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poetes d'hier

La jolie rousse

1 Juillet 2021, 01:13am

Publié par vertuchou

Me voici devant tous un homme plein de sens
Connaissant la vie et de la mort ce qu'un vivant peut connaître
Ayant éprouvé les douleurs et les joies de l'amour
Ayant su quelquefois imposer ses idées
Connaissant plusieurs langages
Ayant pas mal voyagé
Ayant vu la guerre dans l'Artillerie et l'Infanterie
Blessé à la tête trépané sous le chloroforme
Ayant perdu ses meilleurs amis dans l'effroyable lutte
Je sais d'ancien et de nouveau autant qu'un homme seul
pourrait des deux savoir
Et sans m'inquiéter aujourd'hui de cette guerre
Entre nous et pour nous mes amis
Je juge cette longue querelle de la tradition et de l'invention
De l'Ordre de l'Aventure
Vous dont la bouche est faite à l'image de celle de Dieu
Bouche qui est l'ordre même
Soyez indulgents quand vous nous comparez
A ceux qui furent la perfection de l'ordre
Nous qui quêtons partout l'aventure
Nous ne sommes pas vos ennemis
Nous voulons nous donner de vastes et d'étranges domaines
Où le mystère en fleurs s'offre à qui veut le cueillir
Il y a là des feux nouveaux des couleurs jamais vues
Mille phantasmes impondérables
Auxquels il faut donner de la réalité
Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait
Il y a aussi le temps qu'on peut chasser ou faire revenir
Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières
De l'illimité et de l'avenir
Pitié pour nos erreurs pitié pour nos péchés
Voici que vient l'été la saison violente
Et ma jeunesse est morte ainsi que le printemps
O Soleil c'est le temps de la raison ardente
Et j'attends
Pour la suivre toujours la forme noble et douce
Qu'elle prend afin que je l'aime seulement
Elle vient et m'attire ainsi qu'un fer l'aimant
Elle a l'aspect charmant
D'une adorable rousse
Ses cheveux sont d'or on dirait
Un bel éclair qui durerait
Ou ces flammes qui se pavanent
Dans les roses-thé qui se fanent
Mais riez de moi
Hommes de partout surtout gens d'ici
Car il y a tant de choses que je n'ose vous dire
Tant de choses que vous ne me laisseriez pas dire
Ayez pitié de moi…

Guillaume Apollinaire,

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La bouche

25 Juin 2021, 01:31am

Publié par vertuchou

Ni sa pensée, en vol vers moi par tant de lieues,
Ni le rayon qui court sur son front de lumière,
Ni sa beauté de jeune dieu qui la première
Me tenta, ni ses yeux – ces deux caresses bleues ;

Ni son cou ni ses bras, ni rien de ce qu’on touche,
Ni rien de ce qu’on voit de lui ne vaut sa bouche
Où l’on meurt de plaisir et qui s’acharne à mordre,

Sa bouche de fraîcheur, de délices, de flamme,
Fleur de volupté, de luxure et de désordre,
Qui vous vide le cœur et vous boit jusqu’à l’âme…

marie Nizet

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J’ai survécu à mes désirs

21 Juin 2021, 01:04am

Publié par vertuchou

J’ai survécu à mes désirs
Et quitté mes rêves. Lucide,
Il ne me reste qu’à souffrir
Devant les fruits de mon cœur vide.

Couronne effeuillée au matin
Sous l’orge d’un soir contraire…
Déjà je vis en solitaire,
Et tristement j’attends la fin.

L’orage siffle sur la terre.
Frappée par la rigueur du sort,
Tremble sur l’arbre, seule encor,
Une feuille retardataire.

Alexandre Pouchkine

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Le miel sauvage sent la liberté

17 Juin 2021, 01:35am

Publié par vertuchou

Le miel sauvage sent la liberté.
La poussière, un rayon de soleil;
La violette, une bouche de fille;
L'or, rien.
Le réséda sent l'eau,
L'amour sent la pomme.
Mais nous savons pour toujours
Que le sang ne sent que la sang.

