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Sonnet / Soneto

11 Août 2014, 04:33am

Publié par vertuchou

J'ai peur de perdre la merveille
de tes yeux de statue, et l'accent
que, pendant la nuit, pose sur ma joue
la rose solitaire de ton haleine.

J'ai peine à n'être en cette rive
qu'un tronc sans branches; et ce qui me désole
est de ne pas avoir la fleur, pulpe ou argile,
pour le ver de ma souffrance.

Et si toi tu es mon trésor occulte,
si tu es ma croix, ma douleur mouillée,
si je suis le chien de ton domaine,
ne me laisse perdre ce que j'ai gagné
et décore les eaux de ton fleuve
avec des feuilles de mon automne désolé.

Federico Garcia Lorca

Tengo miedo a perder la maravilla
de tus ojos de estatua, y el acento
que de noche me pone en la mejilla
la solitaria rosa de tu aliento.

Tengo pena de ser en esta orilla
tronco sin ramas; y lo que más siento
es no tener la flor, pulpa o arcilla,
para el gusano de mi sufrimiento.

Si tú eres el tesoro oculto mío,
si eres mi cruz y mi dolor mojado,
si soy el perro de tu señorìo,
no me dejes perder lo que he ganado
y decora las aguas de tu río
con hojas de mi otoño enajenado.

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A une femme

10 Août 2014, 05:11am

Publié par vertuchou

Enfant ! si j’étais roi, je donnerais l’empire,
Et mon char, et mon sceptre, et mon peuple à genoux
Et ma couronne d’or, et mes bains de porphyre,
Et mes flottes, à qui la mer ne peut suffire,
Pour un regard de vous !

Si j’étais Dieu, la terre et l’air avec les ondes,
Les anges, les démons courbés devant ma loi,
Et le profond chaos aux entrailles fécondes,
L’éternité, l’espace, et les cieux, et les mondes,
Pour un baiser de toi !

Victor Hugo

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Tarascon

9 Août 2014, 04:27am

Publié par vertuchou

Henri Cartier-Bresson, Tarascon. 1959.

Henri Cartier-Bresson, Tarascon. 1959.

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Pur à présent décline le soir d'été

8 Août 2014, 04:03am

Publié par vertuchou

Pur à présent décline le soir d'été
Autour de ma maison, en splendeur adoucie
Le ciel sur son front sacré ne porte pas
Un seul nuage de mélancolie -

La vieille tour, anchâssée dans la lueur d'or,
Contemple d'en haut le soleil qui descend -
Si doucement le soir se fond dans la nuit
Qu'on peut à peine dire le jour fini -

Et c'est justement l'heure joyeuse
Où nous avions coutume de nous échapper
De secouer la tyrannie du labeur
Pour aller avec entrain joeur dehors -

Alors pourquoi tout est-il si triste et seul?
Nul pas allègre dans l'escalier -
Nul rire, nul accent pour donner cœur
Mais partout un silence sans voix.

J'ai tourné sans fin dans notre jardin
Et il me semblait qu'à chaque tour
Des pas allaient et venaient à ma rencontre
Et des mots portés par les souffles

En vain - ils ne viendront pas aujourd'hui
Et le rayon du matin poindra aussi morne
Dites: sont-ils perdus à jamais, nos éclairs
De soleil dans les brumes du souci?

Mais non, l'Espoir réprobateur assure
Qu'il est doux de pleurer les joies enfuies
Quand chaque orage voilant leur lumière
Prépare un plus divin retour.
30 août 1839.

Emily Bronté

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Tenue par lui

7 Août 2014, 05:05am

Publié par vertuchou

Tenue par lui, tête renversée, elle entrouvrit les lèvres comme une fleur éclose, et ils burent l'un à l'autre, soigneux, profonds, perdus et ce fut le grave langage, soudain furieux langage de jeunesse, longue lutte mouillée, lèvres et langues unies. Plus bas maintenant, osa-t-elle imperceptiblement murmurer.

Albert Cohen, Belle du Seigneur

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L’ombre de Hiroshima

6 Août 2014, 08:16am

Publié par vertuchou

L’ombre d’un homme est tapie sur les marches :
elle est gravée dans la pierre, — à tout jamais.
Elle fut inscrite là par le maître atome !
Ainsi qu’un chien hurle à la mort
ainsi le souvenir aboie entre les murs,
hurle vers une tour noire, triste et brûlée…

L’homme est mort mais l’ombre crie :
« où donc est celui-ci que je fus ? Qui l’a tué ? »
Les ruines font silence. Un fil de fer s’accroche
à un cerisier qui honore ses fleurs.
Le printemps, jambes brisées,
hors des gravats veut s’élancer.

