Ô longs désirs, ô espérances vaines
Ô longs désirs, ô espérances vaines,
Tristes soupirs et larmes coutumières
A engendrer de moi maintes rivières,
Dont mes deux yeux sont sources et fontaines :
Ô cruautés, ô duretés inhumaines,
Piteux regards des célestes lumières :
Du coeur transi ô passions premières,
Estimez vous croître encore mes peines ?
Qu'encor Amour sur moi son arc essaie,
Que nouveau feu me jette et nouveau dard :
Qu'il se despite, et pis qu'il pourra fasse :
Car je suis tant navrée en toutes parts,
Que plus en moi une nouvelle plaie,
Pour m'empirer ne pourroit trouver place.
Louise Labé, Sonnets, III, 1555.