La poésie est une métaphysique instantanée
La poésie est une métaphysique instantanée. En un court poème, elle doit donner une vision de l'univers et le secret d'une âme, un être et des objets, tout à la fois.
Gaston Bachelard
Coups de cœur
La poésie est une métaphysique instantanée. En un court poème, elle doit donner une vision de l'univers et le secret d'une âme, un être et des objets, tout à la fois.
Gaston Bachelard
J’ai fermé les yeux pour ne plus rien voir
J’ai fermé les yeux pour pleurer
De ne plus te voir.
Où sont tes mains et les mains des caresses
Où sont tes yeux les quatre volontés du jour
Toi tout à perdre tu n’es plus là
Pour éblouir la mémoire des nuits.
Tout à perdre je me vois vivre.
Paul Eluard
Chaque heure, où je songe à ta bonté
Si simplement profonde,
Je me confonds en prières vers toi.
Je suis venu si tard
Vers la douceur de ton regard,
Et de si loin vers tes deux mains tendues,
Tranquillement, par à travers les étendues !
J'avais en moi tant de rouille tenace
Qui me rongeait à dents rapaces,
La confiance
J'étais si lourd, j'étais si las
J'étais si vieux de méfiance,
J'étais si lourd, j'étais si las
Du vain chemin de tous mes pas.
Je méritais si peu la merveilleuse joie
De voir tes pieds illuminer ma voie,
Que j'en reste tremblant encore et presque en pleurs
Et humble à tout jamais, en face du bonheur.
Émile Verhaeren.
Que les chats me guettent depuis la barde d’en face
que les paupières me pèsent de t’avoir rêvée tant
que le désespoir ne connaît pas des horaires
qu’ici on va comptant le temps en vides
que je te garde toujours l’espace à la lit
que mes sourires ont été bien volées
que la lune ne berce plus mon ombre
qu’en cette dimension le froid brûle
que je n’ai plus des contes
que mes baisers n’ont
que le goût de distance
que l’horloge dit
qu’il est tard
que tu me
manques
que hay gatos acechándome desde la barda de enfrente
que los párpados me pesan de haberte soñado tanto
que la desesperación no conoce de husos horarios
que acá los tiempos se van contando por vacíos
que aún te guardo aquel espacio bajo mi cama
que mis sonrisas se las llevó un ropavejero
que a mi sombra ya no la mece la luna
que en esta dimensión quema el frío
que me he quedado sin cuentos
que mi beso sabe a distancia
que el reloj cucú marca
que ya es tarde
que haces
falta.
Merari Lugo
Étoile du matin pour éveiller mon amour d’un baiser pâle encore. Le jour se déchire, cisaillé d’hirondelles. J’adore le soleil qui te ressemble, et je m’écoute vivre seule à cette heure pure. J’écoute comme je t’aime… Vois-tu le même grand ciel bleu que moi ? Chute d’étoiles en plein jour dans l’âme plus profonde, j’écoute le matin qui s’ouvre dans ma gorge. Vacances ! Je déjeune d’une orange et du rêve de ta bouche dans le vent de mer…
Mireille Sorgue, Lettres à l’Amant
Je dirai qui est mon amour
dans le présent ruiné, je dirai
sa beauté et son rire,
sa lumière et sa force,
je dirai comme elle va
toujours au-dessus d’elle-même,
comme elle danse au-delà du dernier pas,
je dirai ce qui ne se dit
qu’aux anges et aux fées,
aux vagabonds et aux amants, je dirai
le midi de nos corps en bataille,
le vertige de nos yeux,
cette évidence dans nos âmes
qui brûlait sans brûler,
qui criait sans crier, qui était de pure merveille et de grâce incarnée,
je dirai ta vie lèvre à lèvre
et tes secrets sur ma bouche,
la bascule de tes cheveux
l’éclat de ta voix soudain qui tutoyait les dieux.
André Velter
À Bouguereau
Dans un bosquet plein de mystère
La Baigneuse de Bouguereau,
Posant comme pour un clystère,
Montre son cul au bord de l’eau.
L’attitude n’est pas vulgaire ;
Elle développe un contour
Commode pour l’apothicaire
Et plus commode pour l’Amour !
Théophile Gautier
Qui voudra voir dedans une jeunesse
La beauté jointe avec la chasteté,
L'humble douceur, la grave majesté,
Toutes vertus, et toute gentillesse :
Qui voudra voir les yeux d'une Déesse,
Et de nos ans la seule nouveauté,
Et cette Dame oeillade la beauté,
Que le vulgaire appelle ma maîtresse.
Il apprendra comme Amour rit et mord,
Comme il guérit, comme il donne la mort,
Puis il dira, quelle étrange nouvelle !
Du ciel la terre empruntait sa beauté,
La terre au ciel a maintenant ôtée,
La beauté même, ayant chose si belle.
Pierre de Ronsard
Tu as un sang, une haleine.
Tu es faite de chair
de cheveux de regards
toi aussi. Terre et arbres,
ciel de mars et lumière,
vibrent et te ressemblent –
ton rire et ta démarche
sont des eaux qui tressaillent –
la ride entre tes yeux
des nuages amassés –
ton tendre corps rappelle
un coteau au soleil.
Cesare Pavese