Coups de cœur
Allons plus vite
Et le soir vient et les lys meurent
Regarde ma douleur beau ciel qui me l’envoies
Une nuit de mélancolie
Enfant souris ô sœur écoute
Pauvres marchez sur la grand-route
Ô menteuse forêt qui surgis à ma voix
Les flammes qui brûlent les âmes
Sur le boulevard de Grenelle
Les ouvriers et les patrons
Arbres de mai cette dentelle
Ne fais donc pas le fanfaron
Allons plus vite nom de Dieu
Allons plus vite
Tous les poteaux télégraphiques
Viennent là-bas le long du quai
Sur son sein notre République
A mis ce bouquet de muguet
Qui poussait dru le long du quai
Allons plus vite nom de Dieu
Allons plus vite
La bouche en cœur Pauline honteuse
Les ouvriers et les patrons
Oui-dà oui-dà belle endormeuse
Ton frère
Allons plus vite nom de Dieu
Allons plus vite
Guillaume Apollinaire
Parlez-nous des enfants
Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l'appel de la Vie à elle-même,
Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu'ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.
Khalil Gibran
Fiesta
Et les verres étaient vides
Et la bouteille brisée
Et le lit était grand ouvert
Et la porte fermée
Et toutes les étoiles de verre
Du bonheur et de la beauté
Resplendissaient dans la poussière
De la chambre mal balayée
Et j'étais ivre mort
Et j'étais feu de joie
Et toi ivre vivante
Toute nue dans mes bras.
Jacques Prévert
Jarabi
Nyx
À Louise aussi de Lyon et d’Italie
Ô mes nuits, ô noires attendues
Ô pays fier, ô secrets obstinés
Ô longs regards, ô foudroyantes nues
Ô vol permis outre les cieux fermés.
Ô grand désir, ô surprise épandue
Ô beau parcours de l’esprit enchanté
Ô pire mal, ô grâce descendue
Ô porte ouverte où nul n’avait passé
Je ne sais pas pourquoi je meurs et noie
Avant d’entrer à l’éternel séjour.
Je ne sais pas de qui je suis la proie.
Je ne sais pas de qui je suis l’amour.
Catherine Pozzi
La poésie possède une force
La poésie possède une force de percussion et de vibration, qui fait ressentir,
et, dès le plus jeune âge, son caractère profond.
Qu'on la lise ou qu'on l'écoute, elle reste partageable par tous.
- Jean-Pierre Siméon
Ciel bas
C'est un amour qui va sur les pieds de soie,
Heureux de son exil dans les rues.
Un amour petit et pauvre que mouille une pluie de passage
Et il déborde sur les passants:
Mes présents sont plus grands que moi.
Mangez mon blé,
Buvez mon vin
Car mon ciel repose sur mes épaules et ma terre vous
appartient...
As-tu humé le sang du jasmin indivis
Et pensé à moi ?
Attendu en ma compagnie un oiseau à la queue verte
Et qui n'a pas de nom ?
C'est un amour pauvre qui fixe le fleuve
Et il s'abandonne aux évocations: Où cours-tu ainsi,
Jument de l'eau ?
Sous peu, la mer t'absorbera.
Va lentement vers ta mort choisie,
Jument de l'eau!
Étais-tu mes deux rives
Lorsque les lieux étaient tels qu'ils se devaient d'être,
Légers légers aux souvenirs ?
Quelles chansons aimes-tu ?
Quelles chansons ? Celles qui chantent
La soif de l'amour ou
Celles qui chantent le temps révolu ?
C'est un amour pauvre et non partagé,
Calme calme, qui ne brise pas
Le verre de tes jours choisis,
Ni attise le feu d'une lune froide
Dans ton lit.
Tu ne devines pas sa présence si, à sa place peut-être, une
obsession te fait pleurer
Tu ne sais ce que tu ressens lorsque, de tes bras, tu n'enlaces
Que toi !
Quelles nuits, désires-tu, quelles nuits ?
Et de quelle couleur sont ces yeux dont tu rêves,
Lorsque tu rêves ?
C'est un amour pauvre et partagé
Qui réduit le nombre des désespérés
Et hisse le trône des colombes sur les deux côtés.
A toi donc, de conduire
Ce printemps rapide vers ceux que tu aimes.
Quels temps désires-tu, quels temps ?
Que j'en sois le poète, ainsi et ainsi: chaque fois
Qu'une femme s'en va, au soir, vers son secret,
Elle trouve un poète marchant dans ses obsessions.
Et chaque fois qu'un poète va au plus profond de lui,
Il trouve une femme se dénudant devant se poème...
Quels exils désires-tu ?
M'accompagneras-tu, partiras-tu seule
Quand dans ton nom, un exil couronne l'autre
De tous ses feux ?
C'est un amour qui passe par nous
Sans que nous le remarquions.
Et il ne sait et nous ne savons
Pourquoi une rose dans un vieux mur nous disperse,
Pourquoi une jeune fille en pleurs à l'arrêt d'un bus
Croque une pomme puis pleure et puis rit:
Ce n'est rien, rien qu'une
Abeille qui vient de traverser mon sang...
C'est un amour pauvre qui observe
Longuement les passants et prend
Le plus jeune pour lune: Tu as besoin
D'un ciel moins élevé.
Sois mon ami et tu pourras contenir
L'égoïsme de deux êtres qui ne savent
A qui offrir leurs fleurs...
Il parlait peut-être de moi, peut-être
De nous, mais nous ne le savions pas.
C'est un amour...
Mahmoud Darwich
Compositie 9, blauwe façade
Ma belle un jour dessus son lit j'approche
Ma belle un jour dessus son lit j'approche
Qui me baisant là sous moi frétillait
Et de ses bras mon col entortillait
Comme un Lierre une penchante Roche.
Au fort de l'aise et la pâmoison proche
Il me sembla que son oeil se fermait,
Qu'elle était froide et qu'elle s'endormait
Dont courroucé je lui fis ce reproche :
Vous dormez donc ! Quoi Madame êtes-vous
Si peu sensible à des plaisirs si doux ?
Lors me jetant une oeillade lascive
Elle me dit : Non non mon cher désir
Je ne dors pas mais j'ai si grand plaisir
Que je ne sais si je suis morte ou vive.
Jean Auvray