La poésie n’est pas une essence.
La poésie n’est pas une essence.
Elle est peut-être ce qui relie l’énergie de l’âme à l’énergie de la langue.
— Jean-Baptiste Para et André Velter,
Coups de cœur
La poésie n’est pas une essence.
Elle est peut-être ce qui relie l’énergie de l’âme à l’énergie de la langue.
— Jean-Baptiste Para et André Velter,
Rivière trop tôt partie, d’une traite, sans compagnon,
Donne aux enfants de mon pays le visage de ta passion.
Rivière où l’éclair finit et où commence ma maison,
Qui roule aux marches d’oubli la rocaille de ma raison.
Rivière, en toi terre est frisson, soleil anxiété.
Que chaque pauvre dans sa nuit fasse son pain de ta moisson.
Rivière souvent punie, rivière à l’abandon.
Rivière des apprentis la calleuse condition,
Il n’est vent qui ne fléchisse la crête de tes sillons.
Rivière de l’âme vide, de la guenille et du soupçon,
Du vieux malheur qui se dévide, de l’ormeau, de la compassion.
Rivière des farfelus, des fiévreux, des équarrisseurs,
Du soleil lâchant sa charrue pour s’acoquiner au menteur.
Rivière des meilleurs que soi, rivière des brouillards éclos,
De la lampe qui désaltère l’angoisse autour de son chapeau.
Rivière des égards au songe, rivière qui rouille le fer,
Où les étoiles ont cette ombre qu’elles refusent à la mer.
Rivière des pouvoirs transmis et du cri embouquant les eaux,
De l’ouragan qui mord la vigne et annonce le vin nouveau.
Rivière au cœur jamais détruit dans ce monde fou de prison,
Garde-nous violent et ami des abeilles de l’horizon.
René Char
Les caresses des yeux sont les plus adorables ;
Elles apportent l'âme aux limites de l'être,
Et livrent des secrets autrement ineffables,
Dans lesquels seul le fond du coeur peut apparaître.
Les baisers les plus purs sont grossiers auprès d'elles ;
Leur langage est plus fort que toutes les paroles ;
Rien n'exprime que lui les choses immortelles
Qui passent par instants dans nos êtres frivoles.
Lorsque l'âge a vieilli la bouche et le sourire
Dont le pli lentement s'est comblé de tristesses,
Elles gardent encor leur limpide tendresse ;
Faites pour consoler, enivrer et séduire,
Elles ont les douceurs, les ardeurs et les charmes !
Et quelle autre caresse a traversé des larmes ?
Auguste Angellier
Quelquefois la nuit, singulièrement après l'amour, je deviens insecte. Si l'homme de ses deux mains étrangle doucement la taille, elle s'étire et fond jusqu'à devenir un pivot excessivement grêle, mais solide comme un filin d'acier, exactement de la hauteur des mains.
Alors commencent à jouer avec une parfaite indépendance les muscles et les joints du bassin et du torse. Les seins se dressent, interrogent l'horizon, se tournent lentement : avec un peu d'habitude on arrive à les placer face à la cambrure des reins. En dessous les hanches glissent peu à peu, dans un mouvement plutôt ondulatoire. La masse heureuse se déplace avec une souplesse lente, prisonnière de la pression des dents. Et puis les jambes se disjoignent, chaque orteil se dédouble, gratte le drap comme une argile. A chaque articulation jaillissent des contacts, d'agiles ramifications. Les bras deviennent légers et nageurs : il tombe mollement des pluies de bras dans l'espace.
Quant aux antennes elles me montent de droite et de gauche, impalpables, pêchant dans l'air, inlassablement sensibles aux odeurs du sexe et de la nuit.
Claudine Chonez, Les verrous ambigus
Tu n'aurais pas dû
me prendre par la main
pour la laisser
rêver de te toucher
Tu n'aurais pas dû
effleurer mes lèvres
pour les laisser
brûler sous tes baisers
Tu n'aurais pas dû
rester silencieux
pour que je ne cesse
d'espérer
Maram al-Masri
(pour Jeanne Charcot).
***
Si les ondines et les fées
Maintenant ainsi qu’autrefois
Sur une coquille de noix
Naviguaient, de corail coiffées,
Et si j’étais, - car nous aimons
Suivre parfois d’étranges rêves, -
Un des minuscules démons
Rois de la mer bleue et des grèves,
Je ne voudrais d’autre travail
Que d’agiter cet éventail
Pour faire une brise légère
Qui pousserait tout doucement
Le bateau vers un port charmant
Et vous seriez la passagère.
Paul Arène
Le poète est l’homme qui a en lui un dieu immanent,
et comme le médium de cette immanence.
-- Juan Ramón Jimenez
Ce soir,
Si j’écrivais un poème
pour la postérité ?
fichtre
la belle idée
je me sens sûr de moi
j’y vas
et à la postérité
j’y dis merde et remerde
et reremerde
drôlement feintée
la postérité
qui attendait son poème
ah mais
Raymond Queneau