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poetes d'hier

Qui dira ma robe fourrée

30 Avril 2018, 02:09am

Publié par vertuchou

Qui dira ma robe fourrée
De la belle pluie dorée
Qui Daphnés enclose ébranla :
Je ne sais rien moins, que cela.

Qui dira qu'à plusieurs je tends
Pour en avoir mon passetemps,
Prenant mon plaisir çà, et là :
Je ne sais rien moins, que cela.

Qui dira que t'ai révélé
Le feu long temps en moi celé
Pour en toi voir si force il a :
Je ne sais rien moins, que cela.

Qui dira que, d'ardeur commune
Qui les jeunes gens importune,
De toi je veux... et puis holà !
Je ne sais rien moins, que cela.

Mais qui dira que la Vertu,
Dont tu es richement vêtu,
En ton amour m'étincela :
Je ne sais rien mieux, que cela.

Mais qui dira que d'amour sainte
Chastement au coeur suis atteinte,
Qui mon honneur onc ne foula :
Je ne sais rien mieux, que cela.

Pernette du Guillet

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Mon Dieu, que j'aime à baiser les beaux yeux

26 Avril 2018, 02:38am

Publié par vertuchou

Mon Dieu, que j'aime à baiser les beaux yeux
De ma maîtresse, et à tordre en ma bouche
De ses cheveux l'or fin qui s'escarmouche
Si gaiement dessus deux petits cieux !

C'est à mon gré le meilleur de son mieux
Que ce bel oeil, qui jusqu'au coeur me touche,
Dont le beau noeud d'un Scythe plus farouche
Rendrait le coeur courtois et gracieux.

Son beau poil d'or, et ses sourcils encore
De leurs beautés font vergogner l'Aurore,
Quand au matin elle embellit le jour.

Dedans son oeil une vertu demeure,
Qui va jurant par les flèches d'Amour
De me guérir ; mais je ne m'en assure.

Pierre de Ronsard

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Je ne sais comment je dure

22 Avril 2018, 02:49am

Publié par vertuchou

Je ne sais comment je dure ;
Car mon dolent (1) cœur fond d’ire (2),
Et plaindre n’ose, ni dire
Ma douloureuse aventure,

Ma dolente vie obscure (3),
Rien, hors la mort, ne désire ;
Je ne sais comment je dure.

Et me faut par couverture (4)
Chanter quand mon cœur soupire,
Et faire semblant de rire ;
Mais Dieu sait ce que j’endure ;
Je ne sais comment je dure.

1. Souffrant
2. Chagrin, douleur, colère
3. Sombre, triste.
4. Par dissimulation.

Christine de Pisan

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Toute grâce et toutes nuances

18 Avril 2018, 02:23am

Publié par vertuchou

Toute grâce et toutes nuances
Dans l'éclat doux de ses seize ans,
Elle a la candeur des enfances
Et les manèges innocents.

Ses yeux, qui sont les yeux d'un ange,
Savent pourtant, sans y penser,
Éveiller le désir étrange
D'un immatériel baiser.

Et sa main, à ce point petite
Qu'un oiseau-mouche n'y tiendrait,
Captive sans espoir de fuite,
Le cœur pris par elle en secret.

L'intelligence vient chez elle
En aide à l'âme noble ; elle est
Pure autant que spirituelle :
Ce qu'elle a dit, il le fallait

Et si la sottise l'amuse
Et la fait rire sans pitié,
Elle serait, étant la muse,
Clémente jusqu'à l'amitié,

Jusqu'à l'amour - qui sait ? peut-être,
A l'égard d'un poète épris
Qui mendierait sous sa fenêtre,
L'audacieux ! un digne prix

De sa chanson bonne ou mauvaise !
Mais témoignant sincèrement,
Sans fausse note et sans fadaise,
Du doux mal qu'on souffre en aimant

Paul Verlaine

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Avril

14 Avril 2018, 02:14am

Publié par vertuchou

Déjà les beaux jours, - la poussière,
Un ciel d'azur et de lumière,
Les murs enflammés, les longs soirs ; -
Et rien de vert : - à peine encore
Un reflet rougeâtre décore
Les grands arbres aux rameaux noirs !

Ce beau temps me pèse et m'ennuie.
- Ce n'est qu'après des jours de pluie
Que doit surgir, en un tableau,
Le printemps verdissant et rose,
Comme une nymphe fraîche éclose
Qui, souriante, sort de l'eau.

Gérard de Nerval

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Sonnet

10 Avril 2018, 02:12am

Publié par vertuchou

(Pour votre chère morte, son ami.)

2 novembre 1877

Sur les bois oubliés quand passe l'hiver sombre
Tu te plains, ô captif solitaire du seuil,
Que ce sépulcre à deux qui fera notre orgueil
Hélas! du manque seul des lourds bouquets s'encombre.

Sans écouter Minuit qui jeta son vain nombre,
Une veille t'exalte à ne pas fermer l'oeil
Avant que dans les bras de l'ancien fauteuil
Le suprême tison n'ait éclairé mon Ombre.

Qui veut souvent avoir la Visite ne doit
Par trop de fleurs charger la pierre que mon doigt
Soulève avec l'ennui d'une force défunte.

Ame au si clair foyer tremblante de m'asseoir,
Pour revivre il suffit qu'à tes lèvres j'emprunte
Le souffle de mon nom murmuré tout un soir.

