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poetes d'hier

Ce que c’est que la mort

1 Octobre 2021, 01:53am

Publié par vertuchou

Ne dites pas : mourir ; dites : naître. Croyez.
On voit ce que je vois et ce que vous voyez ;
On est l’homme mauvais que je suis, que vous êtes ;
On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fêtes ;
On tâche d’oublier le bas, la fin, l’écueil,
La sombre égalité du mal et du cercueil ;
Quoique le plus petit vaille le plus prospère ;
Car tous les hommes sont les fils du même père ;
Ils sont la même larme et sortent du même œil.
On vit, usant ses jours à se remplir d’orgueil ;
On marche, on court, on rêve, on souffre, on penche, on tombe,
On monte. Quelle est donc cette aube ? C’est la tombe.
Où suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnu
Vous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu,
Impur, hideux, noué des mille nœuds funèbres
De ses torts, de ses maux honteux, de ses ténèbres ;
Et soudain on entend quelqu’un dans l’infini
Qui chante, et par quelqu’un on sent qu’on est béni,
Sans voir la main d’où tombe à notre âme méchante
L’amour, et sans savoir quelle est la voix qui chante.
On arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sent
Fondre et vivre ; et, d’extase et d’azur s’emplissant,
Tout notre être frémit de la défaite étrange
Du monstre qui devient dans la lumière un ange.

Victor Hugo.

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A une robe rose

29 Septembre 2021, 01:24am

Publié par vertuchou

Que tu me plais dans cette robe
Qui te déshabille si bien,
Faisant jaillir ta gorge en globe,
Montrant tout nu ton bras païen !

Frêle comme une aile d'abeille,
Frais comme un coeur de rose-thé,
Son tissu, caresse vermeille,
Voltige autour de ta beauté.

De l'épiderme sur la soie
Glissent des frissons argentés,
Et l'étoffe à la chair renvoie
Ses éclairs roses reflétés.

D'où te vient cette robe étrange
Qui semble faite de ta chair,
Trame vivante qui mélange
Avec ta peau son rose clair ?

Est-ce à la rougeur de l'aurore,
A la coquille de Vénus,
Au bouton de sein près d'éclore,
Que sont pris ces tons inconnus ?

Ou bien l'étoffe est-elle teinte
Dans les roses de ta pudeur ?
Non ; vingt fois modelée et peinte,
Ta forme connaît sa splendeur.

Jetant le voile qui te pèse,
Réalité que l'art rêva,
Comme la princesse Borghèse
Tu poserais pour Canova.

Et ces plis roses sont les lèvres
De mes désirs inapaisés,
Mettant au corps dont tu les sèvres
Une tunique de baisers.

Théophile Gautier

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Ne la cueille pas

24 Septembre 2021, 01:23am

Publié par vertuchou

Ne la cueille pas
Laisse-la dans le champ
La fleur-fille

Hyôsuy

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Les colchiques

20 Septembre 2021, 01:22am

Publié par vertuchou

Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s'empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit; tes yeux sont comme cette fleur-là
Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne

Les enfants de l'école viennent avec fracas
Vêtus de hoquetons et jouant de l'harmonica
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières
Qui battent comme les fleurs battent au vent dément

Le gardien du troupeau chante tout doucement
Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne

Guillaume Apollinaire

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Il y a des moments où les femmes sont fleurs

14 Septembre 2021, 01:19am

Publié par vertuchou

Il y a des moments où les femmes sont fleurs ;
On n'a pas de respect pour ces fraîches corolles...
Je suis un papillon qui fuit des choses folles,
Et c'est dans un baiser suprême que je meurs.

Mais il y a parfois de mauvaises rumeurs ;
Je t'ai baisé le bec, oiseau bleu qui t'envoles,
J'ai bouché mon oreille aux funèbres paroles ;
Mais, Muse, j'ai fléchi sous tes regards charmeurs.

Je paie avec mon sang véritable, je paie
Et ne recevrai pas, je le sais, de monnaie,
Et l'on me laissera mourir au pied du mur.

Ayant traversé tout, inondation, flamme,
Je ne me plaindrai pas, délicieuse femme,
Ni du passé, ni du présent, ni du futur !

