciel,
Que le fermier qui construisit votre rucher
Avec Pan, votre ami, savoure votre miel
Et lorsqu'il saisira, entouré de fumées,
Vos beaux rayons, que sa main sage,ô bien aimées,
Vous laisse avant l'hiver, pour prix de tant d'efforts,
Une petite part de vos propres tésors.

Zonas de Sarde

Extrait traduit par Marguerite Yourcenar

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Les séparés

27 Mars 2025, 01:53am

Publié par vertuchou

N’écris pas. Je suis triste, et je voudrais m’éteindre.
Les beaux étés sans toi, c’est la nuit sans flambeau.
J’ai refermé mes bras qui ne peuvent t’atteindre,
Et frapper à mon coeur, c’est frapper au tombeau.
N’écris pas !

N’écris pas. N’apprenons qu’à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu’à Dieu… qu’à toi, si je t’aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m’aimes,
C’est entendre le ciel sans y monter jamais.
N’écris pas !

N’écris pas. Je te crains ; j’ai peur de ma mémoire ;
Elle a gardé ta voix qui m’appelle souvent.
Ne montre pas l’eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
N’écris pas !

N’écris pas ces doux mots que je n’ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon coeur ;
Que je les vois brûler à travers ton sourire ;
Il semble qu’un baiser les empreint sur mon coeur.
N’écris pas !

Marceline Desbordes-Valmore

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