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Coups de cœur
Brise légère
Brise légère
l'ombre de la glycine
tremble à peine
Bashô
Pour écrire un seul vers
Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, d’hommes et de choses, il faut connaître les animaux, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir quel mouvement font les petites fleurs en s’ouvrant le matin. Il faut pouvoir repenser à des chemins dans des régions inconnues, à des rencontres inattendues, à des départs que l’on voyait longtemps approcher, à des jours d’enfance dont le mystère ne s’est pas encore éclairci, à ses parents qu’il fallait qu’on froissât lorsqu’ils vous apportaient une joie et qu’on ne la comprenait pas (c’était une joie faite pour un autre), à des maladies d’enfance qui commençaient si singulièrement, par tant de profondes et graves transformations, à des jours passés dans des chambres calmes et contenues, à des matins au bord de la mer, à la mer elle-même, à des mers, à des nuits de voyage qui frémissaient très haut et volaient avec toutes les étoiles – et il ne suffit même pas de savoir penser à tout cela. Il faut avoir des souvenirs de beaucoup de nuits d’amour, dont aucune ne ressemblait à l’autre, de cris de femmes hurlant en mal d’enfant, et de légères, de blanches, de dormantes accouchées qui se refermaient. Il faut encore avoir été auprès de mourants, être resté assis auprès de morts, dans la chambre, avec la fenêtre ouverte et les bruits qui venaient par à-coups. Et il ne suffit même pas d’avoir des souvenirs. Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d’attendre qu’ils reviennent. Car les souvenirs ne sont pas encore cela. Ce n’est que lorsqu’ils deviennent en nous sang, regard, geste, lorsqu’ils n’ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous, ce n’est qu’alors qu’il peut arriver qu’en une heure très rare, du milieu d’eux, se lève le premier mot d’un vers.
Rainer Maria Rilke
Le poème
Sans cesse
Au vif de soi
S’amorce le poème
Miroir de l’instant
Fragment du désir
Écho du cri
Creusant l’os jusqu’à la moelle
Transperçant jusqu’à l’âme l’habit
Rouvrant les portes de l’espace
Soulageant les égarements de l’esprit
Le poème
Se rue sur nos pages avides
Explorant à la fois
Toute la flamme
Et toute l’eau.
Andrée Chedid
Paris
Je ne t'appartiens pas
Je ne t'appartiens pas, ni ne suis perdue en toi,
je ne suis pas perdue, bien que je sois avide
de me perdre comme une bougie allumée au midi,
comme un flocon de neige dans la mer.
Tu m'aimes, et je te trouve toujours
un esprit si bel et brillant,
cependant je demeure Moi-même, toujours avide
de me perdre comme une lumière dans la lumière.
Oh, plonge-moi profondément dans l'amour, défais
mes sens, laisse-moi sourde et aveugle,
balayée par la tempête de ton amour,
cierge sous une bourrasque.
Sarah Teasdale
traduit de l'américain par E. Dupas
Les femmes ne se sont jamais autorisées
Les femmes ne se sont jamais autorisées à admettre leurs fantasmes sexuels. Ils ont été encouragés à se créer en termes de fantaisie masculine. Je voulais créer des images qui répondent aux sentiments des femmes. Mes peintures traitent de la communication - comment une main touche un corps, plutôt que de la domination masculine ou féminine. Les femmes sont conditionnées pour jouer un rôle masochiste.
Joan Semmel, Art et féminisme
Ophélie
Au commencement était l'O de mon nom
une aurore liquide jaillissant de la nuit
l'ovale encerclé de mon visage
émergeant de l'eau.
Chaque goutte tombe au centre d'un cercle
célébrant ma naissance
dans la grande douleur
et dans la paix des pluies.
Je nomme l'O du sommeil la dérive
l'œil ouvert sur le ciel s'éloignant de la rive
où fêlure et folie se disputent mon nom.
L'anneau où je plonge, au cœur de la parole
est l'onde du silence que jamais ne traverse
le bruissement des voix
Au commencement était l'O de l'oubli
la pesanteur évanouie de la pluie
fluant vers l'océan
et mon corps tressé
d'une charge tremblante de feuilles
vaisseau lent.
Cécile Holdban
Allegretto
Sur un baiser trois jours après mon mariage
Dernier baiser de mon amant
Enivrez mon âme attendrie !
Je vous reçus du sentiment,
Reprenez pour lui seul une nouvelle vie ;
Je sens déjà le plus tendre désir
Vous rappeler sur mes lèvres brûlantes ;
Ramenez-y le doux plaisir ;
Fixez-y, s'il se peut, des grâces séduisantes ;
Qu'aux yeux d'un amant adoré
Ma bouche soit toujours plus belle :
Et qu'un baiser, à longs traits savouré,
Soit un charme de plus qui le rende fidèle.
Marie-Emilie de Montanclos