Charles Cros

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La trêve

10 Septembre 2021, 01:17am

Publié par vertuchou

La fatigue nous désenlace.
Reste ainsi, mignonne. Je veux
Voir reposer ta tête lasse
Sur l’or épais de tes cheveux.

Tais-toi. Ce que tu pourrais dire
Sur le bonheur que tu ressens
Jamais ne vaudrait ce sourire
Chargé d’aveux reconnaissants.

Sous tes paupières abaissées
Cherche plutôt à retenir,
Pour en parfumer tes pensées,
L’extase qui vient de finir.

Et pendant ton doux rêve, amie,
Accoudé parmi les coussins,
Je regarderai l’accalmie
Vaincre l’orage de tes seins.

François Coppée

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Le poème secret

6 Septembre 2021, 01:12am

Publié par vertuchou

Voilà de quoi est fait le chant symphonique de l'amour qui bruit dans la conque de Vénus
Il y a le chant de l'amour de jadis
Le bruit des baisers éperdus des amants illustres
Les cris d'amour des mortelles violées par les dieux
Les virilités des héros fabuleux érigées comme des cierges vont et viennent comme une rumeur obscène
Il y a aussi les cris de folie des bacchantes folles d'amour pour avoir mangé l'hippomane sécrété par la vulve des juments en chaleur
Les cris d'amour des félins dans les jongles
La rumeur sourde des sèves montant dans les plantes tropicales
Le fracas des marées
Le tonnerre des artilleries où la forme obscène des canons accomplit le terrible amour des peuples
Les vagues de la mer où naît la vie et la beauté
Et le chant victorieux que les premiers rayons de soleil faisaient chanter à Memnon l'immobile
Il y a le cri des Sabines au moment de l'enlèvement
Le chant nuptial de la Sulamite
Je suis belle mais noire
Et le hurlement précieux de Jason
Quand il trouva la toison
Et le mortel chant du cygne quand son duvet se pressait entre les cuisses bleuâtres de Léda
Il y a le chant de tout l'amour du monde
Il y a entre tes cuisses adorées Madeleine
La rumeur de tout l'amour comme le chant sacré de la mer bruit tout entier dans le coquillage


Guillaume Apollinaire, le 7 décembre 1915, dédié à Madeleine Pagès

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Le point noir

2 Septembre 2021, 01:39am

Publié par vertuchou

Quiconque a regardé le soleil fixement
Croit voir devant ses yeux voler obstinément
Autour de lui, dans l’air, une tache livide.

Ainsi, tout jeune encore et plus audacieux,
Sur la gloire un instant j’osai fixer les yeux :
Un point noir est resté dans mon regard avide.

Depuis, mêlée à tout comme un signe de deuil,
Partout, sur quelque endroit que s’arrête mon œil,
Je la vois se poser aussi, la tache noire !

Quoi, toujours ? Entre moi sans cesse et le bonheur !
Oh ! c’est que l’aigle seul – malheur à nous, malheur !
Contemple impunément le Soleil et la Gloire.

Gérard de Nerval

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La nuit d'hiver

28 Août 2021, 01:14am

Publié par vertuchou

La neige volait, inlassable,
Partout volait.
La chandelle sur notre table
Brûlait, brûlait…

Comme en été les éphémères,
Les flocons blancs
À la fenêtre de lumière
Venaient volant.

Ils la dévoraient d’innombrables
Traits étoilés;
La chandelle sur notre table
Brûlait, brûlait…

Sur le plafond couraient des ombres
De pieds, de mains,
Qui se croisaient dans la pénombre,
Tels nos destins.

Puis, de petits souliers tombaient
Sur le plancher;
Un pleur de cire sur ta robe
Qui s’épanchait…

Dans la rafale impénétrable
Tout basculait;
La chandelle sur notre table
Brûlait, brûlait…

Sur sa flamme soufflait un vent
D,ardeur étrange.
De grandes ailes se croisant,
Comme un ange.

En février d’interminables
Flocons volaient,
La chandelle sur notre table
Brûlait, brûlait…

Boris Pasternak

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Tant la désire et la cherche

26 Août 2021, 01:39am

Publié par vertuchou

Tant la désire et la cherche
Qu'à trop aimer je la perds
Si, ainsi, l'on peut rien perdre ...
Son cœur submerge le mien
D'un flot qui ne s'évapore ..

Arnaud Daniel

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