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C'est peu de dire aimer,

20 Juin 2017, 21:46pm

Publié par vertuchou

Chimène

C'est peu de dire aimer, Elvire, je l'adore ;
Ma passion s'oppose à mon ressentiment ;
Dedans mon ennemi je trouve mon amant ;
Je sens qu'en dépit de toute ma colère,
Rodrigue dans mon coeur combat encor mon père.
Il l'attaque, il le presse, il cède, il se défend,
Tantôt fort, tantôt faible, et tantôt triomphant :
Mais en ce dur combat de colère et de flamme,
Il déchire mon coeur sans partager mon âme ;
Et quoi que mon amour ait sur moi de pouvoir,
Je ne consulte point pour suivre mon devoir ;
Je cours sans balancer où mon honneur m'oblige.
Rodrigue m'est bien cher, son intérêt m'afflige ;
Mon coeur prend son parti ; mais, malgré son effort,
Je sais ce que je suis, et que mon père est mort.

Pierre Corneille, Le Cid,  Acte 3, Scène 3

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Hervé Joncourt n'avait jamais vu cette jeune fille

19 Juin 2017, 02:43am

Publié par vertuchou

Hervé Joncourt n'avait jamais vu cette jeune fille, et en fait il ne la vit pas non plus, cette nuit-là.

Dans la chambre sans lumière, il sentit la beauté de son corps, et il connut ses mains et sa bouche.

Il l'aima pendant des heures, avec des gestes qu'il n'avait jamais faits, se laissant enseigner une lenteur qu'il ne connaissait pas.

Dans le noir, ce n'était rien de l'aimer, et de ne pas l'aimer, elle.

Un peu avant l'aube, la jeune fille se leva, remit son kimono blanc, et partit.

Alessandro Baricco, Soie

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Bifurcation

18 Juin 2017, 02:34am

Publié par vertuchou

je ne veux pas te quitter
mon sourire est attaché à ton corps
et le baiser de l'algue à la pierre
à l'intérieur de mon âge je porte un enfant gai et
bruyant
il n'y a que toi qui saches le faire sortir du coquillage
comme l'escargot avec de fines voix

parmi l'herbe il y a
les mains fraîches des fleurs qui se tendent vers moi
mais il n'y a que ta voix qui soit fine
comme ta main est fine comme le soir est impalpable
comme le repos

 

Tristan Tzara

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Two Leaves

17 Juin 2017, 02:31am

Publié par vertuchou

Ruth Bernhard, Two Leaves, 1952

Ruth Bernhard, Two Leaves, 1952

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Chanson pour elles

16 Juin 2017, 02:26am

Publié par vertuchou

Ils me disent que tu es blonde
Et que toute blonde est perfide,
Même ils ajoutent " comme l’onde ".
Je me ris de leur discours vide !
Tes yeux sont les plus beaux du monde
Et de ton sein je suis avide.

Ils me disent que tu es brune,
Qu’une brune a des yeux de braise
Et qu’un coeur qui cherche fortune
S’y brûle… Ô la bonne foutaise !
Ronde et fraîche comme la lune,
Vive ta gorge aux bouts de fraise !

Ils me disent de toi, châtaine :
Elle est fade, et rousse trop rose.
J’encague cette turlutaine,
Et de toi j’aime toute chose
De la chevelure, fontaine
D’ébène ou d’or (et dis, ô pose-
Les sur mon coeur), aux pieds de reine.


Paul Verlaine.

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S’il est vrai qu’il faut savoir lire la poésie

15 Juin 2017, 02:23am

Publié par vertuchou

S’il est vrai qu’il faut savoir lire la poésie autrement que le journal, il faut savoir
aussi  la lire comme le journal, et alors Le Dormeur du val  sera certainement à la
fois plus accessible au lecteur, et plus conforme au sentiment rimbaldien, que
cette exégèse arbitraire

Louis Aragon, Chroniques du bel canto

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Air noir

14 Juin 2017, 03:11am

Publié par vertuchou

 

La ville cousue de fil blanc,
Les toits portants cheminées,
Le ciel parallèle aux rues,
Les rues,
La fumée sur les trottoirs,
TROUVAILLE.

