Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Vertuchou.over-blog.com

L'eau douce

31 Octobre 2018, 02:44am

Publié par vertuchou

L’eau qui a rencontré la mer ne retrouve jamais sa première douceur.
Un poète persan.

Pitié de moi ! j’étais l’eau douce ;
Un jour j’ai rencontré la mer ;
À présent j’ai le goût amer,
Quelque part que le vent me pousse.
 
Ah ! qu’il en allait autrement
Quand, légère comme la gaze
Parmi mes bulles de topaze
Je m’agitais joyeusement.
 
Nul bruit n’accostait une oreille
D’un salut plus délicieux
Que mon cristal mélodieux
Dans sa ruisselante merveille.
 
L’oiseau du ciel, sur moi penché,
M’aimait plus que l’eau du nuage,
Quand mon flot, plein de son image,
Lavait son gosier desséché.
 
Le poète errant qui me loue
Disait, un jour qu’il m’a parlé :
« Tu sembles le rire perlé
D’un enfant qui jase et qui joue.
 
« Moi, je suis l’ardent voyageur,
Incliné sur ta nappe humide,
Qui te jure, ô ruisseau limpide,
De bénir partout ta fraîcheur. »
 
Doux voyageur, si ta mémoire
S’abreuve de mon souvenir,
Bénis Dieu d’avoir pu me boire,
Mais défends-toi de revenir.
 
Mon cristal limpide et sonore
Où s’étalait le cresson vert
Dans les cailloux ne coule encore
Que sourdement, comme l’hiver.
 
L’oiseau dont la soif est trompée
Au nuage a rendu son vol,
Et la plume du rossignol
Dans mon onde n’est plus trempée.
 
Cette onde qui filtrait du ciel
Roulait des clartés sous la mousse...
J’étais bien mieux, j’étais l’eau douce,
Et me voici traînant le sel.

Marceline Desbordes-Valmore

Voir les commentaires

Il m’a dit

30 Octobre 2018, 02:14am

Publié par vertuchou

Il m’a dit : « Cette nuit, j’ai rêvé. J’avais ta chevelure autour de mon cou. J’avais tes cheveux comme un collier noir autour de ma nuque et sur ma poitrine.
« Je les caressais, et c’étaient les miens ; et nous étions liés pour toujours ainsi, par la même chevelure la bouche sur la bouche, ainsi que deux lauriers n’ont souvent qu’une racine.
« Et peu à peu, il m’a semblé, tant nos membres étaient confondus, que je devenais toi-même ou que tu entrais en moi comme mon songe. »

Pierre Louÿs, Les chansons de Bitilis

Voir les commentaires

Ce soir, dans ce monde

29 Octobre 2018, 01:59am

Publié par vertuchou

à Martha Isabel Moïa

Ce soir dans ce monde
les mots du rêve de l’enfance de la mort
il n’est jamais « ça », ce que l’on veut dire
la langue natale châtre
la langue est un organe de connaissance
de l’échec de tout poème
castré par sa propre langue
qui est l’organe de la ré-création
de la re-connaissance
mais non celui de la résurrection
de quelque chose en guise de négation
de mon horizon de maldoror avec son chien
et rien n’est promesse
entre le dicible
qui équivaut à mentir
(tout ce que l’on peut dire est mensonge)
le reste est silence
sauf que le silence n’existe pas

non
les mots
ne font pas l’amour
ils font l’absence
si je dis « eau », boirais-je?
si je dis « pain », mangerais-je?

ce soir dans ce monde
extraordinaire silence, que celui de cette nuit!
ce qui se passe avec l’âme est-ce qu’on ne la voit pas
ce qui se passe avec l’esprit est-ce qu’on ne le voit pas
d’où vient-elle cette conspiration d’invisibilités?
aucun mot n’est visible

ombres
enceintes visqueuses où se cache
la pierre de la folie
couloirs sombres
je les ai parcourus tous
ô reste un peu plus parmi nous!

ma personne est blessée
ma première personne du singulier

j’écris comme qui… avec un couteau empoigné dans le noir
j’écris comme je suis en train de dire
la sincérité absolue continuerait étant
l’impossible
ô reste un peu plus parmi nous!

les ébrèchements des mots
en délogeant le palais du langage
la connaissance entre les jambes
qu’as-tu fais du don du sexe?
ô mes morts!
je les ai mangés, j’ai avalé de travers
j’en peux plus, de n’en pouvoir plus
des mots muselés
tout glisse
vers la sombre liquéfaction

et le chien de maldoror
ce soir dans ce monde
où tout est possible
hormis le poème

je parle
en sachant qu’il ne s’agit pas de ça
toujours, il ne s’agit pas de ça
ô aide-moi à écrire le poème le plus oubliable!
celui qui ne soit pas bon, même pas
à être inutile
aide-moi à écrire des mots
ce soir dans ce monde

Alejandra Pizarnik de Árbol de Fuego
Caracas, diciembre 1971.

