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Coups de cœur
Dans l'eau claire
Dans l'eau claire, lumineuse
Lumineuse comme du jade
On voit naturellement jusqu'au fond...
Quand le coeur est libre de toute pensée
Les dix mille circonstances ne peuvent le toucher
Si le coeur ne s'agite pas pour des futilités
Le changement éternel ne saurait le troubler
Si l'on comprend cela
Si l'on comprend bien cela
On sait qu'il n'y a ni dos ni face !...
Han Shan
Ah ! j'ai baisé ta bouche
Ah ! j'ai baisé ta bouche, Iokanaan, j'ai baisé ta bouche.
Il y avait une âcre saveur sur tes lèvres. ôtait-ce la saveur du sang ?...
Mais, peut-être est-ce la saveur de l'amour. On dit que l'amour a une âcre saveur...
Mais, qu'importe ? Qu'importe ? J'ai baisé ta bouche, Iokanaan, j'ai baisé ta bouche.
Oscar Wilde, Salomé
S’éprouver soi-même
se taire
en l'absence
de souffle de vie
vacillement du monde
aux traits mortels
chair vive du silence
témoin de sa propre
existence
de rompre les points
de suture
à la croisée des chemins
Exsultate, jubilate, K165
Haiku
Que le ciel d’été
Lichen sur les pins.
Dans la nuit
Dans la nuit, on perd la mesure des choses et on se retrouve
dans la démesure de ses propres solitudes psychiques.
Dans la poésie aussi. Un geste poétique est un geste qui ouvre une nuit,
qui démesure les choses du jour.
Georges Didi-Huberman, Le Danseur des solitudes, 2006
Attendons que ma joie revienne
Attendons que ma joie revienne
Et que se meure le souvenir
De cet amour de tant de peine
Qui n'en finit pas de mourir.
Avant de me dire je t'aime,
Avant que je puisse te le dire,
Attends donc que ma joie revienne,
Qu'au matin je puisse sourire.
Laisse-moi. Le chagrin m'emporte
Et je vogue sur mon délire.
Laisse-moi. Ouvrez cette porte.
Laisse-moi. Je vais revenir.
J'attendrai que ma joie revienne
Et que soit mort le souvenir
De cet amour de tant de peine
Pour lequel j'ai voulu mourir.
J'attendrai que ma joie revienne,
Qu'au matin je puisse sourire,
Que le vent ait séché ma peine
Et la nuit calmé mon délire.
Il est, paraît-il, un rivage
Où l'on guérit du mal d'aimer.
Les amours mortes y font naufrage,
Epaves noires du passé.
Si tu veux que ma joie revienne,
Qu'au matin, je puisse sourire
Vers ce pays où meurt la peine,
Je t'en prie, laisse-moi partir.
Il faut de mes amours anciennes
Que périsse le souvenir
Pour que, libérée de ma chaîne,
Vers toi, je puisse revenir.
Alors, je t'en fais la promesse,
Ensemble nous irons cueillir
Au jardin fou de la tendresse
La fleur d'amour qui va s'ouvrir
Mais c'est trop tôt pour dire je t'aime,
Trop tôt pour te l'entendre dire.
La voix que j'entends, c'est la sienne.
Ils sont vivants, mes souvenirs.
Pardonne-moi: c'est lui que j'aime.
Le passé ne veut pas mourir
Barbara
Italie, 1933
A une chatte
Chatte blanche, chatte sans tache,
Je te demande, dans ces vers,
Quel secret dort dans tes yeux verts,
Quel sarcasme sous ta moustache.
Tu nous lorgnes, pensant tout bas
Que nos fronts pâles, que nos lèvres
Déteintes en de folles fièvres,
Que nos yeux creux ne valent pas
Ton museau que ton nez termine,
Rose comme un bouton de sein,
Tes oreilles dont le dessin
Couronne fièrement ta mine.
Pourquoi cette sérénité ?
Aurais-tu la clé des problèmes
Qui nous font, frissonnants et blêmes,
Passer le printemps et l'été ?
Devant la mort qui nous menace,
Chats et gens, ton flair, plus subtil
Que notre savoir, te dit-il
Où va la beauté qui s'efface,
Où va la pensée, où s'en vont
Les défuntes splendeurs charnelles ?
Chatte, détourne tes prunelles ;
J'y trouve trop de noir au fond.
Charles Cros