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poetes d'aujourd'hui

Il y a

25 Juillet 2011, 05:47am

Publié par vertuchou

Il y a entre "nous" et "toi" ce temps étrange.

Par-delà les monts d'étain noir où l'orage a planté ses lances

Il y a cette épaisse nuit, gorgée de feuillage, d'humide

Et tout un bruissement secret de fers, de peurs, de boucliers.

Je voudrais retrouver l'aurore intacte par-dessous ta tête

Mais je ne sais si la mésange aura passé le dur minuit

Ni si, de son bec entrouvert, tombera le fil du soleil.

Luc Bérimont

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Les chants des hommes

22 Juillet 2011, 06:42am

Publié par vertuchou

Les chants des hommes sont plus beaux qu'eux-mêmes
plus lourds d'espoir
plus tristes
plus durables
Plus que les hommes j'ai aimé leurs chants
J'ai pu vivre sans les hommes
jamais sans les chants
Il m'est arrivé d'être infidèle à ma bien-aimée
jamais au chant que j'ai chanté pour elle
Jamais non plus les chants ne m'ont trompé.
Quel que soit leur langage
J'ai toujours compris tous les chants
Rien en ce monde
De tout ce que j'ai pu boire et manger
De tous les pays où j'ai voyagé
De tout ce que j'ai pu voir et entendre
De tout ce que j'ai pu toucher et comprendre
Rien Rien
Ne m'a rendu jamais aussi heureux
que les chants ...

 

Nazim Hikmet

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Les quatre éléments

17 Juillet 2011, 06:29am

Publié par vertuchou

L'air c'est rafraîchissant
Le feu c'est dévorant
La terre c'est tournant
L'eau - c'est tout différent
L'air c'est toujours du vent
Le feu c'est toujours bougeant
La terre c'est toujours virant
L'eau - c'est tout différent
L'air c'est toujours changeant
Le feu c'est toujours mangeant
La terre c'est toujours germant
L'eau - c'est tout différent
Et combien davantage encore ces drôles d'hommes
Espèces de vivants
Qui ne se croient jamais dans leur vrai élément.

 

Claude Roy

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Incertitude

15 Juillet 2011, 06:10am

Publié par vertuchou

T’absentant,
tu m’habites.
Tendrement.
Comme présent.
Dis-moi vite…
et ne mens :
M’absentant,
je t’habite
mêmement ?
Ne sachant,
je m’irrite.
Questionnant
bassement.
Etouffant
mes élans.
Bâillonnant
mes redites.
T’assommant.
M’assommant.
Qu’il est fort
mon tourment !
Et pourtant…
Mais encore…
Dis-moi vite :
M’absentant,
je t’habite ?

 

Esther GRANEK

 

Constatation

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Le menacé / El amenazado

12 Juillet 2011, 06:04am

Publié par vertuchou

C’est l’amour. Je devrai me cacher ou fuir.

Les murs de ma prison grandissent, comme en un rêve atroce. Le beau masque a changé, mais comme toujours c’est le seul. De quoi peuvent me servir mes talismans :  l’exercice des lettres, la vague érudition, l’apprentissage des mots dont l’âpre Nord se servit pour chanter ses mers et ses épées, la sereine amitié, les galeries de la Bibliothèque, les choses courantes, les coutumes, le jeune amour de ma mère, l’ombre militaire de mes morts, la nuit intemporelle, la saveur du sommeil ?

Etre avec toi ou ne pas être avec toi est la mesure de mon temps.

Déjà la cruche se brise sur la fontaine, déjà l’homme se lève à la voix de l’oiseau, déjà s’assombrissent ceux qui regardent aux fenêtres mais l’ombre n’a pas apporté la paix.

C’est, je le sais bien, l’amour : le désir anxieux d’entendre sa voix, l’attente et la mémoire, l’horreur de vivre dans la succession.

C’est l’amour avec ses mythologies, avec ses petites magies inutiles.

Il y a un coin de rue où je n’ose passer.

Déjà les armées m’encerclent, les hordes.

(Cette chambre est irréelle, elle ne l’a pas vue.)

Le nom d’une femme me dénonce.

J’ai mal à une femme dans tout mon corps.

 

Jorge Luis BORGES

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Défense du poète

6 Juillet 2011, 05:08am

Publié par vertuchou

Ecrire son poème, est-ce une trahison,
comme devant la mise à mort d'un innocent
on détourne les yeux ? Aligner quelques mots
qui lâchent le réel pour un gramme d'azur,
est-ce dresser un paravent contre le monde
affolé dans son bain, parmi l'écume noire ?
Traiter sa fable favorite en libellule
par-dessus la rivière, est-ce oublier le pain
qui manque à l'homme ? Remplacer le vrai printemps
par un printemps verbal aux toucans invisibles
qui sont peut-être un peu de feu, est-ce insulter
notre nature ? Aimer une voyelle blanche
comme on aime sa fille, est-ce être dédaigneux
de notre amour universel, qui nous saccage ?