Traduction : Carlos Alvarado

 

Voir les commentaires

The Curse

28 Octobre 2018, 02:53am

Publié par vertuchou

Voir les commentaires

Quoi donc ! ma lâcheté sera si criminelle

27 Octobre 2018, 02:42am

Publié par vertuchou

 Quoi donc ! ma lâcheté sera si criminelle ;
Et les vœux que j’ai faits pourront si peu sur moi,
Que je quitte ma dame, et démente la foi
Dont je lui promettais une amour éternelle ?

Que ferons-nous, mon cœur ? Avec quelle science
Vaincrons-nous les malheurs qui nous sont préparés ?
Courrons-nous le hasard comme désespérés ?
Ou nous résoudrons-nous à prendre patience ?

Non, non ; quelques assauts que me donne l’envie,
Et quelques vains respects qu’allègue mon devoir,
Je ne céderai point, que de même pouvoir
Dont on m’ôte ma dame on ne m’ôte la vie.

Mais où va mon fureur ? Quelle erreur me transporte,
De vouloir en géant aux astres commander ?
Ai-je perdu l’esprit, de me persuader
Que la nécessité ne soit pas la plus forte?

Achille, à qui la Grèce a donné cette marque
D’avoir eu le courage aussi haut que les cieux,
Fut en la même peine, et ne put faire mieux
Que soupirer neuf ans dans le fond d’une barque.

Je veux, du même esprit que ce miracle d’armes,
Chercher en quelque part un séjour écarté
Où ma douleur et moi soyons en liberté,
Sans que rien qui m’approche interrompe mes larmes.

Bien sera-ce à jamais renoncer à la joie
D’être sans la beauté dont l’objet m’est si doux :
Mais qui m’empêchera qu’en dépit des jaloux
Avecque le penser mon âme ne la voie ?

Le temps qui toujours vole, et sous qui tout succombe
Fléchira cependant l’injustice du sort,
Ou d’un pas insensible avancera la mort
Qui bornera ma peine au repos de la tombe.

La fortune en tous lieux à l’homme est dangereuse :
Quelque chemin qu’il tienne il trouve des combats ;
Mais, des conditions où l’on vit ici-bas,
Certes celle d’aimer est la plus malheureuse.

François de Malherbe

Voir les commentaires

L'avenir de la poésie

26 Octobre 2018, 02:22am

Publié par vertuchou

L'avenir de la poésie est identique à son passé :

le temps n'existe pas pour elle. La poésie est.

-- Roberto Juarroz

Voir les commentaires

Et naguère aux midis de résine imprégnés

25 Octobre 2018, 02:55am

Publié par vertuchou

Et naguère aux midis de résine imprégnés,
Après les bois de pins torrides, je baignais
Mes mains dans tes cheveux comme dans une eau pure,
Ô toi que mon amour ce soir caresse et pare.
Tu trempais en riant des roses dans du sucre
Et tu mordais dans leur fraîcheur à blanche nacre
Et quand tu me tendais tes lèvres, j’y goûtais
Les roses dont l’arôme embaume les étés.
                             

Tristan Derème

Voir les commentaires

Concerto pour deux violons en La mineur RV522

24 Octobre 2018, 02:41am

Publié par vertuchou

Voir les commentaires

Aux rayons du couchant

23 Octobre 2018, 02:39am

Publié par vertuchou

Aux rayons du couchant, le long de cette ornière,
Je vous vois, peupliers revêtus de lumière ;
Dans la pénombre, oiseaux, votre cri répété
Pour la dernière fois a salué l’Été !

Va, brode l’horizon, brume délicieuse,
D’émeraude et d’onyx poussière précieuse :
Je veux me disperser ce soir dans le malheur
De l’automne qui vient, de l’automne en sa fleur.

Jean Moréas

Voir les commentaires

Il n’existe aucun moyen de vérifier

22 Octobre 2018, 02:15am

Publié par vertuchou

Il n’existe aucun moyen de vérifier quelle décision est la bonne car il n’existe aucune comparaison. Tout est vécu tout de suite pour la première fois et sans préparation. Comme si un acteur entrait en scène sans jamais avoir répété.

Mais que peut valoir la vie, si la première répétition de la vie est déjà la vie même ? C’est ce qui fait que la vie ressemble toujours à une esquisse. Mais même “esquisse” n’est pas le mot juste, car une esquisse est toujours l’ébauche de quelque chose, la préparation d’un tableau, tandis que l’esquisse qu’est notre vie n’est une esquisse de rien, une ébauche sans tableau.

Milan Kundera,  L’insoutenable légèreté de l’être

Voir les commentaires

1 2 3 > >>