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Puisqu'il le faut...

19 Février 2016, 04:08am

Publié par vertuchou

Dans le lit plein ton corps se simplifie
Sexe liquide univers de liqueur
Liant des flots qui sont autant de corps
Entiers complets de la nuque aux talons
Grappe sans peau grappe-mère en travail
Grappe servile et luisante de sang
Entre les seins les cuisses et les fesses
Régentant l'ombre et creusant la chaleur
Lèvre étendue à l'horizon du lit
Sans une éponge pour happer la nuit
Et sans sommeil pour imiter la mort.
Frapper la femme monstre de sagesse
Captiver l'homme à force de patience
Doucer la femme pour éteindre l'homme
Tout contrefaire afin de tout réduire
Autant rêver d'être seul et aveugle.
Je n'ai de cœur qu'en mon front douloureux.
L'après-midi nous attendions l'orage
Il éclatait lorsque la nuit tombait
Et les abeilles saccageaient la ruche
Puis de nos mains tremblantes maladroites
Nous allumions par habitude un feu
La nuit tournait autour de sa prunelle
Et nous disions je t'aime pour y voir.
Le temps comblé la langue au tiers parfum
Se retenait au bord de chaque bouche
Comme un mourant au bord de son salut
Jouer jouir n'était plus enlacés
Du sol montait un corps bien terre à terre
L'ordre gagnait et le désir pesait
Branche maîtresse n'aimait plus le vent
Par la faute d'un corps sourd
Par la faute d'un corps mort
D'un corps injuste et dément.

Paul Éluard

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la caresse

18 Février 2016, 03:03am

Publié par vertuchou

La caresse est un mode d'être du sujet, où le sujet dans le contact d'un autre
va au delà de ce contact. Le contact en tant que sensation fait partie
du monde de la lumière.

Mais ce qui est caressé n'est pas touchè à proprement parler.
Ce n'est pas le velouté ou la tiédeur de cette main donnée dans le contact
que cherche la caresse.

Cette recherche de la caresse en constitue l'essence par le fait
que la caresse ne sait pas ce qu'elle cherche. Ce « ne pas savoir ››,
ce désordonné fondamental en est l'essentiel.

Elle est comme un jeu avec quelque chose qui se dérobe,
et un jeu absolument sans projet ni plan,
non pas avec ce qui peut devenir nôtre et nous,
mais avec quelque chose d'autre, toujours autre, toujours inaccessible,
toujours à venir.

La caresse est l'attente de cet avenir pur, sans contenu.
Elle est faite de cet accroissement de faim, de promesses toujours plus riches,
ouvrant des perspectives nouvelles sur l'insaisissable.
Elle s'alimente de faims innombrables.

— Emmanuel Levinas, Le temps et l’autre

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Mon amante a les vertus de l'eau

17 Février 2016, 04:01am

Publié par vertuchou

Mon amante a les vertus de l'eau : un sourire clair, des gestes
coulants, une voix pure et chantant goutte à goutte.

Et quand parfois, malgré moi - du feu passe dans mon regard,
elle sait comment on l'attise en frémissant : eau jetée sur les
charbons rouges.

*

Mon eau vive, la voici répandue, toute, sur la terre ! Elle glisse,
elle me fuit ; - et j'ai soif, et je cours après elle.

De mes mains je fais une coupe. De mes deux mains je l'étanche
avec ivresse, je l'étreins, je la porte à mes lèvres :

Et j'avale une poignée de boue.

Victor Ségalen

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Fiona Campbell-Walter

16 Février 2016, 03:59am

Publié par vertuchou

Fiona Campbell-Walter by Georges Dambier, 1954.

Fiona Campbell-Walter by Georges Dambier, 1954.

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Laisse-moi !

15 Février 2016, 03:55am

Publié par vertuchou

Non, laisse-moi, je t'en supplie ;
En vain, si jeune et si jolie,
Tu voudrais ranimer mon cœur :
Ne vois-tu pas, à ma tristesse,
Que mon front pâle et sans jeunesse
Ne doit plus sourire au bonheur ?

Quand l'hiver aux froides haleines
Des fleurs qui brillent dans nos plaines
Glace le sein épanoui,
Qui peut rendre à la feuille morte
Ses parfums que la brise emporte
Et son éclat évanoui !

