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poetes d'aujourd'hui

Qui murmure mon nom

8 Juin 2016, 04:20am

Publié par vertuchou

Qui murmure mon nom,
Qui me nomme, au loin, qui demande
Où j'habite ? Moi qui n'ai jamais rien
Gagné, moi qui me suis toujours perdue,
Moi qui dans l'inconnu, dans les déserts
De glace, ai répandu la dilution,
Toute la poussière de mon trésor astral...

Qui soudain d'un seul coup
Me restitue le tout
Dans une gangue de lumière ?
Qui murmure mon nom, au loin,
Qui donc demande où je demeure ?


Maro Markarian

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Nocturne

4 Juin 2016, 03:36am

Publié par vertuchou

Un long bras timbré d'or glisse du haut des arbres
Et commence à descendre et tinte dans les branches.
Les feuilles et les fleurs se pressent et s'entendent.
J'ai vu l'orvet glisser dans la douceur du soir.
Diane sur l'étang se penche et met son masque.
Un soulier de satin court dans la clairière
Comme un rappel de ciel qui rejoint l'horizon.
Les barques de la nuit sont prêtes à partir.

D'autres viendront s'asseoir sur la chaise de fer.
D'autres verront cela quand je ne serai plus.
La lumière oubliera ceux qui l'ont tant aimée.
Nul appel ne viendra rallumer nos visages.
Nul sanglot ne fera retentir notre amour.
Nos fenêtres seront éteintes.
Un couple d'étrangers longera la rue grise.
Les voix,
D'autres voix chanteront, d'autres yeux pleureront
Dans une maison neuve.
Tout sera consommé, tout sera pardonné,
La peine sera fraîche et la forêt nouvelle,
Et peut-être qu'un jour, pour de nouveaux amis,
Dieu tiendra ce bonheur qu'il nous avait promis.

Léon-Paul Fargue

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A galopar / Au grand galop

31 Mai 2016, 03:38am

Publié par vertuchou

Las tierras, las tierras, las tierras de España,
las grandes, las solas, desiertas llanuras.
Galopa, caballo cuatralbo,
jinete del pueblo,
que la tierra es tuya.

¡ A galopar,
a galopar,
hasta enterrarlos en el mar !

A corazón suenan, resuenan, resuenan

las tierras de España, en las herraduras.
Galopa, jinete del pueblo,
caballo cuatralbo,
caballo de espuma.

¡ A galopar,
a galopar,
hasta enterrarlos en el mar !

Nadie, nadie, nadie, que enfrente no hay nadie;
que es nadie la muerte si va en tu montura.
Galopa, caballo cuatralbo,
jinete del pueblo,
que la tierra es tuya.

¡ A galopar,
a galopar,
hasta enterrarlos en el mar !

Rafael Alberti

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Les terres, les terres, les terres d’Espagne
Les grandes, immenses, désertes étendues
Galope cheval balzan
Cavalier du peuple
Sous le soleil et la lune

Au galop, au grand galop
Jusqu’à les ensevelir dans la mer

Tel un cœur qui cogne, sonnent et résonnent
Les terres d’Espagne sous tes quatre fers
Galope cavalier du peuple
O cheval balzan
O cheval d’écume

Au galop, au grand galop
Jusqu’à les ensevelir dans la mer

Personne, personne, en face personne
La mort n’est personne chevauchant avec toi
Galope, cheval balzan
Cavalier du peuple
Car la terre est tienne

Au galop, au grand galop
Jusqu’à les ensevelir dans la mer

Traduction : Dominique Fernandez

 

 

 

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Lilas

27 Mai 2016, 03:44am

Publié par vertuchou

La pluie larmoyante caresse ton parfum
aime le déséquilibre éphémère
des gouttelettes assoiffées de sève
À chaque pétale elle découvre ta beauté
symphonie d’unités réfractées

Les fleurs minuscules bleutées par la lumière
avancent comme un cortège
joyeux
dansent comme une valse
d’amour
Forsythias et pivoines couronnent cet instant
courtisent l’allégorie

Sous le sublime chapiteau de la nature
un voile parfumé fleurit notre chimère

Sybille Rembard

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La plus drôle des créatures

23 Mai 2016, 03:15am

Publié par vertuchou

          Comme le scorpion, mon frère,
          Tu es comme le scorpion
          Dans une nuit d’épouvante.

 
          Comme le moineau, mon frère,
          Tu es comme le moineau
          Dans ses menues inquiétudes.

 
          Comme la moule, mon frère,
          Tu es comme la moule
          Enfermée et tranquille.


          Tu es terrible, mon frère,
          Comme la bouche d’un volcan éteint.

 
          Et tu n’es pas un, hélas,
          Tu n’es pas cinq,
          Tu es des millions.

 
          Tu es comme le mouton, mon frère,
          Quand le bourreau habillé de ta peau
          Quand le bourreau lève son bâton
          Tu te hâtes de rentrer dans le troupeau
          Et tu vas à l’abattoir en courant, presque fier.

 
          Tu es la plus drôle des créatures, en somme,
          Plus drôle que le poisson
          Qui vit dans la mer sans savoir la mer.
 
          Et s’il y a tant de misère sur terre
          C’est grâce à toi, mon frère,
          Si nous sommes affamés, épuisés,
          Si nous somme écorchés jusqu’au sang,
          Pressés comme la grappe pour donner notre vin,
          Irai-je jusqu’à dire que c’est de ta faute, non
          Mais tu y es pour beaucoup, mon frère.
 

