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À la musique

20 Novembre 2014, 04:28am

Publié par vertuchou

Place de la gare, à Charleville

Sur la place taillée en mesquines pelouses,
Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu’étranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.

— L’orchestre militaire, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la Valse des fifres :
— Autour, aux premiers rangs, parade le gandin;
Le notaire pend à ses breloques à chiffres ;

Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs :
Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames
Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de réclames ;

Sur les bancs verts, des clubs d’épiciers retraités
Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,
Fort sérieusement discutent les traités,
Puis prisent en argent, et reprennent : « En somme !… »

Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande,
Savoure son onnaing d’où le tabac par brins
Déborde — vous savez, c’est de la contrebande — ;

Le long des gazons verts ricanent les voyous ;
Et rendus amoureux par le chant des trombones,
Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious
Caressent les bébés pour enjôler les bonnes…

— Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
Sous les marronniers verts les alertes fillettes :
Elles le savent bien ; et tournent en riant,
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.

Je ne dis pas un mot : je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles :
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules.

J’ai bientôt déniché la bottine, le bas…
— Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas.
— Et mes désirs brutaux s’accrochent à leurs lèvres…

Arthur Rimbaud

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Early Morning on the River

19 Novembre 2014, 04:51am

Publié par vertuchou

Bill Brandt, Early Morning on the River, London Bridge, 1936

Bill Brandt, Early Morning on the River, London Bridge, 1936

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Ces cheveux, ces liens, dont mon coeur tu enlasses

18 Novembre 2014, 04:14am

Publié par vertuchou

Ces cheveux, ces liens, dont mon coeur tu enlasses,
Gresles, primes, subtils, qui coulent aux talons,
Entre noirs et chastains, bruns, deliez et longs,
Tels que Venus les porte, et ces trois belles Graces ;

Me tiennent si estrains, Amour, que tu me passes
Au cœur, en les voyant, cent poinctes d'aiguillons,
Dont le moindre des nœuds pourroit des plus felons
En leur plus grand courroux arrester les menaces.

Cheveux non achetez, empruntez ny fardez,
Qui vostre naturel sans feintise gardez,
Que vous me semblez beaux ! Permettez que j'en porte

Un lien à mon col, à fin que sa beauté,
Me voyant prisonnier lié de telle sorte,
Se puisse tesmoigner quelle est sa cruauté.

Pierre de Ronsard

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J'ai tellement pris pour clarté ta chevelure

17 Novembre 2014, 04:12am

Publié par vertuchou

J'ai tellement pris pour clarté ta chevelure
Que comme lorsqu'on a trop fixé le soleil,
On voit sur toute chose ensuite un rond vermeil,
Sur tout, quand j'ai quitté les feux dont tu m'inondes,
Mon regard ébloui pose des taches blondes !

Edmond Rostand

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Poème à l’envers

16 Novembre 2014, 04:18am

Publié par vertuchou

À l’ombre, sous les platanes roux,
À Londres, tristement assis sur un banc
J’écourte ces discours douloureux,
J’écoute chaque jour mon cœur las et triste.

« Je pars, c’est fini. Je t’aime. »
Je parvins à saisir ces mots murmurés :
Assis près de toi, l’âme déchirée,
À six heures, l’heure ultime.

Fragments d’un être brisé,
Fragiles phrases aux rimes égarées,
Souvenirs volatiles sans destination,
Soupirs inexprimables d’une passion.

Las, malgré l’automne qui flamboie
Là, un homme, seul, dans un précoce hiver.
Il était une fois
Un poème à l’envers…

William Taurus

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Thelonius Monk with John Coltrane : Ruby, My Dear

15 Novembre 2014, 04:16am

Publié par vertuchou

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Le mot et la chose

14 Novembre 2014, 04:13am

Publié par vertuchou

Madame quel est votre mot
Et sur le mot et sur la chose
On vous a dit souvent le mot
On vous a fait souvent la chose

Ainsi de la chose et du mot
Vous pouvez dire quelque chose
Et je gagerais que le mot
Vous plaît beaucoup moins que la chose

Pour moi voici quel est mon mot
Et sur le mot et sur la chose
J'avouerai que j'aime le mot
J'avouerai que j'aime la chose

Mais c'est la chose avec le mot
Mais c'est le mot avec la chose
Autrement la chose et le mot
A mes yeux seraient peu de chose

Je crois même en faveur du mot
Pouvoir ajouter quelque chose
Une chose qui donne au mot
Tout l'avantage sur la chose

C'est qu'on peut dire encore le mot
Alors qu'on ne fait plus la chose
Et pour peu que vaille le mot
Mon Dieu c'est toujours quelque chose

De là je conclus que le mot
Doit être mis avant la chose
Qu'il ne fait ajouter au mot
Qu'autant que l'on peut quelque chose

Que pour vous la chose et le mot
Doivent être la même chose
Et vous n'avez pas dit le mot
Qu'on est déjà prêt à la chose

Et que pour le jour où le mot
Viendra seul hélas sans la chose
Il faut se réserver le mot
Pour se consoler de la chose
Pour vous je crois qu'avec le mot

Vous voyez toujours autre chose
Vous dites si gaiement le mot
Vous méritez si bien la chose
Mais quand je vous dis que le mot
Doit être mis avant la chose
Vous devez me croire à ce mot
Bien peu connaisseur en la chose

Et bien voici mon dernier mot
Et sur le mot et sur la chose
Madame passez-moi le mot
Et je vous passerai la chose

Abbé de l'Attaignant (1697-1779)

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La poésie se fait dans un lit

13 Novembre 2014, 04:12am

Publié par vertuchou

La poésie se fait dans un lit comme l’amour.

Ses draps défaits sont l’aurore des choses.

— André Breton

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Après l’Homme

12 Novembre 2014, 04:02am

Publié par vertuchou

Après l’Homme, après l’Homme,
Qui dira aux fleurs comment elles se nomment ?
Après l’Homme, après l’Homme,
quand aura passé l’heure de vie du dernier Homme.

Qui dira aux fleurs
combien elles sont belles ?
N’y aura de cœur
à battre pour elles.

Après l’Homme, après l’Homme,
que sera encore le mot “merveilleux” ?
Après l’Homme, après l’Homme,
quand le dernier des hommes aura vidé les lieux.

Qui dira de la Terre
Qu’elle est sans pareille
et que dans l’Univers
elle est fleur de Soleil ?

Après l’Homme, après l’Homme…

Viens-t’en donc pour lors,
viens-t’en donc l’ami,
et chantons encore
le jour d’aujourd’hui.

Esther Granek

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Dead Germans in a Trench

11 Novembre 2014, 04:19am

Publié par vertuchou

William Orpen, Dead Germans in a Trench (Allemands morts dans une tranchée), 1918, huile sur toile, 91,4 x 76,2 cm

William Orpen, Dead Germans in a Trench (Allemands morts dans une tranchée), 1918, huile sur toile, 91,4 x 76,2 cm

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