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Lettres à Juliette Drouet

11 Juin 2017, 02:47am

Publié par vertuchou

Je vous aime, mon pauvre ange, vous le savez bien, et pourtant vous voulez que je vous l'écrive. Vous avez raison. Il faut s'aimer, et puis il faut se le dire, et puis il faut se l'écrire, et puis il faut se baiser sur la bouche, sur les yeux, et ailleurs. Vous êtes ma Juliette bien-aimée. Quand je suis triste, je pense à vous, comme l'hiver on pense au soleil, et quand je suis gai, je pense à vous, comme en plein soleil on pense à l'ombre. Vous voyez bien, Juliette, que je vous aime de toute mon âme. Vous avez l'aire jeune comme un enfant, et l'air sage comme une mère aussi je vous enveloppe de tous ces amours-là à la fois. Baisez-moi, belle Juju !

7 Mars 1833

Oh ! ma joie, ma vie, ma bien-aimée ! Je suis triste ce matin, j'ai peur que les allants et venants du dimanche ne m'empêchent d'être auprès de toi aussi vite et aussi longtemps que je voudrais. Pourvu encore que toi-même de ton côté tu puisses venir ! pourvu que la fièvre que tu avais hier ne t'empêche pas de sortir aujourd'hui ! Oh ! plains-moi. Oh ! n'est-ce pas ? Tu viendras ? tu te portes bien ? je te verrai ? Oh ! J'ai tant d'amour à te donner, tant de baisers à te prodiguer, sur tes pieds parce que je te respecte, sur ton front parce que je t'admire, sur tes lèvres parce que je t'aime ! Ce n'est pas une couronne que tu devrais avoir sur la tête, c'est une étoile !

Septembre 1834

Victor Hugo

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Je trouvai Albertine dans son lit

3 Juin 2017, 02:29am

Publié par vertuchou

Je trouvai Albertine dans son lit. Dégageant son cou, sa chemise blanche changeait les proportions de son visage qui congestionné par le lit, ou le rhume, ou le dîner, semblait plus rose ; je pensai aux couleurs que j’avais eues quelques heures auparavant à côté de moi, sur la digue, et desquelles j’allais enfin savoir le goût ; sa joue était traversée de haut en bas par une de ses longues tresses noires et bouclées que pour me plaire elle avait défaites entièrement. Elle me regardait en souriant. [...]  Je me penchai vers Albertine pour l’embrasser. [...] « Finissez ou je sonne », s’écria Albertine voyant que je me jetais sur elle pour l’embrasser. Mais je me disais que ce n’était pas pour ne rien faire qu’une jeune fille fait venir un jeune homme en cachette, en s’arrangeant pour que sa tante ne le sache pas, que d’ailleurs l’audace réussit à ceux qui savent profiter des occasions ; dans l’état d’exaltation où j’étais le visage rond d’Albertine, éclairé d’un feu intérieur comme par une veilleuse, prenait pour moi un tel relief qu’imitant la rotation d’une sphère ardente, il me semblait tourner telles ces figures de Michel-Ange qu’emporte un immobile et vertigineux tourbillon. J’allais savoir l’odeur, le goût, qu’avait ce fruit rose inconnu.

J’entendis un son précipité, prolongé et criard. Albertine avait sonné de toutes ses forces.

Marcel Proust, A l'ombre des jeunes filles en fleurs

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Tout de lui m'a été précieux

26 Mai 2017, 02:58am

Publié par vertuchou

Tout de lui m'a été précieux, ses yeux, sa bouche, son sexe, ses souvenirs d'enfant, sa façon brusque de saisir les objets, sa voix.
J'ai voulu apprendre sa langue. J'ai conservé sans le laver un verre où il avait bu.
J'ai désiré que l'avion dans lequel je revenais de Copenhague s'écrase si je ne devais jamais le revoir.
J'ai appliqué cette photo, l'été dernier, à Padoue, sur la paroi du tombeau de saint Antoine — avec les gens qui appuyaient un mouchoir, un papier plié portant leur supplication — pour qu'il revienne.
[...]
J'ai découvert de quoi on peut être capable, autant dire de tout. Désirs sublimes ou mortels, absences de dignité, croyances et conduites que je trouvais insensées chez les autres tant que je n'y avais pas moi-même recours. À son insu, il m'a reliée davantage au monde.

Annie Ernaux, Passion simple

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J’oubliai tout

19 Mai 2017, 02:45am

Publié par vertuchou

J’oubliai tout, l’heure, les murs, la ville et son étuve, ma vie boiteuse,

ce que j’étais venu chercher ici. Tout.

