Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Vertuchou.over-blog.com

Ou puis parfont de ma merencolie

21 Mai 2016, 03:19am

Publié par vertuchou

Ou puis parfont de ma merencolie
L'eaue d'Espoir que ne cesse tirer,
Soif de Confort la me fait desirer,
Quoy que souvent je la trouve tarie.

Necte la voy ung temps et esclercie,
Et puis après troubler et empirer,
Ou puis parfont de ma merencolie
L'eaue d'Espoir que ne cesse tirer.

D'elle trempe mon ancre d'estudie,
Quant j'en escrips, mais pour mon cueur irer ;
Fortune vient mon pappier dessirer,
Et tout gecte par sa grant felonnie
Ou puis parfont de ma merencolie.

Charles d'Orléans

Voir les commentaires

Les amoureux et les fous

20 Mai 2016, 03:30am

Publié par vertuchou

Les amoureux et les fous ont des cerveaux bouillants, et l'imagination si fertile

qu'ils perçoivent ce que la froide raison ne pourra jamais comprendre.

Le fou, l'amoureux et le poète sont tous faits d'imagination.

L'un voit plus de démons que le vaste enfer n'en peut contenir, c'est le fou ; l

'amoureux, tout aussi frénétique, voit la beauté d'Hélène sur un front égyptien ;

le regard du poète, animé d'un beau délire, se porte du ciel à la terre et de la terre au ciel ;

et, comme son imagination donne un corps aux choses inconnues,

la plume du poète leur prête une forme et assigne à ces bulles d'air

un lieu dans l'espace et un nom.

Tels sont les caprices d'une imagination forte ;

pour peu qu'elle conçoive une joie, elle suppose un messager qui l'apporte.

Shakespeare Le songe d'une nuit d'été (Thésée)

Voir les commentaires

Le poème à Florence

19 Mai 2016, 03:21am

Publié par vertuchou

Comme un aveugle s’en allant vers les frontières
Dans les bruits de la ville assaillie par le soir
Appuie obstinément aux vitres des portières
Ses yeux qui ne voient pas vers l’aile des mouchoirs

Comme ce rail brillant dans l’ombre sous les arbres
Comme un reflet d’éclair dans les yeux des amants
Comme un couteau brisé sur un sexe de marbre
Comme un législateur parlant à des déments

Une flamme a jailli pour perpétuer Florence
Non pas celle qui haute au détour d’un chemin
Porta jusqu’à la lune un appel de souffrance
Mais celle qui flambait au bûcher quand les mains

dressées comme cinq branches d’une étoile opaque
attestaient que demain surgirait d’aujourd’hui
Mais celle qui flambait au chemin de saint Jacques
Quand la déesse nue vers le nadir a fui

Mais celle qui flambait aux parois de ma gorge
Quand fugitive et pure image de l’amour
Tu surgis tu partis et que le feu des forges
Rougeoyait les sapins les palais et les tours

J’inscris ici ton nom hors des deuils anonymes
Où tant d’amantes ont sombré corps âme et biens
Pour perpétuer un soir où dépouilles ultimes
Nous jetions tels des os nos souvenirs aux chiens

Tu fonds tu disparais tu sombres mais je dresse
au bord de ce rivage où ne brille aucun feu
Nul phare blanchissant les bateaux en détresse
Nulle lanterne de rivage au front des bœufs

Mais je dresse aujourd’hui ton visage et ton rire
Tes yeux bouleversants ta gorge et tes parfums
Dans un olympe arbitraire où l’ombre se mire
dans un miroir brisé sous les pas des défunts

Afin que si le tour des autres amoureuses
Venait avant le mien de s’abîmer tu sois
Et l’accueillante et l’illusoire et l’égareuse
la sœur des mes chagrins et la flamme à mes doigts

Car la route se brise au bord des précipices
je sens venir les temps où mourront les amis
Et les amants d’autrefois et d’aujourd’hui
Voici venir les jours de crêpe et d’artifice

Voici venir les jours où les œuvres sont vaines
où nul bientôt ne comprendra ces mots écrits
Mais je bois goulûment les larmes de nos peines
quitte à briser mon verre à l’écho de tes cris

Je bois joyeusement faisant claquer ma langue
le vin tonique et mâle et j’invite au festin
Tous ceux-là que j’aimai. Ayant brisé leur cangue
qu’ils viennent partager mon rêve et mon butin

Buvons joyeusement ! chantons jusqu’à l’ivresse !
nos mains ensanglantées aux tessons des bouteilles
Demain ne pourront plus étreindre nos maîtresses.
Les verrous sont poussés au pays des merveilles.

