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poetes d'hier

Baiser

21 Octobre 2024, 01:49am

Publié par vertuchou

Renverse-toi que je prenne ta bouche,
Calice ouvert, rouge possession,
Et que ma langue où vit ma passion
Entre tes dents s'insinue et te touche :


C'est une humide et molle profondeur,
Douce à mourir, où je me perds et glisse ;
C'est un abîme intime, clos et lisse,
Où mon désir s'enfonce jusqu'au coeur...


- Ah ! puisse aussi t'atteindre au plus sensible,
Dans son ampleur et son savant détail,
Ce lent baiser, seule étreinte possible,
Fait de silence et de tiède corail ;


Puissé-je voir enfin tomber ta tête
Vaincue, à bout de sensualité,
Et détournant mes lèvres, te quitter,
Laissant au moins ta bouche satisfaite !...

Lucie Delarue-Mardrus

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Seulette

17 Octobre 2024, 01:46am

Publié par vertuchou

Seulette suis, et seulette veux être,
Seulette m'a mon doux ami laissée.
Seulette suis, sans compagnon ni maître,
Seulette suis, dolente et courroucée,
Seulette suis, en langueur malaisée,
Seulette suis, plus que nulle égarée,
Seulette suis, sans ami demeurée.

Seulette suis, à huis ou à fenêtre,
Seulette suis, en un anglet muciée,
Seulette suis, pour moi de pleurs repaître,
Seulette suis, dolente ou apaisée,
Seulette suis, rien qui tant messiée,
Seulette suis, en ma chambre enserrée,
Seulette suis, sans ami demeurée.

Seulette suis, partout et en tout aître,
Seulette suis, que je marche ou je siée,
Seulette suis, plus qu'autre rien terrestre,
Seulette suis, de chacun délaissée,
Seulette suis, durement abaissée,
Seulette suis, souvent toute éplorée,
Seulette suis, sans ami demeurée.

Princes, or est ma douleur commencée :
Seulette suis, de tout deuil menacée,

Seulette suis, plus teinte que morée,
Seulette suis, sans ami demeurée.

Christine de Pisan

 

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Baiser

13 Octobre 2024, 01:40am

Publié par vertuchou

Baiser au front — c'est effacer l'ennui.
Je baise au front.
Baiser les yeux — c'est tuer l'insomnie.
Je baise les yeux.
Baiser les lèvres — c'est donner à boire.
Je baise les lèvres.
Baiser au front — c'est effacer la mémoire.
Je baise au front.

Marina Tsetaïeva

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Haïku

9 Octobre 2024, 01:33am

Publié par vertuchou

De temps en temps
les nuages nous reposent
de tant regarder la lune.

Bashô

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Poème d'amour

5 Octobre 2024, 01:30am

Publié par vertuchou

J’ai travesti, pour te complaire,
Ma véhémence et mon émoi
En un cœur lent et sans colère.

Mais ce qui m’importe le plus
Depuis l’instant où tu m’as plu,
C’est d’être un jour lasse de toi !

— Je perds mon appui et mon aide,
Tant tu me hantes et m’obsèdes
Et me deviens essentiel !
Je ne vois la vie et le ciel
Qu’à travers le vitrail léger
Qu’est ton nuage passager.
— Je souffre, et mon esprit me blâme,
Je hais ce harassant désir !
Car il est naturel à l’âme
De vivre seule et d’en jouir…

Anna de Noailles

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La Solitude des femmes

1 Octobre 2024, 01:28am

Publié par vertuchou

As-tu peur ? Te voici seule avec le silence...
Aucun souffle... aucun pas... nulle voix et nul bruit...
Seule comme une fleur que nul vent ne balance,
Seule avec ton parfum et ton rêve et la nuit.

As-tu peur ? Te voici seule avec la ténèbre,
Seule comme une morte au fond de son tombeau ;
Tout est pesant et noir, taciturne et funèbre
Malgré l’amour si proche et le bonheur si beau.

As-tu peur ? Te voici toute seule avec l’ombre,
Seule comme une étoile au moment du matin ;
Comme un papillon d’or au fond d’un jardin sombre
Se meurt en palpitant pour son soleil lointain...

Te voici toute seule avec ton cœur sauvage
Qui se débat et bat son humane prison,
Seule avec ce tourment qui rôde et te ravage,
Perpétuel orage autour de ta raison.

Te voici seule, ô belle, ô douce, à jamais seule ;
Et malgré ta jeunesse et tes yeux triomphants,
Oui, déjà seule ainsi qu’une très vieille aïeule
Qui aurait vu partir tous ses petits-enfants

Seule, ô force d’amour, ô vivante, ô féconde,
Car rien n’apaisera ta soif de l’éternel,
Car ton plus rauque cri de volupté profonde,
Ce cri désespéré, n’est encore qu’un appel.

