Il est bon de franchir
Il est bon de franchir chaque jour une étape
Comme l'eau vive qui ne stagne pas.
Hier s'est enfui, l'histoire d'hier elle aussi est passée
Il convient aujourd'hui de conter une histoire nouvelle.
Jalâl ud Dîn Rumi
Coups de cœur
Il est bon de franchir chaque jour une étape
Comme l'eau vive qui ne stagne pas.
Hier s'est enfui, l'histoire d'hier elle aussi est passée
Il convient aujourd'hui de conter une histoire nouvelle.
Jalâl ud Dîn Rumi
Je t’aime d’un amour
que nulle intelligence
ne pourrait exprimer.
Et si j’en dénombrais
toutes les qualités,
mon énumération
n’aurait jamais de fin.
Et la limite extrême
de ma plus grande science,
consiste à reconnaître
en cet amour profond
qu’il me faut renoncer
à comprendre le fin
mot de son existence.
Abou Ishak al-Housri
Nous pencherons sur toi notre corps et notre âme,
Bouche intime, nudité de la nudité,
Tendre et mystérieux repli de la beauté,
Rose coquille où vit la passion des femmes !
Lorsque, pour t’adorer, nous plions le genou,
L’odeur de tout l’amour exalte nos narines,
Et, sous notre baiser, ton plaisir a le goût
De goémons mouillés et des bêtes marines,
Toi de chair délicate et crue, étrange cœur
Du monde, rétractile et secrète gencive,
Bête terrible, bête au guet, bête lascive,
Bête éternelle, — Ô joie !... Ô douleur !... Ô douceur !...
Lucie Delarue-Mardrus
Parle-moi, mon amour !
Dis-moi avec des mots ce que tu chantais.
La nuit est sombre.
Les étoiles sont perdues dans les nuages.
Le vent soupire à travers les feuilles.
Je relâcherai mes cheveux.
Mon manteau bleu s'accrochera autour de moi comme la nuit.
Je serrerai ta tête sur ma poitrine ;
Et là dans la douce solitude
Je murmurerai sur ton cœur.
Je fermerai les yeux et écouterai.
Je ne regarderai pas ton visage.
Quand tes paroles seront terminées,
Nous nous assiérons immobiles et silencieux.
Seuls les arbres chuchoteront dans l'obscurité.
La nuit pâlira.
Le jour se lèvera.
Nous nous regarderons dans les yeux
Et nous irons sur nos chemins différents.
Parle-moi, mon amour !
Dis-moi avec des mots ce que tu chantais.
Rabindranath Tagore
Tout l’Univers obéit à l’Amour ;
Belle Psyché, soumettez-lui votre âme.
Les autres dieux à ce dieu font la cour,
Et leur pouvoir est moins doux que sa flamme.
Des jeunes coeurs c’est le suprême bien
Aimez, aimez ; tout le reste n’est rien.
Sans cet Amour, tant d’objets ravissants,
Lambris dorés, bois, jardins, et fontaines,
N’ont point d’appâts qui ne soient languissants,
Et leurs plaisirs sont moins doux que ses peines.
Des jeunes coeurs c’est le suprême bien
Aimez, aimez ; tout le reste n’est rien.
Jean de La Fontaine
Je pense à toi, toujours. Je t'aime toi qui m'aimes tant.
J'ai toujours le son de ta voix dans l'oreille et,
sur mes lèvres, souvent, l'impression de tes douces lèvres.
Lettre de Gustave Flaubert à Louise Colet, le 25 janvier 1852.
Je suis une page sous ta plume.
J'accepte tout. Je suis une page blanche.
Je le garde tout ton bien précieux.
Je le cultive pour te le rendre au centuple.
Je suis le village, je suis la terre noire.
Tu m'es pluie et soleil.
Tu es Maître et Dieu et moi -
Tchernoziom et papier blanc!
Marina Tsvetaïeva
Le gout de l'héroique et du passionnel
Qui flotte autour des corps, des sons, des foules vives,
Touche avec la brulure et la saveur du sel
Mon cœur tumultueux et mon âme excessive...
Loin des simples travaux et des soucis amers,
J'aspire hardiment la chaude violence
Qui souffle avec le bruit et l'odeur de la mer,
Je suis l'air matinal d' où s'enfuit le silence ;
L'aurore qui renaît dans l'éblouissement,
La nature, le bois,
Les houles de la rue
M'emplissent de leurs cris et de leurs mouvements ;
Je suis comme une voile ou la brise se rue.
Ah ! vivre ainsi
Les jours qui mènent au tombeau,
Avoir le cœur gonfle comme le fruit qu'on presse
Et qui laisse couler son arôme et son eau ;
Loger l'espoir fécond et la claire allégresse !
Serrer entre ses bras le monde et ses désirs
Comme un enfant qui tient une bête retorse,
Et qui mordu, saignant, est ivre du plaisir
De sentir contre soi sa chaleur et sa force.
Accoutumer ses yeux, son vouloir et ses mains
A tenter le bonheur que le risque accompagne ;
Habiter le sommet des sentiments humains
Oh l'air est âpre et vif comme sur la montagne,
Être ainsi que la lune et le soleil levant
Les h6tes du jour d'or et de la nuit limpide ;
Être le bois touffu qui lutte dans le vent
Et les flots écumeux que l'ouragan dévide !
La joie et la douleur sont de grands compagnons,
Mon âme qui contient leurs battements farouches
Est comme une pelouse ou marchent des lions...
J'ai le gout de l'azur et du vent dans la bouche.
Et c'est aussi l'extase et la pleine vigueur
Que de mourir un soir, vivace, inassouvie,
Lorsque le désir est plus large que le cœur
Et le plaisir plus rude et plus fort que la vie...
Anna de Noailles
Mon coeur était jadis comme un palais romain,
Tout construit de granits choisis, de marbres rares.
Bientôt les passions, comme un flot de barbares,
L’envahirent, la hache ou la torche à la main.
Ce fut une ruine alors. Nul bruit humain.
Vipères et hiboux. Terrains de fleurs avares.
Partout gisaient, brisés, porphyres et carrares ;
Et les ronces avaient effacé le chemin.
Je suis resté longtemps, seul, devant mon désastre.
Des midis sans soleil, des minuits sans un astre,
Passèrent, et j’ai, là, vécu d’horribles jours ;
Mais tu parus enfin, blanche dans la lumière,
Et, bravement, afin de loger nos amours,
Des débris du palais j’ai bâti ma chaumière.
François Coppée
Sur chaque objet posé
S’éveille
Une ombre d’automne
Takahama Kyoshi