          Nazim HIKMET

      

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Le poème à Florence

19 Mai 2016, 03:21am

Publié par vertuchou

Comme un aveugle s’en allant vers les frontières
Dans les bruits de la ville assaillie par le soir
Appuie obstinément aux vitres des portières
Ses yeux qui ne voient pas vers l’aile des mouchoirs

Comme ce rail brillant dans l’ombre sous les arbres
Comme un reflet d’éclair dans les yeux des amants
Comme un couteau brisé sur un sexe de marbre
Comme un législateur parlant à des déments

Une flamme a jailli pour perpétuer Florence
Non pas celle qui haute au détour d’un chemin
Porta jusqu’à la lune un appel de souffrance
Mais celle qui flambait au bûcher quand les mains

dressées comme cinq branches d’une étoile opaque
attestaient que demain surgirait d’aujourd’hui
Mais celle qui flambait au chemin de saint Jacques
Quand la déesse nue vers le nadir a fui

Mais celle qui flambait aux parois de ma gorge
Quand fugitive et pure image de l’amour
Tu surgis tu partis et que le feu des forges
Rougeoyait les sapins les palais et les tours

J’inscris ici ton nom hors des deuils anonymes
Où tant d’amantes ont sombré corps âme et biens
Pour perpétuer un soir où dépouilles ultimes
Nous jetions tels des os nos souvenirs aux chiens

Tu fonds tu disparais tu sombres mais je dresse
au bord de ce rivage où ne brille aucun feu
Nul phare blanchissant les bateaux en détresse
Nulle lanterne de rivage au front des bœufs

Mais je dresse aujourd’hui ton visage et ton rire
Tes yeux bouleversants ta gorge et tes parfums
Dans un olympe arbitraire où l’ombre se mire
dans un miroir brisé sous les pas des défunts

Afin que si le tour des autres amoureuses
Venait avant le mien de s’abîmer tu sois
Et l’accueillante et l’illusoire et l’égareuse
la sœur des mes chagrins et la flamme à mes doigts

Car la route se brise au bord des précipices
je sens venir les temps où mourront les amis
Et les amants d’autrefois et d’aujourd’hui
Voici venir les jours de crêpe et d’artifice

Voici venir les jours où les œuvres sont vaines
où nul bientôt ne comprendra ces mots écrits
Mais je bois goulûment les larmes de nos peines
quitte à briser mon verre à l’écho de tes cris

Je bois joyeusement faisant claquer ma langue
le vin tonique et mâle et j’invite au festin
Tous ceux-là que j’aimai. Ayant brisé leur cangue
qu’ils viennent partager mon rêve et mon butin

Buvons joyeusement ! chantons jusqu’à l’ivresse !
nos mains ensanglantées aux tessons des bouteilles
Demain ne pourront plus étreindre nos maîtresses.
Les verrous sont poussés au pays des merveilles.

Robert Desnos

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On s'aime

15 Mai 2016, 03:14am

Publié par vertuchou

On s'aime, on se ment.
On s'aime en serment.
On s'aime en s'aimant.
On s'aime en sarment.
On s'aime en semant.
Ensemencement.

Paul Fort

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Sables mouvants

11 Mai 2016, 03:59am

Publié par vertuchou

Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer s'est retirée
Et toi
Comme une algue doucement caressée par le vent
Dans les sables du lit tu remues en rêvant
Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer s'est retirée
Mais dans tes yeux entrouverts
Deux petites vagues sont restées
Démons et merveilles
Vents et marées
Deux petites vagues pour me noyer


Deux petites vagues sont restées
Démons et merveilles
Vents et marées
Deux petites vagues pour me noyer

Jacques Prévert

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Psaume

7 Mai 2016, 03:24am

Publié par vertuchou

Personne ne nous pétrira de nouveau dans la terre et l'argile,
personne ne soufflera la parole sur notre poussière.
personne.

Loué sois-tu, Personne.
C'est pour toi que nous voulons
fleurir
A ta
rencontre.

Un rien,
voilà ce que nous fûmes, sommes et
resterons, fleurissant :
la rose de Rien, la
rose de Personne

Avec
la clarté d'âme du pistil
l'âpreté céleste de l'étamine,
la couronne rouge
du mot pourpre que nous chantions,
au-dessus, ô, au-dessus
de l'épine.


Paul Celan

PSALM


Niemand knetet uns wieder aus Erde und Lehm,
niemand bespricht unsern Staub.
Niemand.

Gelobt seist du, Niemand.
Dir zulieb wollen
wir blühn.
Dir
entgegen

Ein Nichts
waren wir, sind wir, werden wir
bleiben, blühend :
die Nichts-, die
Niemandsrose

Mit
dem Griffel seelenhell,
dem Staubfaden himmelswüst,
der Krone rot
vom Purpurwort, das wir sagen
über, o über
dem Dorn.


Paul Celan


(à la mémoire d'Ossip Mandelstam)

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Acces

3 Mai 2016, 04:32am

Publié par vertuchou

Magique démarche des nuits incomplètes
des nuits avalés en hâte de boissons amères avalées en hâte
nuits enfouies sous le terreux paillasson de nos lentes passions
rêves arides par de longs regards de corbeaux becquetés

salis mouillés lambeaux de nuit nous avons élevé
en nous chacun de nous une tour de couleur si hautaine
que la vue ne s'accroche plus au-delà des montagnes et des eaux
que le ciel ne se détourne plus de nos filets de pêche aux étoiles
que les nuages se couchent à nos pieds comme chiens de chasse
et que nous pouvons regarder le soleil en face jusqu'à l'oubli

et pourtant mon repos ne trouve sa raison
que dans le nid de tes bras la marée de le nuit
après l'éclat des orages criards ruisselle la mort
c'est le corps décousu d'une panoplie de la terre
qui s'égrène au collier de nos rêves d'oubli

Tristan Tzara

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