L’homme ne comprend pas ton étrange détresse ;
L’élan de ta douleur toujours se brise en vain...
Et, femelle en qui souffre une grande déesse,
Tu rêves au réveil qui te sera divin.

Marie de Heredia

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L'enterrement

27 Septembre 2024, 01:26am

Publié par vertuchou

Je ne sais rien de gai comme un enterrement !
Le fossoyeur qui chante et sa pioche qui brille,
La cloche, au loin, dans l'air, lançant son svelte trille,
Le prêtre, en blanc surplis, qui prie allégrement,
 
L'enfant de chœur avec sa voix fraîche de fille,
Et quand, au fond du trou, bien chaud, douillettement,
S'installe le cercueil, le mol éboulement,
De la terre, édredon du défunt, heureux drille.
 
Tout cela me paraît charmant, en vérité !
Et puis, tout rondelets sous leur frac écourté,
Les croque-morts au nez rougi par les pourboires,
 
Et puis les beaux discours concis, mais pleins de sens,
Et puis, cœurs élargis, fronts où flotte une gloire,
Les héritiers resplendissants !
 
Paul Verlaine

 

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Pervigilium mortis

23 Septembre 2024, 01:19am

Publié par vertuchou

Ouvre sur moi tes yeux si tristes et si tendres,
Miroirs de mon étoile, asiles éclairés,
Tes yeux plus solennels de se voir adorés,
Temples où le silence est le secret d'entendre.

Quelle île nous conçut des strophes de la mer ?
Onde où l'onde s'enroule à la houle d'une onde,
Les vagues de nos soirs expirent sur le monde
Et regonflent en nous leurs eaux couleur de chair.

Un souffle d'île heureuse et de santal soulève
Tes cheveux, innombrables ailes, et nous fuit
De la nuit à la rose, arôme, dans la nuit,
Par delà ton sein double et pur, Delphes du rêve.

Parle. Ta voix s'incline avec ta bouche. Un dieu
Lui murmure les mots de la mélancolie
Hâtive d'être aimée autant qu'elle est jolie
Et qui dans les ferveurs sent frémir les adieux.

Ta voix, c'est le soupir d'une enfance perdue.
C'est ta fragilité qui vibre de mourir.
C'est ta chair qui, toujours plus fière de fleurir,
Toujours se croit dans l'ombre à demi descendue.

Enlaçons-nous. Le vent vertigineux des jours
Arrache la corolle avant la feuille morte.
Le vent qui tourne autour de la vie et l'emporte
Sans vaincre nos désirs peut rompre nos amours.

Et s'il veut nous ravir à la vertu d'éclore,
Que nous restera-t-il de ce jour surhumain ?
La fièvre du front lourd, trop lourd pour une main,
Et le songe, qui meurt brusquement à l'aurore.

II

- Nous mourrons lentement. Je meurs dès aujourd'hui.
Mon regard éperdu va perdre sa lumière,
Ma voix d'enfant, ma voix pâlira la première,
Mon rire, mon sourire et l'amour avec lui.

Dis ! quel amour futur, simple frère du nôtre,
Goûtera la fraîcheur de tout ce qui nous plut ?
Qui sentira brûlants, quand nous ne serons plus,
Les vers qu'entre nos bras nous fîmes l'un pour l'autre ?

Périr ! Et le savoir ! N'attendre que l'effroi !
Regarde s'étoiler mes jeunes doigts funèbres.
Je touche en me haussant les ailes des ténèbres.
par quel matin d'hiver crierai-je que j'ai froid ?

Aurore qui grandit, crépuscule qui tombe,
Sur mon être au linceul, déjà presque enterré,
Les orgues rugiront du ciel : Dies Irae !
Et les fleurs de mon lit me suivront sur la tombe.

Non ! Pas encor ! Ce soir nous exalte en sursaut !
Ferme sur toute moi, sur moi, ton bras qui tremble !
Nos deux corps, nos deux cœurs, nos deux bouches ensemble !
Ah ! je vis !... Tout est chaud ! Tout est chaud ! Tout est chaud !

III

- Nul ne peut abolir que par un jour d'automne,
Moi qui t'étreins ici, je ne t'aie emporté
L'encens, la myrrhe et l'or de ta divinité,
Le beau sang d'Aphrodite et le sang de Latone.

Nul ne peut, lorsqu'Amour se fit chair, menacer
Ni verbe ni mutisme oublieux ou vivace.
Le rhythme de deux cœurs frappe et marque la trace
De deux pas, sur le sol, sur le roc, du passé.

