Le poète entre dans le temps par effraction
Le poète entre dans le temps par effraction; il l'abolit.
- René de Obaldia
Coups de cœur
Le poète entre dans le temps par effraction; il l'abolit.
- René de Obaldia
Une orange sur la table
Ta robe sur le tapis
Et toi dans mon lit
Doux présent du présent
Fraîcheur de la nuit
Chaleur de ma vie.
Jacques Prévert
On me demande, par les rues,
Pourquoi je vais bayant aux grues,
Fumant mon cigare au soleil,
A quoi se passe ma jeunesse,
Et depuis trois ans de paresse
Ce qu'ont fait mes nuits sans sommeil.
Donne-moi tes lèvres, Julie ;
Les folles nuits qui t'ont pâlie
Ont séché leur corail luisant.
Parfume-les de ton haleine ;
Donne-les-moi, mon Africaine,
Tes belles lèvres de pur sang.
Mon imprimeur crie à tue-tête
Que sa machine est toujours prête,
Et que la mienne n'en peut mais.
D'honnêtes gens, qu'un club admire,
N'ont pas dédaigné de prédire
Que je n'en reviendrai jamais.
Julie, as-tu du vin d'Espagne ?
Hier, nous battions la campagne ;
Va donc voir s'il en reste encor.
Ta bouche est brûlante, Julie ;
Inventons donc quelque folie
Qui nous perde l'âme et le corps.
On dit que ma gourme me rentre,
Que je n'ai plus rien dans le ventre,
Que je suis vide à faire peur ;
Je crois, si j'en valais la peine,
Qu'on m'enverrait à Sainte-Hélène,
Avec un cancer dans le coeur.
Allons, Julie, il faut t'attendre
A me voir quelque jour en cendre,
Comme Hercule sur son rocher.
Puisque c'est par toi que j'expire,
Ouvre ta robe, Déjanire,
Que je monte sur mon bûcher.
Alfred de Musset
Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens.
Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même,
il épuise en lui tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences.
Arthur Rimbaud, Lettre du Voyant, 15 mai 1871
Quand je glisse en tes yeux,
Une allée me prolonge
Loin du mortel pays.
Amour, il fallait bien que tu sois.
Au bord des rives où tout trépigne et s’efface;
Il fallait bien que l’eau perpétuelle
Nous donne ce qui est plus que la vie.
Andrée Chedid
“J’éprouvais alors - la seule fois de ma vie - le désir total d’une femme
où tout mon être était engagé corps et âme, concupiscence et tendresse,
chagrin et furieux goût de vivre, fringale de vulgarité comme de réconfort,
soif d’une seconde de plaisir comme d’éternelle possession.
J’étais entièrement engagé, tendu, concentré et je me souviens
de ces moments comme d’un paradis perdu.”
Milan Kundera, La plaisanterie
L'automne fait les bruits froissés
De nos tumultueux baisers.
Dans l'eau tombent les feuilles sèches
Et, sur ses yeux, les folles mèches.
Voici les pêches, les raisins,
J'aime mieux sa joue et ses seins.
Que me fait le soir triste et rouge,
Quand sa lèvre boudeuse bouge?
Le vin qui coule des pressoirs
Est moins traître que ses yeux noirs.
Charles Cros
Je t'aime
Je te tiens à mon poing comme un oiseau
Je te promène dans la rue avec les femmes
Je puis te rouer de coups et t'embrasser
O poésie
En même temps
T'épouser à chaque heure du jour
Tu es une belle figure épouvantable
Une grande flamme véhémente
Comme un pays d'automne démâté
Tu es ceinte de fouets sanglants et de fumées
Je ne sais pas si tu t'émeus
Je te possède
Je te salis de mon amour et de mes larmes
Je te grandis je te vénère je t'abîme
Comme un fruit recouvert patiemment par la neige.
René Guy Cadou