Arbre d'ombres
Arbre d'ombres
ni « je » ni « mien »
Douloureux silence
que j'appelle Poésie
Alejandro Jodorowsky
Coups de cœur
Arbre d'ombres
ni « je » ni « mien »
Douloureux silence
que j'appelle Poésie
Alejandro Jodorowsky
Moi l'hiver je pense
Aux petits oiseaux
Qui couvent des œufs glacés
Dans les arbres
Moi l'hiver je pense
Aux petits poissons
Qui se gèlent les bonbons
La nuit
Dans les rivières.
Paul Vincensini
Que bénis soient le jour, le mois, l'année,
La saison, le temps qui s'enfuit, l'heure, l'instant
Et ce lieu, dans ce beau pays, où deux beaux yeux
Me firent prisonnier et m'enchaînèrent.
Et béni soit le doux premier tourment
Que j'éprouvai, ainsi captif d'Amour.
Béni soit l'arc, bénies les flèches qui me percèrent,
Bénie la plaie qu'elles m'ont faite au cœur.
Bénis mes mots qui clamèrent sans nombre
À tous échos le nom de ma dame. Bénis
Les soupirs et les larmes et mon désir.
Et bénis soient aussi tous ces écrits
Où j'amasse sa gloire ; et ma pensée
Qui ne sait qu'elle, et donc rien d'aucune autre.
Francesco Pétrarque
(traduction d'Yves Bonnefoy)
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? Psaume 22, 2, Matthieu 27, 46
Le père mourut dans la boue de Champagne
Le fils mourut dans la crasse d'Espagne
Le petit s'obstinait à rester propre
Les Allemands en firent du savon
Paul Valet
Ils dinèrent un peu plus tard, sous les arcades, dans le petit restaurant où ils avaient coutume de se retrouver, en fin de journée, deux jours sur trois. Mlle d'Urruty ne dit pas un mot de tout le repas, mangea comme un ogre, et but une pleine bouteille d'Irouléguy à elle seule. Rentrés à l'appartement, vers vingt et une heure, ils gagnèrent immédiatement la chambre à coucher et procédèrent aux rites qui précédaient pour la mise au lit. La lumière éteinte, M. Dufourq, soit indulgence, soit pitié, soit impuissance à exprimer par des mots les sentiments complexes qui l'animaient, tendit la main droite et pour la première fois depuis qu'ils étaient mariés, posa cette main sur le front de son épouse, et lui effleura les cheveux.
Mlle d'Urruty resta immobile quelques secondes,le corps sec, tendu à se rompre, puis elle poussa un sourd gémissement, pivota sur le côté et, pour la première fois depuis qu'elle avait épousé M. Dufourcq, se rapprocha de lui à le toucher. Elle tendit, elle aussi, la main droite et, sans trembler, la posa sur le ventre du vieil homme.
Pierre Bourgeade, L'Empire des livres
Vos beaux yeux sur ma franchise
N’adressent pas bien leurs coups,
Tête chauve et barbe grise
Ne sont pas viande pour vous ;
Quand j’aurais l’heure de vous plaire,
Ce serait perdre du temps ;
Iris, que pourriez-vous faire
D’un galant de cinquante ans ?
Ce qui vous rend adorable
N’est propre qu’à m’alarmer,
Je vous trouve trop aimable
Et crains de vous trop aimer :
Mon cœur à prendre est facile,
Mes vœux sont des plus constants ;
Mais c’est un meuble inutile
Qu’un galant de cinquante ans.
Si l’armure n’est complète,
Si tout ne va comme il faut,
Il vaut mieux faire retraite
Que d’entreprendre un assaut :
L’amour ne rend point la place
À de mauvais combattants,
Et rit de la vaine audace
Des galants de cinquante ans.
Pierre Corneille
La poésie est le miroir brouillé de notre société.
Et chaque poète souffle sur ce miroir : son haleine différemment l’embue.
-- Louis Aragon
Dans la place qui reste là
Entre quatre lignes
Un carré où le blanc se joue
La main qui soutenait ta joue
Lune
Une figure qui s'allume
Le profil d'un autre
Mais tes yeux
Je suis la lampe qui me guide
Un doigt sur la paupière humide
Au milieu
Les larmes roulent dans cet espace
Entre quatre lignes
Une glace
Pierre Reverdy