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poetes d'aujourd'hui

La beauté est partout

15 Août 2011, 06:23am

Publié par vertuchou

La beauté est partout
Même
sur le sol le plus dur
le plus rebelle
la beauté est partout
au détour d'une rue
dans les yeux
sur les lèvres
d'un inconnu
dans les lieux les plus vides
où l'espoir n'a pas de place
où seule la mort
invite le cœur
la beauté est là
elle émerge
incompréhensible
inexplicable
elle surgit unique et nue -
à nous d'apprendre
à l'accueillir
en nous

Kenneth White

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La traversée

5 Août 2011, 06:16am

Publié par vertuchou

Ce n'est pas la beauté que j'ai trouvée ici,
ayant loué cette cabine de seconde
débarqué à Palerme, oublié mes soucis,
mais celle qui s'enfuit, la beauté de ce monde.

L'autre, je l'ai peut-être vue en ton visage
mais notre cours aura ressemblé à ces eaux
qui tracent leurs grands hiéroglyphes sur les plages
au sud de Naples, et que l'été boit aussitôt,

signes légers que l'on récrit sur les portières.
Elle n'est pas donnée à nous qui la forçons,
pareils à des aventuriers sur les frontières,
à des avares qui ont peur de la rançon.

Elle n'est pas non plus donnée aux lieux étranges
mais peut-être à l'attente, au silence discret,
à celui qui est oublié dans les louanges
et simplement accroît son amour en secret.

Philippe Jaccottet

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Soy un alma desnuda / je suis une âme nue

31 Juillet 2011, 06:07am

Publié par vertuchou

Soy un alma desnuda en estos versos,
Alma desnuda que angustiada y sola
Va dejando sus pétalos dispersos.
 
Je suis une âme nue dans ces vers
une âme dénudée, qui plein de peur et seule
laisse tomber ses pétales dispersées

Alma que puede ser una amapola,
Que puede ser un lirio, una violeta,
Un peñasco, una selva y una ola.

une âme qui se ressemble à une coquelicot
qui peut être un lis, une violette,
un roc, une forêt et une onde

Alma que como el viento vaga inquieta
Y ruge cuando está sobre los mares,
Y duerme dulcemente en una grieta.

Une âme qui comme le vent erre inquiète
crie quand elle se trouve sur la mer
et dort paisiblement dans la fente d'un roc

Alma que adora sobre sus altares,
Dioses que no se bajan a cegarla;.

Une âme qui sur les autels
adore les Dieux, qui ne descendront pas pour l' éblouir
une âme qui ne connaît aucun obstacle

Alma que fuera fácil dominarla
Con sólo un corazón que se partiera
Para en su sangre cálida regarla.

Une âme qu'un seul cœur pourrait dominer
s' il était seulement disposé de se fendre
pour lui offrir son sang chaud

Alma que cuando está en la primavera
Dice al invierno que demora: vuelve,
Caiga tu nieve sobre la pradera.

Une âme qui au printemps
demande l' hiver de rester : reviens,
que ta neige tombe sur les prés

Alma que cuando nieva se disuelve
En tristezas, clamando por las rosas
con que la primavera nos envuelve.

Une âme qui se dissout s' il neige
plein de deuil crie pour les roses
avec lesquelles le printemps nous entoure

Alma que a ratos suelta mariposas
A campo abierto, sin fijar distancia,
Y les dice: libad sobre las cosas.

Une âme de laquelle de temps en temps
saute des papillons au champs libres,
sans faire attention aux distances
et auxquelles elle demande de goûter les choses


Alma que nada sabe y todo niega
Y negando lo bueno el bien propicia
Porque es negando como más se entrega.

Une âme qui ne sait rien et qui nie tout
et en niant le bien elle le fait avancer
puisque c'est en niant qu'elle se dévoue le plus

Alma que suele haber como delicia
Palpar las almas, despreciar la huella,
Y sentir en la mano una caricia.

Une âme qui aime caresser les âmes
dédaigner les vestiges
et  sentir dans la main, une caresse tendre

Alma que siempre disconforme de ella,
Como los vientos vaga, corre y gira;
Alma que sangra y sin cesar delira
Por ser el buque en marcha de la
estrella.

 

Une âme qui, en désaccord avec elle même
erre comme les vents, coure et circule
une âme qui saigne et délire sans arrêt
puisqu'elle est un bateau, en marche vers
les étoiles

Alfonsina Storni

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Il y a

25 Juillet 2011, 05:47am

Publié par vertuchou

Il y a entre "nous" et "toi" ce temps étrange.

Par-delà les monts d'étain noir où l'orage a planté ses lances

Il y a cette épaisse nuit, gorgée de feuillage, d'humide

Et tout un bruissement secret de fers, de peurs, de boucliers.

Je voudrais retrouver l'aurore intacte par-dessous ta tête

Mais je ne sais si la mésange aura passé le dur minuit

Ni si, de son bec entrouvert, tombera le fil du soleil.

Luc Bérimont

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Les chants des hommes

22 Juillet 2011, 06:42am

Publié par vertuchou

Les chants des hommes sont plus beaux qu'eux-mêmes
plus lourds d'espoir
plus tristes
plus durables
Plus que les hommes j'ai aimé leurs chants
J'ai pu vivre sans les hommes
jamais sans les chants
Il m'est arrivé d'être infidèle à ma bien-aimée
jamais au chant que j'ai chanté pour elle
Jamais non plus les chants ne m'ont trompé.
Quel que soit leur langage
J'ai toujours compris tous les chants
Rien en ce monde
De tout ce que j'ai pu boire et manger
De tous les pays où j'ai voyagé
De tout ce que j'ai pu voir et entendre
De tout ce que j'ai pu toucher et comprendre
Rien Rien
Ne m'a rendu jamais aussi heureux
que les chants ...