 

Alain Bosquet

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Quand tu me tenais par la main

1 Juillet 2011, 05:06am

Publié par vertuchou

Quand tu me tenais par la main
La mer débordait en moi
Quand tu me tenais par la main, mon cœur
S'accrochant aux algues vertes,
Voulait suivre les courants de fond des jours entiers.

Des jours entiers, je me demandais quelle était la source de cette
flamme secrète qui embrasait tes pupilles. Des nuits entières,
je cherchais mon chemin sur les collines ardues et infranchissables. Et puis
les lumières s'éteignaient, et puis les étoiles tombaient dans les lacs
frais qui sont en moi. Quand tu me tenais par la main, était-ce moi ou un
autre qui marchait avec toi sans mettre le pied sur les vagues et le vent?

Quand tu me tenais par la main
Une couleur bleue tombait sur mes yeux
Puis, toutes les mers  se retiraient
Une forêt était agitée par les rumeurs
Une bande de pigeons s'envolait de mon cœur glacé
Quand tu me tenais par la main
Les feuilles rousses d'un platane tombaient
Sur les dalles blanches de la cour
Et moi j'aurais voulu mourir en m'enfonçant dans ces feuilles

Nous étions comme des maisons anciennes aux volets restés ouverts
Et fouettés par le vent, vagabonds et timides
Quand tu me tenais par la main
Une fleur perçait à travers les rochers

Quand tu me tenais par la main
L'envie me prenait de voyager
En m'accrochant des jours entiers aux nuages gris...

 

Tugrul TANYOL

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Nuance matinale

27 Juin 2011, 05:57am

Publié par vertuchou

Train de banlieue
Visages couverts de nuages sphériques
bulles de grisaille amphigouriques
Les regards sont concentrés
Lectures
Personne ne semble remarquer ma présence
dans cette réalité excisée

L’explosion pourrait se produire à tout moment

Où regarder pour honorer le paysage
Où respirer pour ne pas s’empoisonner
Où descendre pour ne pas oublier d’exister

Je ne descends pas au centre
Je reviens

Où tout est un, sublime, vivifié
Où j’appartiens
Où la foule n’est jamais solitaire
Où l’évidence fleurit le destin
Eveillée par un rayon de soleil
Ce matin, les matins, toujours

 

Sybille REMBARD

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La noche / la nuit

23 Juin 2011, 05:44am

Publié par vertuchou

"La noche no era el sueño
era su boca
era su hermoso cuerpo despojado
de sus gestos inútiles
era su cara pálida mirándome en la sombra.
La noche era su boca
su fuerza y su pasión
era sus ojos serios
esas piedras de sombra
cayéndose en mis ojos
y era su amor en mí
invadiendo tan lenta
tan misteriosamente

 

 

Knights point



La nuit n'était pas le sommeil
c'était sa bouche
c'était son beau corps dépouillé
de ses gestes inutiles
c'était son visage pâle en me regardant dans l'ombre.
La nuit était sa bouche
sa force et sa passion
c'était ses yeux sévères
ces pierres d'ombre
tombant dans mes yeux
et c'était son amour
m' envahissant avec lenteur
si mystérieusement "

Idea Vilariño

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Le Réveil / El Despertar

17 Juin 2011, 05:43am

Publié par vertuchou

Ô Seigneur
la cage est devenue oiseau
et s´est envolée
et mon cœur est devenu fou
il hurle à la mort
et sourit à mes délires
à l´insu du vent…


Que ferai-je de ma peur ?
Que ferai-je de ma peur ?


La lumière de mon sourire ne danse plus
les saisons ne brûlent plus les colombes de mes songes.
Mes mains se sont dénudées
et sont allées là où la mort
enseigne à vivre aux morts.


Ô Seigneur
l´espace condamne mon être.
Et derrière lui des monstres
boivent mon sang
C´est le désastre.
C´est l´heure du vide sans vide,
il est temps de verrouiller mes lèvres,
d´écouter crier les condamnés,
contempler chacun de mes noms
suspendus dans le néant...


Ô Seigneur
jette les cercueils de mon sang…
Je me souviens de mon enfance,
lorsque j´étais vieille
et que les fleurs mouraient entre mes mains
car la danse sauvage de mon allégresse
leur détruisait le cœur.


Je me souviens des sombres matins de soleil
quand j´étais petite fille,
c´était hier,
c´était il y a des siècles.


Ô Seigneur
la cage est devenue oiseau
et a dévoré mes espérances.


Ô Seigneur
la cage est devenue oiseau
et que ferai-je de ma peur ?
Les Aventures perdues

 

Alejandra Pizarnik

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