Hiroshima ! Oh ! beaux seins de femmes, brûlés
au cœur des flammes, saignants !
Tes enfants sont orphelins…
L’ombre crie : « Où sont-ils, qui furent sans pitié ?
où sont-ils, qui descendirent avec des torches aveuglantes,
et détruisirent berceaux, lèvres, proches et parents ? »

Hiroshima ! L’ombre d’un homme est tapie
sur une roche. À tout jamais, gravée dans la pierre !
La feuille pousse, ensuite tombe de l’arbre ;
L’ombre, seule, ne peut se détacher.
Elle demeure. Elle ne s’accoutume pas à cette absence
d’homme, parmi les ruines informes…

« Es-tu mon homme ? » — demande-t-elle
à tous ceux qui passent auprès d’elle,
et tous de répondre, assombris :
« non ! non ! ce n’est pas moi, pauvre ombre… »
Et l’ombre contemple, contemple toujours,
ceux qui passent auprès d’elle…

Et passent les passants, avec leur ombre,
l’un vite, l’autre lentement.
L’ombre, seule, demeure, n’a aucune hâte.
Voyez ! Elle n’a pas d’homme qui l’emmène au travail…
Puis, de tous ces vivants, aucun, sous le soleil,
ne passe sans une ombre !

L’ombre demeure au poste, sentinelle.
Elle veille, à tout jamais,
afin que ne revienne pas ce qui a été,
afin que plus jamais ne s’abatte l’orage,
afin que la flamme nucléaire ne consume pas
le printemps de l’humanité.

Mihai Beniuc

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Faramondo

5 Août 2014, 05:00am

Publié par vertuchou

Georg Friedrich Haendel, Faramondo, opéra en trois actes, 1737

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La poésie est la vibration

4 Août 2014, 04:58am

Publié par vertuchou

La poésie est la vibration de la matière

Eugène Guillevic

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Rémanence

3 Août 2014, 04:55am

Publié par vertuchou

De quoi souffres-tu ?
Comme si s’éveillait dans la maison sans bruit l’ascendant d’un visage qu’un aigre miroir semblait avoir figé.Comme si la haute lampe et son éclat abaissé sur une assiette aveugle, tu soulevais vers ta gorge serrée la table ancienne avec ses fruits.
Comme si tu revivais tes fugues dans la vapeur du matin à la rencontre de la révolte tant chérie, elle qui su, mieux que toute tendresse, te secourir et t’élever.
Comme si tu condamnais, tandis que ton amour dort, le portail souverain et le chemin qui y conduit.
De quoi souffres-tu ?
De l’irréel intact dans le réel dévasté ?
De leurs détours aventurés, cerclés d’appel et de sang ?
De ce qui fut choisi et ne fut pas touché ?
De la rive du bon au rivage gagné ?
Du présent irréfléchi qui disparaît ?
D’une étoile qui s’est la folle, rapprochée et qui va mourir avant moi ?

René Char

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Poème à Yvonne

2 Août 2014, 04:53am

Publié par vertuchou

Vous dont je ne sais pas le nom ô ma voisine
Mince comme une abeille ô fée apparaissant
Parfois à la fenêtre et quelquefois glissant
Serpentine onduleuse à damner ô voisine
Et pourtant sœur des fleurs ô grappe de glycine
En robe verte vous rappelez Mélusine
Et vous marchez à petits pas comme dansant
Et quand vous êtes en robe bleu-pâlissant
Vous semblez Notre-Dame des fleurs ô voisine
Madone dont la bouche est une capucine
Sinueuse comme une chaîne de monts bleus
Et lointains délicate et longue comme un ange
Fille d'enchantements mirage fabuleux
Une fée autrefois s'appelait Mélusine
Ô songe de mensonge avril miraculeux
Tremblante et sautillante ô vous l'oiselle étrange
Vos cheveux feuilles mortes après la vendange
Madone d'automne et des printemps fabuleux
Une fée autrefois s'appelait Mélusine
Êtes-vous Mélusine ô fée ô ma voisine


Guillaume Apollinaire

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