Des pas les uns vers les autres,
Le soleil ou la lumière,
Souvenirs de ville,
L'HEURE A L'HEURE,
Du matin, de midi au soir,

Façades et boutiques,
Des lumières pliées dans des vitres,
VEILLER.

Ailleurs,
La nuit enfermée dans la nuit,
Les chiens aboyant à la nuit des chats,
LA FATIGUE.

Paul Eluard

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Blaues Pferd II

13 Juin 2017, 02:16am

Publié par vertuchou

Franz Marc, Blaues Pferd II, 1911

Franz Marc, Blaues Pferd II, 1911

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A l'imagination

12 Juin 2017, 03:10am

Publié par vertuchou

Lorsque, lassée du long souci du jour

Et ballottée de peine en peine

Je suis perdue, prête à désespérer,

Ta bonne voix de nouveau me rappelle.

Ô ma fidèle amie, comment serais-je seule

Tant que tu peux parler sur pareil ton ?

 

Le monde du dehors est si vide d’espoir

Que m’est deux fois précieux le monde du dedans,

Ce tien monde où jamais ne règnent ruse et haine

Non plus que doute et froid soupçon ;

Où toi et moi et la Liberté,

Exerçons souveraineté indiscutée.

 

Qu’importe que, de toutes parts,

Le Péril, le Péché, la Ténèbre nous pressent

Si nous gardons ancré au fond de notre cœur

Un brillant ciel immaculé,

Chaud des mille rayons mêlés

De soleils qui jamais ne connaissent l’hiver ?

 

La Raison peut souvent se plaindre en vérité

Du triste train de la Nature,

Et révéler au cœur souffrant combien ses rêves

Sont voués à demeurer vains ;

Et la Réalité peut piétiner, brutale,

Les fleurs de l’Imagination à peine écloses.

 

Mais tu es toujours là pour ramener

Les visions latentes, pour parer

Le printemps dépouillé de nouvelles splendeurs

Et tirer de la mort une vie plus exquise,

Évoquant d’un souffle divin

De vrais mondes aussi lumineux que le tien.

 

Je ne crois guère en ta félicité fantôme,

Mais à l’heure apaisée du soir,

C’est toujours, oui, toujours avec reconnaissance

Que je te vois venir, ô bienfaisant pouvoir,

Infaillible consolatrice

Et quand l’espoir se meurt, plus radieux espoir.

 

le 3 septembre 1844

 

Emily Brontë

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Lettres à Juliette Drouet

11 Juin 2017, 02:47am

Publié par vertuchou

Je vous aime, mon pauvre ange, vous le savez bien, et pourtant vous voulez que je vous l'écrive. Vous avez raison. Il faut s'aimer, et puis il faut se le dire, et puis il faut se l'écrire, et puis il faut se baiser sur la bouche, sur les yeux, et ailleurs. Vous êtes ma Juliette bien-aimée. Quand je suis triste, je pense à vous, comme l'hiver on pense au soleil, et quand je suis gai, je pense à vous, comme en plein soleil on pense à l'ombre. Vous voyez bien, Juliette, que je vous aime de toute mon âme. Vous avez l'aire jeune comme un enfant, et l'air sage comme une mère aussi je vous enveloppe de tous ces amours-là à la fois. Baisez-moi, belle Juju !

7 Mars 1833

Oh ! ma joie, ma vie, ma bien-aimée ! Je suis triste ce matin, j'ai peur que les allants et venants du dimanche ne m'empêchent d'être auprès de toi aussi vite et aussi longtemps que je voudrais. Pourvu encore que toi-même de ton côté tu puisses venir ! pourvu que la fièvre que tu avais hier ne t'empêche pas de sortir aujourd'hui ! Oh ! plains-moi. Oh ! n'est-ce pas ? Tu viendras ? tu te portes bien ? je te verrai ? Oh ! J'ai tant d'amour à te donner, tant de baisers à te prodiguer, sur tes pieds parce que je te respecte, sur ton front parce que je t'admire, sur tes lèvres parce que je t'aime ! Ce n'est pas une couronne que tu devrais avoir sur la tête, c'est une étoile !

Septembre 1834

Victor Hugo

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