Le procureur romain
S'est lavé les mains pour rien
Devant tout le peuple,
Sous les cris menaçants de la canaille;
Et la reine d'Ecosse a frotté pour rien
Sur ses paumes étroites
Les éclaboussures rouges,
Dans l'ombre étouffante du palais royal.

Anna Akhmatova

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Distiques

12 Juin 2021, 01:53am

Publié par vertuchou

Tu veux que je te fasse un amoureux poème.
Ecoute donc plutôt si mon silence t'aime !

Je ne saurais donner au sage alexandrin
Les plaintes du plaisir, le rythme de nos reins !

Quand, sous mon corps élu, je sens battre ta joie,
Exprimer mon désir qui t'effleure et te broie ?

Sois ma maîtresse douce et folle; au lieu de mots
Accepte sur ta chair d'extatiques sanglots !
Et lorsque je retombe avec toi — si ma bouche,
Eloquence muette, est celle qui te touche,

Laisse moi parcourir ton être harmonieux
De tes pieds recourbés à tes courbes cheveux.

Nerfs d'accord, bien tendus : musique, sortilège,
Harpe dont je détiens le secret des arpèges —
Pour toi, l'art de mes mains, orgueilleux instrument,
Fait l'amour en poète, et les vers en amant !

Natalie Clifford Barney

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Je suivais l'étoile filante

7 Juin 2021, 01:55am

Publié par vertuchou

Je suivais l'étoile filante,
Rapide elle a fui comme un trait,
Je n'ai pu terminer, trop lente,
De murmurer un vœu secret.

Elle passa l'étoile fée,
Oh ! que ne puis-je m'élancer
Quittant la route inachevée,
M'envoler, m'enfuir, m'effacer...

Eudoxie Rostopchina, Comtesse de Ségur

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Si je pouvais t'offrir le bleu secret du ciel

3 Juin 2021, 22:59pm

Publié par vertuchou

Si je pouvais t'offrir le bleu secret du ciel, Brodé de lumière d'or et de reflets d'argent, Le mystérieux secret, le secret éternel, De la vie et du jour, de la nuit et du temps, Avec tout mon amour je le mettrais à tes pieds. Mais moi qui suis pauvre et n'ai que mes rêves, Sous tes pas je les ai déroulés. Marche doucement car tu marches sur mes rêves.

William Butler Yeats

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Absence

30 Mai 2021, 01:43am

Publié par vertuchou

Ils sont tristes, tristes et lourds,
Les après-midis des Dimanches,
Aux auréoles toutes blanches,
Mais sans parfums et sans musique,
Puisque, de ta voix harmonique,
Je n'entends plus les chants d'amour.
Et ternes, ils sont, et moroses,
Sans clair soleil et sans beauté,
Depuis que l'exquise clarté
De tes yeux s'est évanouie
Et qu'en le jardin de ma vie,
L'absence a fait pleurer les roses.

Maria Biermé


 

 

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L'extase d'un baiser

26 Mai 2021, 01:36am

Publié par vertuchou

Au point que j'expirais, tu m'as rendu le jour
Baiser, dont jusqu'au coeur le sentiment me touche,
Enfant délicieux de la plus belle bouche
Qui jamais prononça les Oracles d'Amour.

Mais tout mon sang s'altère, une brûlante fièvre
Me ravit la couleur et m'ôte la raison ;
Cieux ! j'ai pris à la fois sur cette belle lèvre
D'un céleste Nectar et d'un mortel poison.

Ah ! mon Ame s'envole en ce transport de joie !
Ce gage de salut, dans la tombe m'envoie ;
C'est fait ! je n'en puis plus, Élise je me meurs.

Ce baiser est un sceau par qui ma vie est close :
Et comme on peut trouver un serpent sous des fleurs,
J'ai rencontré ma mort sur un bouton de rose.

François Tristan L'Hermite

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Ô toi qui vas à Gao

22 Mai 2021, 01:22am

Publié par vertuchou

Ô toi qui vas à Gao,

fais un détour vers Tombouctou :

murmure mon nom à tes amis,

et porte le salut parfumé de l'exilé

qui soupire après le sol,

où résident ses amis, sa faille, ses voisins.

 

Ahmad Baba

 

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