Poésie, sœur de l’action
Poésie, sœur de l’action et mère de toute création. Elle est l’animatrice du songe des vivants et la gardienne la plus sûre de l’héritage des morts.
Saint-John Perse
Coups de cœur
Poésie, sœur de l’action et mère de toute création. Elle est l’animatrice du songe des vivants et la gardienne la plus sûre de l’héritage des morts.
Saint-John Perse
Par les jardins de la terre,
Par les fontaines du seul amour,
Par le blé et le liseron,
Par l'élan et le roitelet,
Par ma jeunesse tant promise,
Par l'ami retrouvé,
Par tous les mots que je veux dire,
Par les mortels que j'aimerai:
Que je vive, ah! que je vive
Encore un espace de ce temps,
De ce temps qui nous est compté.
Andrée Chedid
Toi seul qui fait des miracles
Toi seul Créateur, qui nous a créés,
Toi seul Rédempteur, qui nous a rachetés
Par ton très précieux sang.
En toi seul nous trouvons refuge,
En toi seul nous avons confiance,
Nul autre nous n'adorons,
Christ Jésus.
À toi nous présentons nos prières,
Entends nos supplications,
Et accorde-nous ce que nous demandons,
Roi bienveillant.
D'en aimer un autre
Serait tromperie de notre part :
Grandes seraient la bêtise
Et la faute.
Entends nos lamentations,
Comble-nous de ta bienveillance,
Ô roi des rois,
Afin qu'à ton seul service
Nous nous attachions avec joie
Pour l'éternité.
Josquin des Prés
Il est si rare qu’il n’y ait pas une partie apparente d’un désir !
Ce que vivent les cœurs des amants, leurs palpitations, leurs émois
et leurs dévoiements, la chair en est aussi bavarde que retournée.”
Alice Ferney, La Conversation amoureuse
Ô femme, j'ignore comment les vagues m'ont jeté à tes pieds
comment tu as marché vers moi
Ô femme au nez grec
A la chevelure espagnole
Les millénaires ne verront rien de semblable
Toi qui danses les pieds nus à l'orée de mes artères
D'où viens-tu ? Comment es-tu venue ?
Comment as-tu soufflé comme une tempête sur mes sens ?
Nizar Kabbani
Depuis l'heure de l'enfance, je n'ai pas été
Comme d'autres - je n'ai pas vu
Comme d'autres l'ont vu, je n'ai pas pu apporter
Mes passions d'un printemps commun -
De la même source, je n'ai pas pris
Ma douleur - je ne pouvais pas me réveiller
Mon cœur à la joie sur le même ton -
Et tout ce que j'aimais - j'aimais seul -
Puis - dans mon enfance - à l'aube
D'une vie très orageuse - a été dessiné
De toute profondeur du bien et du mal
Le mystère qui me lie encore…
Edgar Alan Poe
Je ne cesserai pas
De chanter les cloches des rencontres muettes,
Les bras des divans parfumés,
les grandes chutes d’oiseaux ressemblants,
les éternels miroirs vibrants.
Je ne cesserai pas
de chanter la morsure rouge des lèvres,
l’épaule insoumise, les aisselles surprises,
les seins toujours à l’heure aux rendez-vous nocturnes.
Je ne cesserai pas
de chanter ton visage poudré de cendre,
le dernier naufrage à l’aube soufflée des lampes,
ta nuque échappée à l’étreinte,
tes pas que rien ne trahit
Je ne cesserai pas
de chanter tes hanches profondes,
tes chevilles noyées dans les nuages,
tant de pensées vagabondes,
tant de fumée divine.
Je ne cesserai pas
de chanter ta chevelure courante
aux pieds des arbres solitaires
blessés de feuilles et d’œillères.
Je ne cesserai pas
de chanter la rue, le parc, la mer
car je te connais
car je t’aime et te connais.
Je ne cesserai pas
d’apprendre à rire,
à peindre et rire
dans le fond des palais;
car je te crains,
car je t’aime et te crains.
Je ne cesserai pas
de forger des serrures,
des cadenas et des ceintures
tout le long du ciel,
car je te garde,
car je t’aime et te garde.
Je ne cesserai pas
de couper tes mains,
tes bras et tes poings
pour que jamais l’adieu
ne remonte sur l’eau.
Edmond Jabès