Coups de cœur
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Sonnet
Que suis-je, hélas ! et de quoi sert ma vie ? Je ne suis fors qu'un corps privé de cœur, Une ombre vaine, un objet de malheur, Qui n'a plus rien que de mourir envie. Plus ne portez, ô ennemis, d'envie A qui n'a plus l'esprit à la grandeur, Ja consommé...
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Vous pouvez bien passer les fleuves
Vous pouvez bien passer les fleuves Brandir l'étendard du chagrin Ou laisser flotter le silence J'ai lâché sur vos pas Ma meute d'ombres Je vous prête à jamais L'escorte de mes chiens. En ce temps-là J'ensemençais votre mémoire J'engrangeais des rires...
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Le sonnet d'Arvers
Mon âme a son secret, ma vie a son mystère : Un amour éternel en un moment conçu. Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le taire, Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su. Hélas ! j'aurai passé près d'elle inaperçu, Toujours à ses côtés, et pourtant...
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Au défaut du silence
Ta bouche aux lèvres d’or n’est pas en moi pour rire Et tes mots d’auréole ont un sens si parfait Que dans mes nuits d’années, de jeunesse et de mort J’entends vibrer ta voix dans tous les bruits du monde Dans cette aube de soie où végète le froid La...
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Toute entière
Le Démon, dans ma chambre haute, Ce matin est venu me voir, Et, tâchant à me prendre en faute, Me dit : “Je voudrais bien savoir Parmi toutes les belles choses Dont est fait son enchantement, Parmi les objets noirs ou roses Qui composent son corps charmant,...
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Crépuscule
L’étang mystérieux, suaire aux blanches moires, Frissonne ; au fond du bois la clairière apparaît ; Les arbres sont profonds et les branches sont noires ; Avez-vous vu Vénus à travers la forêt ? Avez-vous vu Vénus au sommet des collines ? Vous qui passez...
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Ombres
Quand mes pensées s’arrêtent Et figent les instants Quand en moi se répètent D’autres lieux d’autres temps Quand d’un mot d’une phrase S’estompe le décor Et quand un ange passe D’ennui ou de remords… Je cours après mon ombre Et nul ne sait Quand la folle...
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Conseil amical à un tas de jeunes gens
Allez au Tibet. Faites du chameau. Lisez la bible. Teintez vos chaussures en bleu. Laissez vous pousser la barbe. Faites le tour du monde en canoé de papier. Abonnez vous au Saturday Evening post. Ne mâchez que du côté gauche de la bouche. Epousez une...
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Jamais
Jamais, avez-vous dit, tandis qu'autour de nous Résonnait de Schubert la plaintive musique ; Jamais, avez-vous dit, tandis que, malgré vous, Brillait de vos grands yeux l'azur mélancolique. Jamais, répétiez-vous, pâle et d'un air si doux Qu'on eût cru...
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Enivrez-Vous
Enivrez-Vous Il faut être toujours ivre. Tout est là : c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve. Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de...
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La poésie vous pose
La poésie vous pose toujours d’une façon ou d’une autre, la question de la mort et de l’amour. Même des poésies très formalistes : je pense à des poésies, à des expériences du XX° siècle, le futurisme ou les poètes de l’oulipo qui sont encore actifs aujourd’hui,...
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Les mouettes
Je te donne trois mouettes La pulpe d’un fruit Le goût des jardins sur les choses La verte étoile d’un étang Le rire bleu de la barque La froide racine du roseau Je te donne trois mouettes La pulpe d’un fruit De l’aube entre les doigts De l’ombre entre...
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Le chat-livre
Un beau chat-livre est couché en rond sur mon canapé, l’œil mi-clos, l’allure sage, le museau entre les pages. Ce grand ami du sommeil quand le soir, il se réveille, mange une assiettée de mots , boit de l’encre, fait le beau et toute la nuit se promène...
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Les amants / Die Liebenden
Regarde comme ils grandissent l’un vers l’autre : dans leurs veines tout devient esprit. Leurs corps tremblent comme des axes autour desquels tournent chaleur et ardeur. Des assoiffés, et on leur donne à boire, Ouvre les yeux et regarde : on leur donne...
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L'homme qui te ressemble
J’ai frappé à ta porte J’ai frappé à ton cœur Pourquoi me repousser ? Ouvre-moi, mon frère . Pourquoi me demander L’épaisseur de mes lèvres La longueur de mon nez La couleur de ma peau Et le nom de mes dieux ? Ouvre-moi, mon frère. Pourquoi me demander...
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Ballade du silence craintif / Balada del silencio temeroso
Ici, quand le vent meurt, les mots défaillent. Et le moulin ne parle plus. Et les arbres ne parlent plus. Et les chevaux ne parlent plus. Et les brebis ne parlent plus. Se tait le fleuve. Se tait le ciel. Se tait l’oiseau. Et se tait le perroquet vert....
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Chasse nocturne
will you think of me not as I am but as I become: alone in the woods; alone in the absence of me absorbed into this slick of listening penseras-tu à moi, non pas tel que je suis mais tel que je deviens : seul dans les bois ; seul en l’absence de moi incorporé...
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Il y a
Il y a en terre noire Des menhirs fourchus Appelés pierres-lyres Qui chantent Au soleil couchant. Il y a dans le ciel Des oiseaux sans ailes Coeurs volants Qui se taisent Quelle que soit l’heure. …………………………. Il y a dans l’ombre Traversant les murs Le...
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En chemin
Je t'ai cherchée sur les sentes que l'homme n'a pas tracées sur les pentes des volcans assoupis où la lave se mêle à la glace sur les montagnes jaillies des mers quand la terre jouait avec le feu J'ai cru te voir le long des torrents qui vont paresser...
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Il faut être deux pour faire un poème
Celui qui parle est le père, celui qui écoute est la mère, le poème est leur enfant. Le poème qui n'est pas écouté est une semence perdue. Ou encore : celui qui parle est la mère, le poème est l'oeuf et celui qui écoute est fécondateur de l'oeuf. Le poème...
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Sonnet
Je vis, je meurs : je me brûle et me noie, J'ai chaud extrême en endurant froidure; La vie m'est et trop molle et trop dure, J'ai grands ennuis entremélés de joie. Tout en un coup je ris et je larmoie, Et en plaisir maint grief tourment j'endure, Mon...
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Mieux que l'amour
Qu’est-ce (...) qui, mieux que l’amour, est affaire d’élection et de lien, sinon la poésie qui, comme lui, « risque tout sur des signes ». Tout autant qu’une affaire élective de mots isolés et choisis, extraits de la langue commune et en quelque manière...
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À Philis
Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage, Et la mer est amère, et l'amour est amer, L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer, Car la mer et l'amour ne sont point sans orage. Celui qui craint les eaux qu'il demeure au rivage, Celui qui craint...
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Haute mer
La grève des bords de mots est un sable rêche Roulé de vagues de silence Les marées de l’absence aiguisent les arêtes pointues des cailloux salés Sur le bord des lèvres, là où s'éteignent les appels qu’on ne crie pas Par décence Un vieux pêcheur muet...
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La torche
Je vous aime, mon corps, qui fûtes son désir, Son champ de jouissance et son jardin d'extase Où se retrouve encor le goût de son plaisir Comme un rare parfum dans un précieux vase. Je vous aime, mes yeux, qui restiez éblouis Dans l'émerveillement qu'il...