Le point extrême où tend le poète
Le point extrême où tend le poète est de pouvoir dire
Fiat lux et que la lumière soit.
Georges Seferis, journal
Coups de cœur
Le point extrême où tend le poète est de pouvoir dire
Fiat lux et que la lumière soit.
Georges Seferis, journal
Ne plus te chercher
ni en toi
ni en moi
Abandonné
Au battement solidaire
entre deux abîmes
La vie promise
La vie donnée
Au plus obscur de l'heure
du lieu
Au plus insu
de soi
François Cheng
Ma plume est une arme de poing
Mes mots parfois sont des grenades
Dans ce monde cruel et crétin
Ma guitare est en embuscade
Contre toutes les barbaries
Contre les silences assassins
Le conformisme des nantis
Et l’ignorance des gens de rien
Car si jamais une chanson
N’a fait tomber un dictateur
Si la tyrannie, l’oppression
Vivent toujours de belles heures
Je sais que j’écrirai toujours
Comme un acte de résistance
Outre quelques chansons d’amour
À l’encre noire de la violence
C’est pas donné aux animaux
C’est la mission des baladins
De combattre avec des mots
De faire des couplets des coups d’poing
J’ai retrouvé mon flingue
Il était dans mes rimes
Attention je déglingue
Je dégomme, je décime
Renaud
Jeune fille plus belle que toutes nos légendes
de retour à la maison que protègent les mères
secrète et enjouée parmi les êtres de l'été
elle aimait bien celui qui cache son visage
sur mon corps il ne reste que bruine d'amour
au loin les songes se rassemblent à sa taille
pour les bouquets d'eau de ses yeux trop beaux
les yeux qu'elle a lui font trop mal à l'âme
jeune fille plus perdue que toute la neige
les ans s'encordent sur mes longueurs de solitude
et toujours à l'orée de ta distance lointaine
tes mille essaims de sourires encore m'escortent
j'en parle à cause d'un village de montagnes
d'où s'envolent des rubans de route fragiles
toi et moi nous y fûmes plusieurs fois la vie
avec les bonheurs qui d'habitude arrivent
je parle de ces choses qui nous furent volées
mais les voudra la mort plus que l'ombre légère
nous serons tous deux allongés comme un couple
enfin heureux dans la mémoire de mes poèmes
Gaston Miron
Vous m’aviez dict que vous m’aymiés bien fort,
Bien fort, bien fort, et ainsy je l’ay creu,
Mais tost après vous feistes vostre effort
D’en dire autant en un lieu que j’ay veu :
Bien fort, bien fort, vous l’aymés, je l’ay sceu.
Il vous fault trop de forces pour deux lieux
Si fort aymer, mais prenez pour le mieulx
Ungs bons ciseaulx couppent nostre amictié,
Et retenez l’aultre, qui a voz yeulx,
Forces et cœur : tant de double et gracieux
Satisfera trop bien de la moytié.
Marguerite de Navarre
Ville au bout de la route et route prolongeant la
ville : ne choisis donc pas l'une ou l'autre, mais
l'une et l'autre bien alternées.
Montagne encerclant ton regard le rabat et le
contient que la : plaine ronde libère. Aime à
sauter roches et marches ; mais caresse les
dalles où le pied pose bien à plat.
Repose-toi du son dans le silence, et, du silence,
daigne revenir au son. Seul si tu peux, si tu sais
être seul, déverse-toi parfois jusqu'à la foule.
Garde bien d'élire un asile. Ne crois pas à la, vertu
d’une vertu durable : romps-la de quelque
forte épice qui brûle et morde et donne un goût même à la fadeur.
Ainsi, sans arrêt ni faux pas, sans licol et sans
étable, sans mérites ni peines, tu parviendras,
non point, ami, au marais des joies
immortelles,
Mais aux remous pleins d'ivresses du grand fleuve
Diversité.
Victor Segalen
“Quand je l’ai rencontrée pour la première fois, j’ai ressenti, en la voyant,
une étrange sensation. Ce ne fut point de l’étonnement, ni de l’admiration,
ce ne fut point ce qu’on appelle le coup de foudre, mais un sentiment
de bien-être délicieux, comme si on m’eût plongé dans un bain tiède.
Ses gestes me séduisaient, sa voix me ravissait, toute sa personne
me faisait un plaisir infini à regarder. Il me semblait aussi
que je la connaissais depuis longtemps, que je l’avais vue déjà.
Elle portait en elle quelque chose de mon esprit.
Elle m’apparaissait comme une réponse à un appel jeté par mon âme,
à cet appel vague et continu que nous poussons
vers l’espérance durant tout le cours de notre vie.”
Guy de Maupassant, La tombe
Amoureuse au secret derrière ton sourire
Toute nue les mots d’amour
Découvrent tes seins et ton cou
Et tes paupières
Découvrent toutes les caresses
Pour que les baisers dans tes yeux
Ne montrent que toi toute entière.
Paul Eluard