Robert Desnos

Voir les commentaires

Cantate BWV 208

18 Mai 2016, 03:25am

Publié par vertuchou

Voir les commentaires

Le loup et l'agneau

17 Mai 2016, 03:23am

Publié par vertuchou

La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l'allons montrer tout à l'heure.
Un Agneau se désaltérait
Dans le courant d'une onde pure.
Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
- Sire, répond l'Agneau, que votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu'elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d'Elle,
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
- Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
- Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ?
Reprit l'Agneau, je tette encor ma mère.
- Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
- Je n'en ai point. - C'est donc quelqu'un des tiens :
Car vous ne m'épargnez guère,
Vous, vos bergers, et vos chiens.
On me l'a dit : il faut que je me venge.
Là-dessus, au fond des forêts
Le Loup l'emporte, et puis le mange,
Sans autre forme de procès.

Jean de la Fontaine

Voir les commentaires

Il la serra contre sa poitrine à l'étouffer

16 Mai 2016, 03:20am

Publié par vertuchou

Il la serra contre sa poitrine à l'étouffer, sans mot répondre,

comme s'il voulait en lui la faire entrer par force.

Elle en exhala une plainte tant extasiée que se firent des houles

et des grognements de proche réveil sous la voûte où les routiers étaient entassés.

Elle enfuit vivement sa figure dans la tunique de son homme et la mordit

pour ne point geindre, et resta ainsi sans plus vouloir se défaire, farouchement agrippée,

comme si elle craignait de voir s'échapper la chaleur de sa propre vie,

et gémissant encore d'aise à sentir caressée sa chevelure défaite

et la longue courbe de son dos.

Cela leur parut ne durer qu'un instant, et ce fut l'aube.

Mais mille jours et nuits seraient passés, mille saisons ou mille années,

ce temps n'aurait pas plus duré, et pas plus qu'en ce court moment

ils n'auraient goûté plus sûre saveur d'éternité


Henri Gougaud, L'homme à la vie inexplicable

Voir les commentaires

On s'aime

15 Mai 2016, 03:14am

Publié par vertuchou

On s'aime, on se ment.
On s'aime en serment.
On s'aime en s'aimant.
On s'aime en sarment.
On s'aime en semant.
Ensemencement.

Paul Fort

Voir les commentaires

Arverne, Low Tide

14 Mai 2016, 03:16am

Publié par vertuchou

Karl Struss, Arverne, Low Tide, 1912

Karl Struss, Arverne, Low Tide, 1912

Voir les commentaires

Faire l'amour alors qu'il me défait

13 Mai 2016, 03:44am

Publié par vertuchou

Faire l'amour alors qu'il me défait,

Et tout défait, l'amour même défaire,
Le défaisant, le rendre plus parfait,
Le parfaisant, l'éprouver plus contraire.

Se délecter aux plaies qu'il me fait,
Chanter l'honneur de mon fier adversaire ;
Et de cent maux endurés en effet
Ne rapporter qu'un bien imaginaire.

Cacher son mal de crainte de le voir,
Crier merci de faire son devoir,
En même temps se louer et se plaindre,

Se détester et se faire la cour
Se mépriser et soi-même se craindre,
C'est en deux mots la défaite d'amour.

Vital d'Audiguier de la Menor

Voir les commentaires

Aucun bien n'est comparable

12 Mai 2016, 03:47am

Publié par vertuchou

Aucun bien n'est comparable à la douceur et au bonheur d'aimer

un homme qui nous paraît digne des plus tendres affections de notre cœur,

qui nous aime, qui nous le dit, qui nous le répète à chaque instant du jour et de la nuit,

dont tous les désirs se confondent avec les nôtres ! Quel plaisir de l'attendre,

de le voir paraître, de lever sur lui des yeux que sa présence anime,

de lire dans les siens qu'on est belle et qu'on lui plaît !

Qu'il est flatteur de se voir l'objet de ses soins, de ses préférences ;

d'imaginer qu'il ressent tous les transports qu'il excite,

qu'il jouit de tous les plaisirs qu'il donne !

Madame Riccoboni, Lettres de Milady Juliette Catesby à Milady Henriette Campley,
___

Voir les commentaires

<< < 1 2 3 4 > >>