Coups de cœur
Entre nos deux vies
Entre nos deux vies
il y a la durée de vie
d'une fleur de cerisier
Bashô Matsuo
La poésie est de toutes les eaux
La poésie est de toutes les eaux claires
celle qui s'attarde le moins aux reflets de ses ponts.
René Char
Le fruit défendu
Elle était le doux fruit, le doux fruit défendu,
Dans ce jardin d’Eden où le bois pourfendu
Refleurissait encor dans un parfum de roses,
De rosée et d’air pur où l’or est peu de chose.
Elle était le doux fruit, le doux fruit défendu,
Belle tel un ange astral de son ciel descendu
Un jour de grand soleil, quand sommeille les étoiles
De la nuit, terne, en berne, où rien ne se dévoile.
Elle était le doux fruit, le doux fruit défendu,
Quand ce jour malheureux, à l’heure inattendue,
Candide et innocent, il refit dans ce rêve
Qui toujours survivra, le geste que fit Eve.
1990
Pascal Blaise Beboua
Passacaglia della vita
Blason du con
Petit mouflard, petit con rebondi,
Petit connin plus que lévrier hardi,
Plus que le lion au combat courageux,
Agile et prompt en tes folâtres jeux,
Plus que le singe ou le jeune chaton,
Connin vêtu de ton poil folâtron,
Plus riche que la toison de Colcos,
Connin grasset, sans arêtes, sans os,
Friant morceau de naïve bonté,
Ô joli con bien assis, haut monté,
Loin de danger et bruit de ton voisin,
Qu'on ne prendrait jamais pour ton cousin.
Bien embouché d'un bouton vermeillet,
Ou d'un rubis servant de fermaillet,
Joint et serré, fermé tant seulement
Que ta façon ou joli mouvement,
Soit le corps droit, assis, gambade, ou joue,
Si tu ne fais quelque amoureuse moue.
Source d'amour, fontaine de douceur,
Petit ruisseau apaisant toute ardeur,
Mal et langueur ; ô lieu solacieux,
Et gracieux, séjour délicieux,
Voluptueux plus que tout autre au monde ;
Petit sentier qui droit mène à la bonde
D'excellent bien et souverain plaisir,
Heureux sera celui duquel le désir
Contenteras, qui prendre te pourra,
Et qui de toi pleinement jouira.
Claude Chappuys
Je sens ton souffle sur ma nuque
Je sens ton souffle sur ma nuque. Tu déposes un baiser sur mes cheveux courts et, brusquement, une sensation de fraîcheur m'envahit. Mon corps s'ouvre, la tête rejetée en arrière, appuyée contre ta poitrine, je me laisse posséder, je devine ta main autant que je la sens. Elle descend doucement entre mes omoplates, jusqu'à la naissance de mes reins. L'eau fraîche coule librement le long de mon dos avant d'être arrêtée par le slip de coton. Tes doigts cherchent à se frayer un chemin entre l'élastique et ma peau. Hésitent, se ravisent. Ils remontent doucement, glissent sur mon ventre baigné de transpiration, hésitent à nouveau.
Claude Herdhuin, Chuchotements
Quand la vie m'étire à n'en plus finir
Quand la vie m'étire à n'en plus finir
j'étire l'avenir jusqu'à demain
j'étire demain pour en finir avec l'avenir
j'étire mes mots pour allonger le verbe
je m'étire dans mon verbe pour conjuguer le désir
à l'être
et n'être plus que l'étirement d'un désir
sur une distance allongée posée sur le temps
un temps étiré par le hasard d'une rencontre
une rencontre qui s'étire sur le devenir
comme si demain n'existait pas
Pour en finir
le verbe me plonge dans ce désir de l'être
en son devenir
Huguette Bertrand
Watermelon Man
Sur la pointe d'une herbe
Sur la pointe d'une herbe
devant l'infini du ciel
une fourmi
Hosai Ozaki