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poetes d'hier

D'un vanneur de blé aux vents

29 Janvier 2011, 05:46am

Publié par vertuchou

À vous, troupe légère,
Qui d’aile passagère
Par le monde volez,
Et d’un sifflant murmure
L’ombrageuse verdure
Doucement ébranlez,

J’offre ces violettes,
Ces lis et ces fleurettes,
Et ces roses ici,
Ces merveillettes roses,
Tout fraîchement écloses.
Et ces œillets aussi.

De votre douce haleine
Éventez cette plaine,
Éventez ce séjour,
Cependant que j’ahanne
À mon blé que je vanne
À la chaleur du jour.

Joachim du Bellay

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Salut

22 Janvier 2011, 05:44am

Publié par vertuchou

Rien, cette écume, vierge vers
À ne désigner que la coupe;
Telle loin se noie une troupe
De sirènes mainte à l'envers.

Nous naviguons, ô mes divers
Amis, moi déjà sur la poupe
Vous l'avant fastueux qui coupe
Le flot de foudres et d'hivers;

Une ivresse belle m'engage
Sans craindre même son tangage
De porter debout ce salut

Solitude, récif, étoile
À n'importe ce qui valut
Le blanc souci de notre toile.

Stéphane Mallarmé

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Élévation

17 Janvier 2011, 05:26am

Publié par vertuchou

Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,

Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.

Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.

 

cimes02

 

Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins ;

Celui dont les pensées, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
- Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !


Charles Baudelaire

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Sonnet

9 Janvier 2011, 06:14am

Publié par vertuchou

Fort
Belle,
Elle
Dort ;
Sort
Frêle !
Quelle
Mort !
Rose
Close,
La
Brise
L'a
Prise.

 

Jules de Rességuier

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A une passante

18 Décembre 2010, 06:14am

Publié par vertuchou

    La rue assourdissante autour de moi hurlait.
    Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
    Une femme passa, d'une main fastueuse
    Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;

    Agile et noble, avec sa jambe de statue.
    Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
    Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,
    La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

    Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
    Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
    Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?

    Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !
    Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
    Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !

     Baudelaire

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Déclarations d'amour

13 Décembre 2010, 06:11am

Publié par vertuchou

Je vous aime, vous... pour l'amour de Dieu, parce que vous êtes mon prochain,

parce que vous êtes l'un de mes proches. Sans l'amour de Dieu, je ne vous aimerais pas,

vous ne m'êtes pas sympathique.

Je vous aime, vous... parce que vous êtes bon, parce que vous êtes sage,

parce que vous agissez bien..., parce que... parce que... parce que...

Je vous aime, vous... parce que vous êtes malheureux. Si vous ne l'étiez pas,

je ne songerais pas à vous, et quand vous ne le serez plus, je vous oublierai.

Je vous aime, vous... parce que vous pensez où je pense, voulez où je veux,

aimez où j'aime et qu'il y a entre nous deux cette merveilleuse harmonie.

Je vous aime, vous... parce que ça me fait plaisir.

Et vous, je vous ai aimé, vous seul, parce que je ne pouvais pas m'en empêcher

malgré le mal que vous aimer m'a fait. Je vous ai aimé sans voir, sans savoir,

sans vouloir, sans pouvoir

Marie Noel

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L’ennemi

6 Décembre 2010, 05:30am

Publié par vertuchou

Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversé çà et là par de brillants soleils ;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.


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 Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?

- Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le cœur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !

 

Baudelaire

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Bonne nuit

27 Novembre 2010, 07:18am

Publié par vertuchou

... L'amour aime l'errance
Ainsi Dieu l'a fait  de l'un à l'autre.
 Douce bien aimée, bonne nuit !
Je ne veux pas déranger tes rêves,
ce serait dommage pour ton repos.

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Tu ne dois pas entendre sonner mon pas,
Doucement, doucement, je ferme la porte !
Et j'écris en m'en allant : Bonne nuit,
Afin que tu puisses voir
que j'ai pensé à toi

Wilhelm Müller

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Dame au balcon

22 Novembre 2010, 06:27am

Publié par vertuchou

Soudain, elle apparaît, enveloppée de vent,
claire dans la clarté, arrachée, semble-t-il,
et sa chambre, taillée en biseau,
remplit la porte derrière elle,

sombre comme le champ d’un camée
dont les bords sont frangés de lumière ;
et tu as l’impression que le soir n’était pas
avant qu’elle apparût pour, sur la balustrade,

déposer encore un peu d’elle-même :
les mains encore — afin d’être légère :
comme offerte au ciel par les files
de maisons, mobile à tous les vents.

Rainer Maria Rilke

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Mon rêve familier

14 Novembre 2010, 08:12am

Publié par vertuchou

 

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.


Car elle me comprend, et mon cœur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.


ella07


Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.

 

Paul Verlaine

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