 

Nazim Hikmet

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Les quatre éléments

17 Juillet 2011, 06:29am

Publié par vertuchou

L'air c'est rafraîchissant
Le feu c'est dévorant
La terre c'est tournant
L'eau - c'est tout différent
L'air c'est toujours du vent
Le feu c'est toujours bougeant
La terre c'est toujours virant
L'eau - c'est tout différent
L'air c'est toujours changeant
Le feu c'est toujours mangeant
La terre c'est toujours germant
L'eau - c'est tout différent
Et combien davantage encore ces drôles d'hommes
Espèces de vivants
Qui ne se croient jamais dans leur vrai élément.

 

Claude Roy

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Incertitude

15 Juillet 2011, 06:10am

Publié par vertuchou

T’absentant,
tu m’habites.
Tendrement.
Comme présent.
Dis-moi vite…
et ne mens :
M’absentant,
je t’habite
mêmement ?
Ne sachant,
je m’irrite.
Questionnant
bassement.
Etouffant
mes élans.
Bâillonnant
mes redites.
T’assommant.
M’assommant.
Qu’il est fort
mon tourment !
Et pourtant…
Mais encore…
Dis-moi vite :
M’absentant,
je t’habite ?

 

Esther GRANEK

 

Constatation

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Le menacé / El amenazado

12 Juillet 2011, 06:04am

Publié par vertuchou

C’est l’amour. Je devrai me cacher ou fuir.

Les murs de ma prison grandissent, comme en un rêve atroce. Le beau masque a changé, mais comme toujours c’est le seul. De quoi peuvent me servir mes talismans :  l’exercice des lettres, la vague érudition, l’apprentissage des mots dont l’âpre Nord se servit pour chanter ses mers et ses épées, la sereine amitié, les galeries de la Bibliothèque, les choses courantes, les coutumes, le jeune amour de ma mère, l’ombre militaire de mes morts, la nuit intemporelle, la saveur du sommeil ?

Etre avec toi ou ne pas être avec toi est la mesure de mon temps.

Déjà la cruche se brise sur la fontaine, déjà l’homme se lève à la voix de l’oiseau, déjà s’assombrissent ceux qui regardent aux fenêtres mais l’ombre n’a pas apporté la paix.

C’est, je le sais bien, l’amour : le désir anxieux d’entendre sa voix, l’attente et la mémoire, l’horreur de vivre dans la succession.

C’est l’amour avec ses mythologies, avec ses petites magies inutiles.

Il y a un coin de rue où je n’ose passer.

Déjà les armées m’encerclent, les hordes.

(Cette chambre est irréelle, elle ne l’a pas vue.)

Le nom d’une femme me dénonce.

J’ai mal à une femme dans tout mon corps.

 

Jorge Luis BORGES

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Défense du poète

6 Juillet 2011, 05:08am

Publié par vertuchou

Ecrire son poème, est-ce une trahison,
comme devant la mise à mort d'un innocent
on détourne les yeux ? Aligner quelques mots
qui lâchent le réel pour un gramme d'azur,
est-ce dresser un paravent contre le monde
affolé dans son bain, parmi l'écume noire ?
Traiter sa fable favorite en libellule
par-dessus la rivière, est-ce oublier le pain
qui manque à l'homme ? Remplacer le vrai printemps
par un printemps verbal aux toucans invisibles
qui sont peut-être un peu de feu, est-ce insulter
notre nature ? Aimer une voyelle blanche
comme on aime sa fille, est-ce être dédaigneux
de notre amour universel, qui nous saccage ?

 

Alain Bosquet

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Quand tu me tenais par la main

1 Juillet 2011, 05:06am

Publié par vertuchou

Quand tu me tenais par la main
La mer débordait en moi
Quand tu me tenais par la main, mon cœur
S'accrochant aux algues vertes,
Voulait suivre les courants de fond des jours entiers.

Des jours entiers, je me demandais quelle était la source de cette
flamme secrète qui embrasait tes pupilles. Des nuits entières,
je cherchais mon chemin sur les collines ardues et infranchissables. Et puis
les lumières s'éteignaient, et puis les étoiles tombaient dans les lacs
frais qui sont en moi. Quand tu me tenais par la main, était-ce moi ou un
autre qui marchait avec toi sans mettre le pied sur les vagues et le vent?

Quand tu me tenais par la main
Une couleur bleue tombait sur mes yeux
Puis, toutes les mers  se retiraient
Une forêt était agitée par les rumeurs
Une bande de pigeons s'envolait de mon cœur glacé
Quand tu me tenais par la main
Les feuilles rousses d'un platane tombaient
Sur les dalles blanches de la cour
Et moi j'aurais voulu mourir en m'enfonçant dans ces feuilles

Nous étions comme des maisons anciennes aux volets restés ouverts
Et fouettés par le vent, vagabonds et timides
Quand tu me tenais par la main
Une fleur perçait à travers les rochers

Quand tu me tenais par la main
L'envie me prenait de voyager
En m'accrochant des jours entiers aux nuages gris...

 

Tugrul TANYOL

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