Oh ! si je t'avais rencontrée
Alors que mon âme enivrée
Palpitait de vie et d'amours,
Avec quel transport, quel délire
J'aurais accueilli ton sourire
Dont le charme eût nourri mes jours.

Mais à présent, Ô jeune fille !
Ton regard, c'est l'astre qui brille
Aux yeux troublés des matelots,
Dont la barque en proie au naufrage,
A l'instant où cesse l'orage
Se brise et s'enfuit sous les flots.

Non, laisse-moi, je t'en supplie ;
En vain, si jeune et si jolie,
Tu voudrais ranimer mon cœur :
Sur ce front pâle et sans jeunesse
Ne vois-tu pas que la tristesse
A banni l'espoir du bonheur ?

Gérard de Nerval

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Tendre S

14 Février 2016, 03:52am

Publié par vertuchou

ma très chère et tendre S.
ce n'est pas par paresse
si mes lettres vous paraissent
écrites comme on blesse
serait-ce que le bonheur ne finit par par "s" ?
je vous le confie et même vous le confesse
ma tendre S., ma tendre S.

vous savez ce n'est pas par faiblesse
si certains de mes faits vous blessent
mais il ne faut pas croire mes caresses
qui mentent comme elles respirent car est-ce
possible d'éprouver aujourd'hui de la tendresse
amicalement et de façon chevaleresque
j'embrasse votre joli front ma tendre S.

si depuis quelques temps je vous délaisse
c'est que de vous rien il ne reste
hormis une paire de bas, des laisses
la fessée n'aura duré que le temps d'une messe
trois nuits, deux jours mais est-ce
encore possible de nourrir de l'allégresse
le goût du gras, très peu pour moi, je le confesse
je suis plutôt du genre cuisses qu'on fesse
cuisses qu'on fesse, ma tendre S.

est-ce que le bonheur ne finit pas par "s"
je vous le confie et même vous le confesse
amicalement et de façon chevaleresque
j'embrasse votre joli front ma tendre S.
ma tendre S., ma tendre S.

Christophe Miossec

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Sur le mur...

13 Février 2016, 03:43am

Publié par vertuchou

Sur le mur d’en face
Une ombre me fait désirer
L’amant oublié

- - -

Continue donc
Ce va-et-vient
Mon bel artisan

Habashli Kunzeï

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The Scarlet Sunset

12 Février 2016, 03:51am

Publié par vertuchou

Joseph Mallord William Turner - The Scarlet Sunset, c. 1830-40. Watercolour and gouache on paper, 134 x 189 mm.

Joseph Mallord William Turner - The Scarlet Sunset, c. 1830-40. Watercolour and gouache on paper, 134 x 189 mm.

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L’ Allée

11 Février 2016, 03:49am

Publié par vertuchou

Fardée et peinte comme au temps des bergeries,
Frêle parmi les nœuds énormes de rubans,
Elle passe sous les ramures assombries,
Dans l’allée où verdit la mousse des vieux bancs,
Avec mille façons et mille afféteries
Qu’on garde d’ordinaire aux perruches chéries.
Sa longue robe à queue est bleue, et l’éventail
Qu’elle froisse en ses doigts fluets aux larges bagues
S’égaie un des sujets érotiques, si vagues
Qu’elle sourit, tout en rêvant, à maint détail.
— Blonde, en somme. Le nez mignon avec la bouche
Incarnadine, grasse, et divine d’orgueil
Inconscient. — D’ailleurs plus fine que la mouche
Qui ravive l’éclat un peu niais de l’œil.

Paul Verlaine

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Ami, ô, mon ami…

10 Février 2016, 04:40am

Publié par vertuchou

Ami, ô, mon ami… J'éprouve les limites du langage, et mes propres limites aussi

-limites écartelées continûment… et qu'est-ce qui va naître ?

Ce n'est pas de tout repos de grandir. Demain me donne le vertige,

et pourtant j'ai soif infiniment, j'ai faim infiniment de nouvelles nourritures ;

je n'en finis pas de venir au monde.

Et qui délivrera cet oiseau battant de mes poignets ?

-Ah, pardonne-moi, pardonne-moi cette incohérence.

Je suis abattue contre ton épaule, mais comment consoleras-tu ce bonheur

de vivre si poignant qu'il m'est douleur ?

Mireille Sorgue, Lettres à l’Amant,

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