Que la mort, désormais, de ses mains maternelles,
T'épargne les douleurs de tes lointains hivers :
Le Temps même ne peut faire mourir un vers
Au chérissant esprit que penchent tes prunelles.

Comme au jour d'alliance où tu vins et pleuras
Sur nos destins épars, sur notre vie en cendres,
Ouvre sur moi tes yeux si tristes et si tendres :
J'enferme le bonheur tout entier dans mes bras. "

IV

Psyché, ma sœur, écoute immobile, et frissonne...
Le bonheur vient, nous touche et nous parle à genoux.
Pressons nos mains. Sois grave. Écoute encor... Personne
N'est plus heureux, ce soir, n'est plus divin que nous.

Une immense tendresse attire à travers l'ombre
Nos yeux presque fermés. Que reste-t-il encor
Du baiser qui s'apaise et du soupir qui sombre ?
La vie a retourné notre sablier d'or.

C'est notre heure éternelle, éternellement grande,
L'heure qui va survivre à l'éphémère amour,
Comme un voile embaumé de rose et de lavande
Conserve après cent ans la jeunesse d'un jour.

Plus tard, ô ma beauté, quand des nuits étrangères
Auront passé sur vous qui ne m'attendrez plus,
Quand d'autres, s'il se peut, amie aux mains légères,
Jaloux de mon prénom, toucheront vos pieds nus,

Rappelez-vous qu'un soir nous vécûmes ensemble
L'heure unique où les dieux accordent, un instant,
À la tête qui penche, à l'épaule qui tremble,
L'esprit pur de la vie en fuite avec le temps.

Rappelez-vous qu'un soir, couchés sur notre couche
En caressant nos doigts frémissants de s'unir,
Nous avons échangé de la bouche à la bouche
La perle impérissable où dort le Souvenir.

Pierre Louÿs

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Les Tendres Souhaits

19 Septembre 2024, 01:17am

Publié par vertuchou

Que ne suis-je la fougère,
Où, sur la fin d'un beau jour,
Se repose ma bergère,
Sous la garde de l'amour ?
Que ne suis-je le zéphyre
Qui rafraîchit ses appas,
L'air que sa bouche respire,
La fleur qui naît sous ses pas ?

Que ne suis-je l'onde pure
Qui la reçoit en son sein ?
Que ne suis-je la parure
Qui la couvre après le bain ?
Que ne suis-je cette glace,
Où son minois répété,
Offre à nos yeux une grâce
Qui sourit à la beauté ?

Que ne puis-je par un songe,
Tenir son cœur enchanté ?
Que ne puis-je du mensonge
Passer à la vérité ?
Les dieux qui m'ont donné l'être,
M'ont fait trop ambitieux.
Car enfin je voudrais être,
Tout ce qui plaît à ses yeux !

Charles-Henri Rebouté

 

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Le héron

15 Septembre 2024, 01:14am

Publié par vertuchou

Un jour, sur ses longs pieds, allait, je ne sais où,
Le Héron au long bec emmanché d'un long cou.
Il côtoyait une rivière.
L'onde était transparente ainsi qu'aux plus beaux jours ;
Ma commère la Carpe y faisait mille tours
Avec le Brochet son compère.
Le Héron en eût fait aisément son profit :
Tous approchaient du bord ; l'oiseau n'avait qu'à prendre.
Mais il crut mieux faire d'attendre
Qu'il eût un peu plus d'appétit :
Il vivait de régime, et mangeait à ses heures.
Après quelques moments, l'appétit vint : l'Oiseau, S'approchant du bord, vit sur l'eau
Des tanches qui sortaient du fond de ces demeures.
Le mets ne lui plut pas ; il s'attendait à mieux,
Et montrait un goût dédaigneux,
Comme le Rat du bon Horace.
« Moi, des tanches ! dit il, moi, Héron, que je fasse
Une si pauvre chère ? Et pour qui me prend on ? »
La tanche rebutée, il trouva du goujon.
« Du goujon ! c'est bien là le dîner d'un Héron !
J'ouvrirais pour si peu le bec ! aux Dieux ne plaise !»
Il l'ouvrit pour bien moins : tout alla de façon
Qu'il ne vit plus aucun poisson.
La faim le prit : il fut tout heureux et tout aise
De rencontrer un limaçon.

Ne soyons pas si difficiles :
Les plus accommodants, ce sont les plus habiles ;
On hasarde de perdre en voulant trop gagner.
Gardez vous de rien dédaigner,
Surtout quand vous avez à peu près votre compte.
Bien des gens y sont pris. Ce n'est pas aux hérons
Que je parle ; écoutez, humains, un autre conte :
Vous verrez que chez vous j'ai puisé ces leçons.

Jean de La Fontaine

 

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