 

 

Stéphane Mallarmé

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Souvenir

6 Avril 2018, 02:46am

Publié par vertuchou


En vain le jour succède au jour,
Ils glissent sans laisser de trace ;
Dans mon âme rien ne t'efface,
Ô dernier songe de l'amour !

Je vois mes rapides années
S'accumuler derrière moi,
Comme le chêne autour de soi
Voit tomber ses feuilles fanées.

Mon front est blanchi par le temps ;
Mon sang refroidi coule à peine,
Semblable à cette onde qu'enchaîne
Le souffle glacé des autans.

Mais ta jeune et brillante image,
Que le regret vient embellir,
Dans mon sein ne saurait vieillir
Comme l'âme, elle n'a point d'âge.

Non, tu n'as pas quitté mes yeux;
Et quand mon regard solitaire
Cessa de te voir sur la terre,
Soudain je te vis dans les cieux.

Là, tu m'apparais telle encore
Que tu fus à ce dernier jour,
Quand vers ton céleste séjour
Tu t'envolas avec l'aurore.

Ta pure et touchante beauté
Dans les cieux même t'a suivie ;
Tes yeux, où s'éteignait la vie,
Rayonnent d'immortalité !

Du zéphyr l'amoureuse haleine
Soulève encor tes longs cheveux ;
Sur ton sein leurs flots onduleux
Retombent en tresses d'ébène,

L'ombre de ce voile incertain
Adoucit encor ton image,
Comme l'aube qui se dégage
Des derniers voiles du matin.

Du soleil la céleste flamme
Avec les jours revient et fuit ;
Mais mon amour n'a pas de nuit,
Et tu luis toujours sur mon âme.

C'est toi que j'entends, que je vois,
Dans le désert, dans le nuage;
L'onde réfléchit ton image;
Le zéphyr m'apporte ta voix.

Tandis que la terre sommeille,
Si j'entends le vent soupirer,
Je crois t'entendre murmurer
Des mots sacrés à mon oreille.

Si j'admire ces feux épars
Qui des nuits parsèment le voile,
Je crois te voir dans chaque étoile
Qui plaît le plus à mes regards.

Et si le souffle du zéphyr
M'enivre du parfum des fleurs.
Dans ses plus suaves odeurs
C'est ton souffle que je respire.

C'est ta main qui sèche mes pleurs,
Quand je vais, triste et solitaire,
Répandre en secret ma prière
Près des autels consolateurs.

Quand je dors, tu veilles dans l'ombre ;
Tes ailes reposent sur moi ;
Tous mes songes viennent de toi,
Doux comme le regard d'une ombre.

Pendant mon sommeil, si ta main
De mes jours déliait la trame,
Céleste moitié de mon âme,
J'irais m'éveiller dans ton sein !

Comme deux rayons de l'aurore,
Comme deux soupirs confondus,
Nos deux âmes ne forment plus
Qu'une âme, et je soupire encore !

Alphonse de Lamartine

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Horoscope d'un pendu

2 Avril 2018, 02:05am

Publié par vertuchou

Et Nostradamus et Rombure,
Et tous les devins plus vantés
Ont été par toi fréquentés
Pour savoir ta bonne aventure ;
Ils ont prédit que tu serais
Un jour plus haut que tous les rois,
Et voici qu'on te mène pendre
N'ont ils pas dit la vérité ?
Car tu t'en vas si hautement,
Que nul ne peut si haut prétendre.

 Guillaume Bouchet

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Chant des Femmes en Illyrie

29 Mars 2018, 01:58am

Publié par vertuchou

Pays enchanté,
C'est la beauté
Qui doit te soumettre à ses chaînes.
Là-haut sur ces monts
Nous triomphons :
L'infidèle est maître des plaines.

Chez nous,
Son amour jaloux
Trouverait des inhumaines...
Mais, pour nous conquérir,
Que faut-il nous offrir ?
Un regard, un mot tendre, un soupir !...

Ô soleil riant
De l'Orient !
Tu fais supporter l'esclavage ;
Et tes feux vainqueurs
Domptent les cœurs,
Mais l'amour peut bien davantage.

Ses accents
Sont tout-puissants
Pour enflammer le courage...
À qui sait tout oser
Qui pourrait refuser
Une fleur, un sourire, un baiser ?

Gérard de Nerval

 

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Aveu d'une femme

25 Mars 2018, 01:55am

Publié par vertuchou

Savez-vous pourquoi, madame,
Je refusais de vous voir ?
J'aime ! Et je sens qu'une femme
Des femmes craint le pouvoir.
Le vôtre est tout dans vos charmes,
Qu'il faut, par force, adorer.
L'inquiétude a des larmes :
Je ne voulais pas pleurer.

Quelque part que je me trouve,
Mon seul ami va venir ;
Je vis de ce qu'il éprouve,
J'en fais tout mon avenir.
Se souvient-on d'humbles flammes
Quand on voit vos yeux brûler ?
Ils font trembler bien des âmes :
Je ne voulais pas trembler.

Dans cette foule asservie,
Dont vous respirez l'encens,
Où j'aurais senti ma vie
S'en aller à vos accents,
Celui qui me rend peureuse,
Moins tendre, sans repentir,
M'eût dit : « N'es-tu plus heureuse ? »
Je ne voulais pas mentir.

Dans l'éclat de vos conquêtes
Si votre cœur s'est donné,
Triste et fier au sein des fêtes,
N'a-t-il jamais frissonné ?
La plus tendre, ou la plus belle,
Aiment-elles sans souffrir ?
On meurt pour un infidèle :
Je ne voulais pas mourir

Marceline Desbordes-Valmore

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