Traduire un poème
Traduire un poème c’est comme faire l’amour / avoir une liaison…
faire l’amour avec un poème / avec le corps d’une autre langue.
Arun Kolhatkar
Coups de cœur
Traduire un poème c’est comme faire l’amour / avoir une liaison…
faire l’amour avec un poème / avec le corps d’une autre langue.
Arun Kolhatkar
Jeune levrette, au poil d'ébène,
Au flanc mince, au col assoupli,
Ton dos, où ma main se promène,
A l'éclat de l'acier poli.
Tu dresses tes noires oreilles
Comme deux ailes de corbeau ;
Tes dents d'ivoire sont pareilles
A la blanche écume de l'eau.
Ton œil, quand sur sa proie il plane.
Brille comme l'œil d'un démon,
Et ta jambe fine, ô Liane,
Est aussi frêle que ton nom.
L'écureuil n'a pas ta souplesse,
Ton corps svelte, léger, moelleux,
Sous ma main, qui le tient en laisse,
Bondit, comme un flot onduleux.
Puis, quand je te livre l'espace,
L'oiseau ne peut suivre tes pas :
La flèche moins rapide passe,
L'œil ébloui ne te voit pas.
Le bois, le torrent, la montagne,
N'arrêteraient pas ton essor ;
Mais à ma voix, douce compagne,
Près de moi tu reviens encore.
Léchant la main qui te caresse,
Par tes ébats capricieux,
Tu sais, de ta triste maîtresse,
Dérider le front soucieux.
Sur mes deux genoux tu t'élances,
Le cou penché, l'œil en émoi ;
Puis, coquette, tu te balances
Sur mon pied étendu vers toi.
Dans ta course, rapide ou lente,
Tour-à-tour, chamois ou serpent,
Tu voles, ou bien indolente,
A mon bras ton corps se suspend.
Et quand je te mets ta parure,
Ta chaîne d'or et ton collier ;
Tu brilles, comme sous l'armure
Brillait un jeune chevalier.
Louise Colet
J'aime la terre,
comme on aime en voyage
un endroit étranger
D'aucune autre manière
Ainsi la vie m'avance le long du fil qu'elle file
composant un dessin demeuré inconnu
jusqu'à ce que soudainement
comme l'adieu au voyage
le grand silence s'engouffre dans le cadre à tisser.
http://www.persee.fr/doc/grif_0770-6081_1996_hos_1_1_1891
Hannah Arendt
Aria ''Io già t'amai'' de l'opera Rodelinda d'Haendel, chanté par Grimoaldo (Steve Davislim)
Les fontaines se mêlent aux rivières,
Les rivières à l’Océan,
Les vents du Ciel s’unissent à jamais
Avec une douce émotion;
Rien dans le monde n’est solitaire
Toutes choses par loi divine
En un esprit se rencontrent, se mêlent.
Pourquoi pas le mien et le tien ?
Vois, les montagnes baisent le haut Ciel,
Les vagues l’une l’autre étreignent;
Nulle sœur-fleur ne serait pardonnée
Si elle dédaignait son frère;
Du soleil la lumière étreint la terre,
Les rais de lune baisent la mer:
Mais que vaut donc tout cet ouvrage tendre
Si toi tu ne m’embrasses pas ?
Percy Bysshe Shelley
"A la seconde où tu m’apparus, mon cœur eut tout le ciel pour l’éclairer. Il fut midi à mon poème. Je sus que l’angoisse dormait."
— René Char
Mes lèvres ne peuvent plus s'ouvrir
que pour dire ton nom
baiser ta bouche
te devenir en te cherchant.
Tu es au bout de chacun de mes mots
tu les emplis, les brûles, les vides.
Te voici en eux
tu es ma salive et ma bouche
et mon silence même est crispé de toi.
Je me couche dans la poussière, les yeux fermés
La nuit sera totale, tant que l'aube
Et le grand jour de ta chair
Ne passeront pas au-dessus de moi
Comme un vol de soleils.
Alain Borne
Il y avait du vent qui accrochait la lune
Il y avait le temps qui comptait doucement
Il y avait le chant des oiseaux et la brume
Il y avait un cœur qui battait tendrement
Et la terre a tourné en refaisant le monde
Le soleil s’est enfui voleur de sentiments
Les étoiles ont brillé de larmes toutes rondes
Le ciel s’est embrasé brûlant tous les serments
Et dans la voie lactée la douceur s’est enfuie
Cependant qu’elle et lui dans un dernier adieu
Reprenaient le chemin de leur ancienne vie
Sans jeter un regard vers la voûte des cieux
Sylvaine Trantoul Diet
Les poèmes doivent toujours être relus,
lus, relus, lus, mis en charge ;
chaque lecture procède à la recharge,
ce sont des appareils qui chargent du sens ;
en eux le sens s’accumule, bourdonnement
de particules en attente,
soupirs en suspens tic-tac,
à l’intérieur du cheval de Troie.
Valério Magrelli