Tout parce qu’une femme soudain, à corps et à cri dans le silence,

venait d’effacer d’un trait de lumière toutes les femmes de ma vie ;

parce qu’une femme d’un seul mouvement devant moi

découvrait la femme, celle qui précède la mémoire

et lui donne forme et couleurs dans le désir insatiable

-et la mort souvent nous a saisis avant que nous l’ayons tenue

tout entière entre nos yeux.

Guy Goffette, Elle, par bonheur, et toujours nue

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Je ne vis que ses yeux

11 Mai 2017, 03:32am

Publié par vertuchou

..  Je ne vis que ses yeux. Ils prirent possession de moi avec tant d’ironie qu’à peine je pus balbutier des politesses, m’incliner, sourire. Ces yeux vous regardaient, à quoi je n’étais guère habitué, par dédain sans doute, d’accorder à quelqu’un d’autre ce pouvoir. Je n’eus pas le temps de reconnaître la couleur de ce regard, ni le visage dont il émanait.

Elle était vêtue de noir, obscure vraiment, comme une prêtresse ou ce qu’on voudra de sévère et d’imposant. Encore aujourd’hui je ne peux voir une femme en deuil sans la revoir, elle, brune et sombre, avec dans les yeux tout l’éclat de l’insolence et de la gaieté.

Au dîner, j’observai Concha ouvertement, et elle soutint mon regard. Elle ne refusait ni n’engageait le combat, et ses yeux se posaient sur les miens, curieux et froids, sans que je puisse décider s’ils étaient pour ou contre mon désir. Comme tous les yeux admirables, je m’apercevais qu’ils avaient une couleur difficile à identifier ni marron, ni verts, avec une tache pourpre dont on aurait dit qu’elle savait user.

Philippe Sollers, Une curieuse solitude

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J'ai besoin de te voir

3 Mai 2017, 02:26am

Publié par vertuchou

J'ai besoin de te voir, de te presser sur mon coeur, de mourir sur tes lèvres.
Ange à moi, ange adoré, j'ai besoin de verser mon âme dans la tienne,
et de retrouver ces sensations qui sont devenues ma vie.
Cette vie est en tes mains.
Mon sang bout, tous mes sens sont dans une agitation
que ton regard et tes baisers seuls calment.
Je t'aime avec fureur, soyons toujours unis, donne-moi de longues heures.


Lettre de Benjamin Constant  à Anna Lindsay, le 22 décembre 1800.

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La vitre

25 Avril 2017, 03:31am

Publié par vertuchou

... Toute ma vie, je t'aurai tenue à mon côté, immobile et absente,
te parlant en silence, je t'aurai contemplée sans te voir. Toute ma vie.
Mais c'est toi, c'est bien toi qui t'approches de la vitre de mes rêves.
J'aperçois ton visage en te tournant le dos, et j'envoie pour nous
dans les flammes ces mots que tu n'entendras pas,
ces paroles que tu me souffles.

Louis Guillaume

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En relevant la tête

17 Avril 2017, 02:45am

Publié par vertuchou

En relevant la tête, j’ai rencontré son regard fixé sur moi…
Sans réfléchir, sans avoir prémédité mon geste, j’ai cédé
à une impulsion inconnue d’une violence irrésistible,
et je me suis tout à coup trouvée à ses genoux,
couvrant ses mains de baisers et répétant, à travers mes sanglots :
 «Je vous aime! Je vous aime! Je vous aime!…»
Je sentais sous mes lèvres la douce chaleur de sa peau, la dureté de ses bagues…

Dorothy Bussy, Olivia

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Ah George. quel amour !

13 Avril 2017, 02:20am

Publié par vertuchou

"Ah. George. quel amour ! jamais homme n'a aimé comme je t'aime,
je suis perdu, vois-tu, je suis noyé, inondé d'amour ;
je ne sais plus si je vis, si je mange, si je marche, si je respire, si je parle ;
je sais que j'aime, je meurs d'amour, d'un amour sans fin, sans nom, insensé, désespéré,
 perdu, tu es aimée, adorée. idolâtrée jusqu'à mourir ! Et non : je ne guérirai pas.
Et non, je n'essaierai pas de vivre ; et j'aime mieux cela,
et mourir en t'aimant vaut mieux que de vivre."

Lettre d'Alfred de Musset à George Sand

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Quoique je te perde de vue

9 Avril 2017, 02:57am

Publié par vertuchou

Quoique je te perde de vue à travers les arbres, je n'ai pas besoin de te voir
pour te retrouver ; quelque chose de toi que je ne puis dire reste pour moi
dans l'air où tu passes, sur l'herbe où tu t'assieds.
Lorsque je t'approche, tu ravis tous mes sens. L'azur du ciel est moins beau
que le bleu de tes yeux; le chant des bengalis, moins doux que le son de ta voix.
Si je te touche seulement du bout du doigt, tout mon corps frémit de plaisir.

Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie

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